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Apr. J. C.

L'an 1169.

mais ce Prince l'accorda (a) à Saladin qui avoit eu tant de répugnance à se rendre en Egypte. Au refte, il ne jetta les Noureddin yeux fur lui, que parce qu'il efpéroit que cet Emir n'auroit Cothbed- point affez d'autorité pour contenir les troupes, & qu'alors ce feroit une occafion favorable de détruire la puissance de ces Grands-Vizirs. Adhed donna à Saladin le titre de Maleken-nafer, c'est-à-dire, Roi victorieux.

din.

Aucun des Emirs de l'armée de Noureddin ne voulut ni regarder ni fervir Saladin, tous l'abandonnerent, comme le Khalif l'avoit prévû. Un Docteur de la Loi nommé Dhia eddin Iffa el hekari, alla d'abord trouver l'Emir Seifeddin Aly (), & l'engagea dans le parti de Saladin, ensuite Schehabeddin el haremi oncle du Vizir, auquel il représenta qu'il ne devoit point contribuer à la perte du fils de fa foeur; il fit entendre à Cothbeddin inal & à Aïn eddoulet el yarouki, qui étoient Kurdes d'origine comme Saladin, qu'il ne reftoit plus qu'eux à fe foumettre, & qu'ils devoient s'attacher à faire paffer cet Empire dans leur nation; que par les divifions qui régnoient entr'eux, les Turcs alloient en devenir les maîtres. C'eft ainfi que Dhia eddin Iffa fçut ramener au parti de Saladin tous les Emirs de l'armée de Noureddin. Cet Emir fe trouva maître abfolu, mais il n'étoit, ainsi que fon oncle Schirkouh , que le Lieutenant de Noureddin, & tout ne se faifoit dans l'Egypte qu'au nom de ce Prince ; c'étoit en fon nom qu'on faifoit la priere publique. D'un autre côté, Saladin par fes largeffes parvint à gagner les cours de tout le monde, & le Khalif fut trompé dans fes espérances.

Lorfque Saladin fe vit une fois affermi dans le Royaume d'Egypte, il fit prier Noureddin de renvoyer en Egypte fes freres; mais Noureddin lui fit réponse qu'il ne croyoit pas qu'il fût à propos qu'ils allaffent dans ce pays, où peut-être par la fuite ils s'oppoferoient à fes deffeins, & exciteroient des troubles qui faciliteroient le retour des Francs. Parmi ces freres de Saladin étoit Schamfeddoulet touranschah fon aîné. A la fin Noureddin confentit à leur départ. Il demanda à Touranfchah s'il refteroit volontiers foumis à fon frere

(a) Sur la fin de Dgioumadi elakher (b) Fils d'Ahmed. de l'an 564.

Touranschah promit de le fecourir de toutes les forces, alors il partit, & il tint parole dans la fuite.

Apr. J. C.
L'an 1169.

Cothbed

din.

L'établiffement de Saladin dans l'Egypte allarma tous les Noureddin Francs; par cette conquête Noureddin fe trouvoit en état de faire partir des flottes de l'Egypte pour croifer fur toutes les Guillaume côtes de la Syrie où ils étoient établis ; il pouvoit empêcher de Tyr. le paffage des Pélerins, & par-là détruire entiérement le Benelahir Royaume de Jérufalem. A la vûe de tous ces malheurs qui les menaçoient, les Francs tinrent un grand confeil dans fequel il fut arrêté que le Patriarche de Jérufalem, l'Archevêque de Céfarée (a), l'Evêque d'Akka (6), pafferoient en Occident pour demander des secours à Louis, Roi de Fran

ce,

à Henri Roi d'Angleterre, à Guillaume Roi de Sicile, & aux autres Souverains de l'Europe; mais une tempête qui s'éleva pendant la nuit endommagea fi confidérablement le vaiffeau, qu'elle l'obligea de rentrer dans le port. Fréderic Archevêque de Tyr, & Jean Evêque de Paneas, furent chargés alors de paffer en Europe; ce dernier mourut peu de tems après à Paris, & l'autre ne fit qu'un voyage inutile.

Pendant que ces Députés étoient dans l'Occident où ils Guillaume ne recevoient que des promeffes; l'Empereur de Conftan- de Tyre tinople équippa une flotte confidérable qu'il envoya au secours des Francs. Elle étoit compofée de cent cinquante grands vaisseaux, appellés Galées, qui étoient à deux rangs de rames, & portoient en avant un bec; de foixante autres vaiffeaux plus grands pour porter la cavalerie, & de dix ou douze autres encore plus confidérables, appellés Dromons; ceux-ci étoient chargés de toutes les provifions, des armes & des machines. Megalducas Maurefius, Général fort expérimenté dans la guerre, & Alexandre de Converfana conduifirent cette flotte (c) à Tyr & enfuite à Akka. Au mois d'Octobre toutes les troupes des Francs & des Grecs s'affemblerent à Afcalon, & fe mirent en marche vers l'Egypte. Elles se rendirent à petites journées à Pharamia, ville prefque déferte, fituée proche la premiere embouchure du Nil appellée Carabes. Tout ce chemin étoit devenu plus long

(a) Ernefius.

(b) Guillaume.

(c) Au mois de Septembre.

Apr. J. C.

Cothbed

din.

depuis quelque-tems. Les flots de la mer, à force de battre L'an 1169. Continuellement contre les monceaux de fable qui s'étoient Noureddin accumulés fur le rivage, avoient ouvert un paffage, & après être entrés dans la plaine, ils avoient formé un vaste marais dont l'embouchure étoit affez étroite. Il en étoit résulté un avantage confidérable pour toutes les villes voisines, ce marais s'étoit rempli d'une quantité prodigieufe de poiffon de toute efpece que l'on y venoit pêcher de tous les environs; mais ceux qui vouloient aller de Syrie en Egypte, en fuivant le bord de la mer, étoient obligés de faire un détour d'environ dix milles le long du marais, avant que de pouvoir regagner le rivage. Les Francs trouverent à Pharamia la flotte des Grecs qui étoit partie d'Akka. Elle fervit à faire paffer les troupes de l'autre côté du Nil, laiffant Taphnis à la gauche. De-là elles fe rendirent toutes à Damiete (a), & camperent entre la ville & la mer, en attendant que la flotte les eut rejoint de nouveau.

Sur le bord du fleuve il y avoit une tour très-fortifiée, d'où partoit une chaîne qui étoit attachée aux murs de la ville, & qui empêchoir que l'on ne pût pénétrer plus haut. Par ce moyen les habitans recevoient librement des fecours du Caire, & il leur arrivoit continuellement des troupes. Les Francs qui comptoient emporter cette ville d'emblée, fe virent dans la néceffité d'en former le fiége en régle, & de dreffer un grand nombre de machines; mais les affiégés leur en oppoferent d'autres, & la négligence & même la trahifon de quelques Francs étoient caufe que celles des affiégés avoient la fupériorité. La flotte manqua les Grecs étoient obligés de fe disperser dans la forêt des Palmiers qui eft aux environs & de manger les branches les plus tendres pour appaifer leur faim; les Francs craignoient en leur fourniffant des vivres de fe trouver dans la même fituation. Les pluyes qui tomboient en abondance augmentoient les maux de l'armée Chrétienne. Il fouffloit alors un vent du Midi qui augmentoit la rapidité du courant du Nil, où toute la flotte s'étoit raffemblée comme dans un lieu de

(a) Le Gx des kalendes de Novembre, gire. dans le mois Sepher de l'an 565 de l'He

de vivres

fûreté

>

Apr. J. C.

Cothbed

Guillaume

fûreté. Les habitans remplirent un brûlot de bois fecs & d'autres matieres graffes, le lâcherent fur le fleuve en le dirigeant L'an 1169. vers les vaiffeaux. Six de ceux qu'on appelle Galées furent Noureddin entiérement brûlés, & toute la flotte eût éprouvé le même din. fort fans le Roi Amaury qui vint au fecours. Les Francs Benelathir. refterent ainfi pendant cinquante jours devant Damiete. Voyant alors qu'il étoit impoffible de la prendre, ils fe préparerent à fe retirer, après avoir fait une espece de trêve avec les habitans, par l'entremife de quelques Emirs Egyptiens qui n'étoient pas portés pour Saladin.

de Tyr.

Bohaeddin.

Cet Emir s'étoit plaint à Noureddin de ce que plufieurs grands Seigneurs de l'Egypte s'étoient déclarés en faveur des Francs, & Noureddin pour conferver ce pays y avoit envoyé des troupes, en même tems que de fon côté il étoit entré dans la Syrie où il avoit fait beaucoup de ravages, qui ne contri- Benelathir. buerent pas peu à la levée du fiége de Damiete. L'expédition Aboulfedha de Noureddin avoit non-feulement pour but de faire une diverfion, mais encore d'arrêter les courfes que quelques Francs faifoient dans fes Etats; ils venoient de lui enlever (a) la fortereffe d'Akkar, après avoir fait prifonnier Khathlagh L'an 1170. qui y commandoit pour Noureddin. De plus, comme ce Prince envoyoit alors Nodgemeddin ayoub, pere de Saladin dans l'Egypte avec quelques troupes, & qu'un grand nombre de Marchands Mufulmans s'étoient joints à cette armée, afin de faire leur voyage plus en fûreté, il crut devoir pour empêcher qu'ils ne fuffent infultés par les Francs, s'approcher du château de Krak ou Pierre du defert, & en former le fiége. Dans le tems qu'il étoit occupé à battre les murailles de cette place, il apprit que deux Généraux Francs nommés par les Arabes, l'un le fils de Unfroy & l'autre Carib, fils de Dakik, venoient fecourir Krak avec deux cens cavaliers & mille Turcoples; il marcha contre eux avant qu'ils fuffent en plus grand nombre; mais ceux-ci ne jugeant pas à propos de l'attendre, Noureddin fe répandit dans tout leur pays. qu'il ravagea, & établit fon camp à Afchtara; un Emir nommé Schehab eddin Mahmoud (b) qui poffédoit le château de

(4) Dans le mois Rabi elakher de l'an 565.

Tom. II. Part. II

(b) Fils d'Elias, fils d'Ilghazi, fils d'Ortoc.

Dd

Bira, fe mit en marche avec deux cens cavaliers pour ve Apr. J. C. nir le joindre dans cet endroit. Lorsqu'il fut arrivé à Léboua, L'an 1170. Noureddin dans le territoire de Baalbek, il monta à cheval pour aller à Cothbed- la chaffe; mais il rencontra trois cens cavaliers Francs qui din. faifoient des courses dans les environs, il tomba fur eux & les Aboulfedha mit en déroute. Parmi les morts étoit le chef des HofpitaGuillaume liers qui étoit maître du château des Kurdes, & que les Bolaeddin. Francs eftimoient à caufe de fon courage. Sa tête fut portée à

Benelathir.

de Tyr.

Noureddin. Ce Prince étoit encore campé à Afchtara lorf-
qu'il fut informé que de grands tremblemens de terre ve-
noient de détruire (a) la plupart des villes de la Syrie. Au
rapport des Hiftoriens on n'en avoit point encore fenti de fi
violens, les villes les plus confidérables furent renversées, &
les habitans enfévelis fous les ruines; de ce nombre étoient
Baalbek, Hemeffe, Hama, Schizour ou Céfarée, & Alep.
Dabord Noureddin n'apprit que ce qui regardoit Baalbek
il s'y rendit en diligence pour en faire réparer les fortifica-
tions; mais lorsqu'il fçut le fort des autres villes il laissa dans
Baalbek des troupes, courut à Hemeffe & à Hama où il fit
de même, & ensuite au château de Barin qui étoit dans le
voifinage des Francs, & qui par cette raison l'inquiétoit d'a-
vantage; toutes fes fortifications avoient été détruites,. il y
laiffa une garnison, & après avoir donné des ordres afin qu'on
travaillât jour & nuit pour le réparer, il fe rendit à Alep qui
avoit fouffert plus que toutes les autres villes. Il n'y avoit
pas une maifon dans laquelle on pût demeurer, & les habi-
tans étoient campés hors de la ville: il fut préfent aux tra-
vaux & les accéléra, il craignoit toujours que les Francs ne
profitaffent de ce défaftre pour entrer dans fes Etats; mais
ceux-ci, qui avoient également fouffert du tremblement, loin
de fonger à entreprendre quelque expédition, n'étoient occu-
pés qu'à réparer leurs pertes. Toute la ville d'Antioche dont
les murailles & les tours étoient d'une folidité à toute épreu-
ve, étoit renverfée. Celle de Tripoli (6) avoit perdu presque
tous fes habitans, Tyr avoit fouffert confidérablement.

Pendant que Noureddin étoit occupé à faire reconstruire

(a) Le 12 de Schoual de l'an 565. (b) Le trois des kalendes de Juillet

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