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Apr. J. C.

de Tyr.

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que quelques apparences de troubles ne lui permettoient L'an 1171. pas de continuer fa route. Ce n'étoit qu'une excuse par Noureddin laquelle il cachoit la crainte qu'il avoit que Noureddin ne le Seifeddin. fit arrêter. Noureddin décampa de Krak dans le tems que Guillaume les Francs fous la conduite du Connétable Unfroy marchoient au fecours de la place. Irrité de la défobéiffance de fon Lieutenant, il menaça d'aller en Egypte & de l'en chaffer. Saladin ne fut pas plûtot informé des deffeins de Noureddin, qu'il fit affembler toute fa famille & fes Emirs pour Benelathir. délibérer fur ce qu'il avoit à faire dans une circonstance si délicate. Après qu'il leur eût expofé le fujet de fon inquiétude, Tekieddin omar fon neveu dit publiquement qu'il falloit prendre les armes contre Noureddin s'il venoit en Egypte. Nodgemeddin ayoub pere de Saladin en entendant ce difcours lui impofa filence fur le champ, enfuite fse tournant vers Saladin, il lui dit : « Je fuis votre pere, & voici » votre oncle Schehabeddin el haremi; croyez-vous que dans toute cette affemblée il y ait quelqu'un qui vous aime » & vous veuille plus de bien que nous? Non, lui repartit Saladin; fçachez donc, continua Nodgemeddin, que fi » votre oncle & moi étions en préfence de Noureddin, nous ne pourrions faire autre chofe que de nous profter»ner à fes pieds, & que s'il nous ordonnoit de vous couper la tête, nous lui obéirions. Si nous penfons ainfi, jugez par-là quels doivent être les fentimens de ceux qui vous » font moins attachés, il n'y a aucun des Emirs qui font ■ ici présens, ni de ceux qui font dans les troupes qui ofat s'oppofer à Noureddin. Ce pays lui appartient, c'eft lui qui vous y a établi fon Lieutenant, & il eft le maître » de vous dépofer; enfuite fe tournant vers les autres > Emirs: Nous fommes, leur dit-il, les efclaves de Noureddin, & il peut difpofer de nos vies ». Après que l'afsemblée se fût retirée, Nodgemeddin dit à fon fils Saladin: « Vous avez manqué de prudence en faifant connoître » vos fentimens à tous ces Emirs, ils vous trahiront; croyez » que Noureddin en fera inftruit, & qu'il ne tardera pas à » venir en Egypte pour vous en chaffer; écrivez lui »tement, & faites lui des foumiffions.

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Nodgemeddin

L'an 1171.

Nodgemeddin ne fe trompoit pas. Noureddin étoit déja informé de tout ce qui avoit été dit dans cette affemblée; Apr. J. C. mais les lettres de Saladin appaiferent ce Prince qui ne Noureddin s'occupa plus que du foin de garantir fes Etats des incur- Seifeddia. fions des Francs. Comme l'étendue de fon Empire ne lui permettoit pas d'être affez promptement inftruit de toutes leurs démarches, & qu'ils étoient maîtres des places qu'ils affiégeoient avant qu'il en eût reçu la nouvelle, il prit la réfolution d'établir dans tous fes Etats, & principalement fur fes frontieres, des pigeons de poftes. Des hommes avoient de ces pigeons qui étoient pris d'une ville voisine où étoient leurs nids, auffi-tôt qu'on étoit informé de quelque incurfion, on s'écrivoit, & on attachoit la lettre à l'oifeau qui s'envoloit & revenoit promptement à fon nid; là d'autres Officiers prenoient cette lettre qu'ils attachoient à un autre pigeon, ainfi de ville en ville la nouvelle étoit portée jufqu'à Noureddin. Il ne tarda pas à connoître l'utilité de cet établissement, il fut inftruit le jour même par le moyen de ces pigeons, d'une incurfion que les Francs. venoient de faire fur fes frontieres, il s'en fervit encore pour faire affembler fes troupes. Il alla inveftir les Francs. & les battit dans le tems qu'ils le croyoient fort éloigné

d'eux.

Bohaeddin.

Ce n'étoit plus que contre Noureddin & fon Lieutenant L'an 11727 Saladin que ces Francs faifoient la guerre dans la Syrie, Guillaume ils étoient l'ennemi le plus redoutable que ces deux Princes de Tyr. euffent à combattre. Saladin qui fe flattoit de régner un Aboulmajour en Egypte, ne ceffoit de porter la guerre dans leur hasen. pays, il faifoit par-là fa cour à Noureddin; mais ce qui le touchoit le plus, c'est qu'il efpéroit que ces conquêtes lui appartiendroient dans la fuite. Noureddin venoit de fe rendre à Mouffoul (a); Saladin qui en fut inftruit fortit auffitôt de l'Egypte avec fes armées, traverfa le défert & vint camper dans le lieu qui eft appellé la cannaye des Turcs, il vouloit paroître avoir deffein de se joindre à Noureddin; Le Roi Amaury vint auffi-tôt camper proche Bersabée éloi

(a) L'an 568 de l'Hegire.

Tome II. Part. II.

Ec

Apr. J. C.

gnée de-là d'environ feize milles. Mais Saladin ne refta pas Noureddin en cet endroit; il entra dans le pays appellé la Syrie sobal, Seafeddin. & vint affiéger les châteaux de Krak & de Schoubek ou de

L'an 1173.

Bohaeddin.

Mont Royal, places qui incommodoient beaucoup les caravannes qui alloient en Egypte; il employa plufieurs jours devant ces fortereffes, fans pouvoir s'en rendre maître, & il retourna dans fon pays. Lorfqu'il fçut que Noureddin avoit quitté Mouffoul, il revint peu de tems après, & fit quel: ques courfes.

Noureddin étoit alors occupé à rétablir dans le petit RoyauBenelathir. me de Malathie & de Siouas Dhoulnoun qui en avoit été Aboulfedha dépouillé par Kilidge arflan, Sulthan d'Iconium. Dhoulnoun étoit paffé en Syrie & avoit imploré le fecours de Noureddin; ce Prince qui avoit autant de répugnance à porter la guerre dans les pays des Musulmans, qu'il avoit d'ardeur à marcher contre les Francs, voulut d'abord engager Kilidge arflan à rendre à Dhoulnoun les pays qu'il lui avoit enlevés; mais ce Sulthan ayant refufé de le fatisfaire, Noureddin alla affiéger les deux villes de Marasch (a) & de Bahsna (b), & s'en empara, ainfi que de plufieurs autres qui étoient dans les environs; un détachement de fes troupes prit Siouas. Alors Kilidge arflan lui ayant fait demander la paix, il ne voulut plus s'engager plus avant, il fe hâta de la conclure à caufe des fâcheufes nouvelles qu'il avoit apprifes du côté des Francs. Il exigea ces trois conditions avant que de la figner, la premiere que Kilidge arflan dont la religion lui étoit suspecte, & qui étoit plus philofophe que Mufulman, renouvelleroit fa profeffion de foi entre les mains de fes Ambaffadeurs. La feconde qu'il enverroit en Syrie des troupes contre les Francs toutes les fois qu'il en feroit befoin, & que de fon côté il les attaqueroit. La troisieme qu'il donneroit en mariage fa fille à Seifeddin ghazi, neveu de Noureddin. Après la conclufion de ce traité, Noureddin laiffa dans Siouas quelques troupes fous les ordres de Phakhreddin abdolmesih pour le fervice de Dhoulnoun, & retourna en Syrie où il reçut (c) des lettres de Saladin par lesquelles cet Emir luj

(a) Dans le mois Dzoulcaada de l'an 568.

(b) Dans le mois Dzoulhedgé,
(6) L'an 569 de l'Hegire.

Apr. J. C.

demandoit la permiffion d'envoyer une armée dans l'Yemen, pour en chaffer les reftes du parti duKhalif d'Egypte. Après que fan 173. Noureddin y eût confenti, Saladin envoya Touranfchah qui Noureddin prit environ quatre-vingt places, entre autres Senaa & Ma- Seifeddin. dain.

Noureddin s'appercevoit alors de tous les deffeins de Sa- Benelathir. ladin, c'est-à-dire, que cet Emir ne tendoit qu'à fe rendre indépendant dans l'Egypte, & qu'il n'étoit pas difpofé à le fuivre dans l'expédition qu'il fe propofoit de faire contre les Francs. En conféquence, il fit lever à Mouffoul, dans le Diarbekr, dans le Dgeziré, des troupes pour les placer en la Syrie dans les endroits par lefquels les Francs Francs pouvoient entrer; pendant qu'avec le refte de fon armée il se rendroit dans l'Egypte pour en chaffer Saladin, & donner à un autre ce Gouvernement. Tels étoient les deffeins de Noureddin lorfqu'il fut attaqué d'une efquinancie dont il mourut à Damas. Il fut dabord enterré dans le château, & L'an 1174enfuite transporté dans le collége qu'il avoit fait bâtir dans cette ville. Ce Prince poffédoit à fa mort Mouffoul, Diardgezire, la Syrie, l'Egypte; les Rois du Diarbekr lui étoient foumis. Schamfeddoulet Touranfchah frere de Saladin avoit conquis par fes ordres l'Yemen, ou l'Arabie heureuse, & la priere publique fe faifoit en fon nom dans les villes de la Mecque & de Médine. Noureddin étoit grand, avoit un air gracieux, les yeux doux, un vifage large prefque fans barbe; il a mérité l'eftime de tous les Mufulmans, & même des Chrétiens. Guillaume de Tyr parle de fa juftice, de fa prudence & de fa religion; Áboulfedha dit qu'un livre entier ne fuffiroit pas pour célébrer fes vertus. En général, il eft regardé comme le plus fage & le plus jufte de tous Benelathir les Princes du Mufulmanifme. Il étoit religieux observateur de l'Alcoran, il ne portoit fur lui ni foye, ni or, ni argent, le vin étoit défendu dans tous fes Etats; on le voyoit fou vent fe relever pendant la nuit pour faire fa priere; il donnoit le refte de fon tems au gouvernement de fes Etats, ou à la guerre contre les Francs. Il étoit le plus grand

(4) Le 11 de Schoual de l'an 569, au mois de Mai, felon Guillaume de Tyr.

Général de fon tems, & peut-être le plus grand Théologien, Apr. 1. fuivant les principes de l'Imam Abouhanifa; il bannit de Noureddin fes Etats les ufuriers & les concuffionaires. Il vivoit lui

J. C.

L'an 1174.

Seifeddin. même comme un fimple particulier du produit d'un bien

qu'il avoit acheté de la portion qui lui revenoit fur le butin qu'il prenoit aux ennemis. Les tributs étoient deftinés au befoin de l'Etat, & il n'y touchoit jamais qu'en présence des Docteurs de la loi. La Reine fon époufe qui ne s'accommodoit point de cette œconomie, fe plaignit un jour à lui de ce qu'elle n'avoit pas affez de revenu: Je ne fuis, lui répondit Noureddin, que le tréforier des Mufulmans, je ne puis toucher aux fommes qui me font confiées pour leurs befoins, fans attirer fur moi la colere de Dieu. Je poffede encore trois boutiques à Hemeffe, c'est tout ce que je fuis en état de vous donner.

Sous fon régne un grand nombre d'Etrangers étoient venus demeurer à Damas pour y vivre en paix fous un Prince fi jufte. Rien ne fit tant connoître l'idée qu'on avoit de fa juftice , que ce qui arriva après la mort, & lorf-. que Saladin fe fut rendu maître de cette ville. Un de ces Etrangers avoit été infulté par un foldat, il voulut s'en plaindre à Saladin, mais il ne fut pas écouté; alors il defcendit du château en criant: 0 Noureddin, Noureddin, fi vous étiez témoin de l'oppreffion où nous fommes, vous auriez pitié de nous. Où est votre justice! Il s'avançoit en même-tems vers le tombeau de ce Prince, fuivi d'une multitude innombrable. La révolte alloit éclater; mais Saladin pour conferver Damas, fe hâta de rendre juftice à l'Etranger.

par

Noureddin avoit fait conftruire ou réparer les murailles d'un grand nombre de villes & de châteaux qui avoient été ruinées les tremblemens de terre, entre autres celles de Damas d'Alep, d'Hémeffe, de Schizour, de Baalbek & autres places. Il fit bâtir des Colléges où l'on enfeignoit fuivant les principes d'Aboulianifa & de Schafeï, des Mofquées, des Hôpitaux auxquels il avoit affigné de grands biens, des bâtimens publics dans les chemins pour les Voyageurs, des tours fur les frontieres de fes Etats, pour obferver les démarches des Francs, & par-tout dans ces tours il avoit miş

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