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de ces pigeons de pofte; des Couvens pour les Religieux qu'il refpectoit fingulierement, ainfi que les Docteurs & les Apr. J. C. L'an 1174. pauvres; il difoit d'eux qu'ils avoient droit fur fon tréfor, & il Noureddin les faifoit affeoir auprès de lui. Il fut le premier parmi les Seifeddin. Musulmans qui établit un tribunal appellé Dar-el-adl, c'està-dire, Chambre-de-Juftice; elle étoit inftituée particulierement pour réprimer les vexations que les Emirs exerçoient fur fes fujets. L'infolence des gens de Schirkouh y avoit donné lieu, le Cadhi Kemaleddin recevoit tous les jours des plaintes à leur fujet, fans qu'on osât punir les coupables, à cause du crédit de leur maître. Depuis cet établissement le peuple vécut en paix, & les Emirs craignirent de s'expofer à la févérité de cette Chambre. Noureddin avoit régné 29 ans & vécu environ foixante (a) ans. Il eut pour fucceffeur fon fils Malek ef-faleh Ismail (b), Prince qui n'étoit âgé que de onze ans ; l'Emir Schamfeddin Mohammed, furnommé Benelmocaddem, fut Régent du Royaume. La mort de ce Prince apporta un grand changement dans Saleh. les affaires de la Syrie. Toutes les Puiffances voifines tenterent d'enlever à la famille de Noureddin la plupart des provinces qu'elle poffédoit. Les Francs ne furent pas les derniers à prendre les armes. Auffi-tôt qu'Amaury eût ap- de Tyr pris fa mort, il raffembla en diligence toutes les forces de fon Royaume, & alla faire le fiége de Paneas. Il battit cette place pendant quinze jours; mais comme il vit que les habitans se défendoient avec beaucoup de courage, il profita des propofitions de paix que lui fit faire la veuve de Noureddin pour lever le fiége. Les Princes de la famille de Noureddin furent plus heureux dans ce qu'ils projetterent d'enlever à fon fucceffeur. Les Emirs à la tête defquels étoit Kemaleddin & Schamfeddin fils de Mocaddem, avoient propofé dans le Confeil, qu'il falloit écrire à Saladin, comme à celui qui avoit le plus d'autorité dans le Royaume, pour lui demander fon avis fur les affaires présentes. Le but de cette démarche étoit que Saladin n'abandonnât pas le service de Saleh, fous prétexte qu'on ne l'au

(a) Il étoit né le 27 de Schoual de Pan 511 de l'Hegire, de J. C. 1188.

(b) Guillaume de Tyr le nomme Mehel faleh, ou Melech faleh.

Guillaume

Saleh.

roit confulté en rien. D'autres Emirs ne furent pas de cet Apr. J. C. L'an 1174. avis; mais il arriva peu de tems après des Lettres de la part de Saladin, par lefquelles cet Emir confoloit Saleh fur la Seifeddin. mort de fon pere, lui envoyoit des piéces d'or frappées en Egypte en fon nom, & l'affuroit que tout ce pays lui étoit foumis, comme il l'avoit été à Noureddin.

Benelathir.

Dans le tems que Noureddin mourut, fon neveu Seifeddin étoit en marche avec une armée pour fe joindre à lui. Mais il changea bientôt de deffein en apprenant fa mort. Il s'empara de Nefibin, envoya un corps de troupes qui prit Khabour, il affiégea Harran qui fe rendit après quelques jours de réfiftance; Roha, Racca, Saroudge furent prifes, & tout le Diardgezire, à l'exception du château de Dgiaber, tomba fous fa domination. L'Emir Schamfeddin Aly fils de Daïeh, qui étoit malade à Alep, ne pouvoit arrêter ces progrès, il avoit envoyé demander du fecours à Saleh qui étoit à Damas; mais le Régent ne voulut point laiffer fortir ce jeune Prince, dans la crainte que Schamfeddin Aly dont il fe défioit, ne le fit arrêter. En effet, cet Emir fous prétexte de maladie, avoit différé de venir rendre hommage à Saleh ; mais ce qui faifoit fon plus grand crime, c'eft que les Emirs craignoient qu'il ne s'emparât de toute l'autorité. Les Emirs de Damas avoient négligé d'inftruire Saladin des entreprises de Seifeddin Ghazi, il leur en fit des reproches dans cette lettre qu'il leur écrivit. « Si Noureddin eût connu parmi vous quelqu'un qui fût plus capable que moi de remplir la place que j'occupe, & en qui il pût avoir plus » de confiance, je ne doute point qu'il ne lui eût remis le gouvernement d'Egypte, qui fait une des plus confidérables parties de fes Etats. Soyez perfuadé que s'il n'eût été pré» venu par la mort, il m'eût confié l'éducation de fon fils. Je vois que vous cherchez à vous féparer de moi; mais j'irai à Damas lui rendre hommage, & reconnoître en sa perfonne les bienfaits dont fon pere m'a toujours comblés. J'agirai avec vous fuivant la conduite que vous tenez à » mon égard, & je vous traiterai comme des gens qui voulez exciter des troubles dans l'Etat. »

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Aboulfedha Après que Seifeddin ghazi se fût emparé de tout le Diar

Seifeddin.

dgezire, il fut rejoint par l'Emir Phakhreddin Adolmefih qui Apr. J. C. venoit de quitter Siouas, dans l'efpérance de recouvrer toute L'an 1147. l'ancienne autorité dont il jouiffoit à Mouffoul. Il confeilla Saleh. à Seifeddin de pourfuivre fes conquêtes; mais le Prince, de l'avis d'un autre Emir, fe contenta d'avoir repris tout ce qui avoit été autrefois de la dépendance de Mouffoul, & s'en retourna dans cette ville. Dans le tems que Noureddin s'étoit rendu maître de Mouffoul, il avoit confié le gouvernement du château à Saadeddin Kamftecghin un de fes Eunuques. Et celui-ci en apprenant la mort de fon Maître s'étoit retiré à Alep, auprès de Schamfeddin Aly. Ces Emirs convinrent que Saadeddin fe rendroit à Damas auprès de Saleh. Lorfque celui-ci fut en route, il rencontra quelques troupes que le Régent du Royaume Ben el mocaddem envoyoit contre lui, il fe crut obligé de regagner Ålep, d'où il repartit une feconde fois, & parvint enfuite heureusement à Damas, il s'aboucha avec Saleh & fes Emirs, & leur représenta combien il étoit néceffaire que ce Prince se rendît à Alep. On fuivit fon confeil; mais Saleh n'y fut pas plutôt arrivé, que Saadeddin fe faifit de Schamfeddin Aly & de fes freres, & s'empara de toute l'autorité & du Gouvernement. Ben el mocaddem & les autres Emirs qui étoient à Damas, fe voyant ainsi dépouillés, & craignant pour euxmêmes, écrivirent à Seifeddin ghazi, & offrirent de lui livrer Damas. Celui-ci qui crut que c'étoit un piége qu'on lui tendoit, n'ofa fortir de Mouffoul. Alors ils s'adrefferent à Saladin. La jeuneffe de Saleh, les divifions des Emirs firent craindre à ce Prince que les Francs ne s'emparassent de ce pays; ainfi il ne négligea pas une occafion fi favorable d'envahir lui-même les Etats de Noureddin ; c'étoit ce qu'il défiroit le plus. Il fe rendit en diligence à Damas Aboulma à la tête de fept cens cavaliers, & alla loger dans le palais de hafen. fon pere (a). Il prit poffeffion de cette ville, le château où Bohaeddin. commandoit un Emir appellé Rihan, fe rendit après quel; Aboulfedha ques difficultés de la part du Gouverneur. Saladin voulut cependant que la priere publique fe fît au nom de Saleh, pro

(a) Le dernier de Rabi elakher de l'an 170.

Benelathir.

teftant qu'il n'étoit venu que pour lui prêter hommage, & Apr. J. C. lui faire reftituer ce que Seïfeddin ghazi venoit de prendre. Saleh. Mais fa conduite démentoit fes paroles, & il n'afpiroit qu'à Seifeddin. la Souveraineté. Ben el Athir Hiftorien qui vivoit alors, dit

L'an 1174.

Guillaume

de Tyr. Bohaeddin.

en parlant de ces événemens dans fon Hiftoire, qu'il faut fe contenter de voir & d'entendre ce qui arriva alors, & garder un profond filence. On voit par-là qu'il y avoit du danger de transmettre à la postérité certaines actions de Saladin. L'Hiftorien s'arrête, & fe contente de rapporter en peu de mots les autres Conquêtes de ce Prince, fans parler de fes menées qui le rendirent ufurpateur. Nous ceffons ici de regarder Saladin comme fujet de Saleh, quoiqu'il voulût encore qu'on le crût. En conféquence, nous ne parlerons plus de lui, qu'autant que les événemens auxquels il aura donné lieu appartiendront à l'Hiftoire des Atabeks. Il devint abfolu dans l'Egypte, fa poftérité lui fuccéda dans ce pays; ainsi la suite de l'Hiftoire de Saladin devenu Souverain de l'Egypte, ne doit plus entrer dans le plan de cet Ouvrage.

tre,

Saladin fortit de Damas dont il venoit de fe rendre maî& marcha vers la Céléfyrie, où il efpéroit que les autres villes fe rendroient d'elles-mêmes, tous les habitans étant portés en fa faveur. Il alla à Hémesse (a); cette ville, de même que Hama, Barin, Salamia, Tell-khaled & Roha, appartenoient alors à Phakhreddin Masoud (b); mais la foibleffe de cet Emir avoit été caufe que les Officiers de Noureddin s'étoient rendus maîtres des châteaux de ces places ; & qu'il n'avoit aucune autorité dans ces villes, excepté dans Barin. Saladin commença par le fiége (c) d'Hémeffe, & la prit; le château tint ferme, & Saladin qui ne vouloit pas confommer fes forces, fe contenta de laiffer quelques troupes devant, & alla fe rendre maître de Hama (d). Le Gouverneur du château qui étoit nommé Azzeddin dgiardik, avoit été un des Mameluks de Noureddin. Comme il s'étoit fortifié dans

(a) Au commencement de Dgioumadi elaoual de l'an 570. Nos Historiens la nomment Kamel.

(b) Fils de Zaphrani.

(c) Le 1 de Dgioumadi elaoual. (d) Au commencement de Dgiouma di elakher de l'an 570 de l'Hegire.

le

part,

Seifeddin.

radge.

le château, Saladin lui fit dire qu'il n'étoit venu dans ce Apr. J. C. pays que pour le conferver à Saleh. Dgiardik lui demanda L'an 1175. la permiffion de fe rendre à Alep avec une lettre de fa Saleh. & exigea de lui le ferment que pendant fon abfence il n'inquiéteroit point la place. Il partit & laiffa dans le château de Hama fon frere; mais lorsqu'il fut arrivé à Alep, Kamfchteghin le fit arrêter. Alors fon frere livra le château à Saladin; enfuite celui-ci alla faire le fiége d'Alep, où étoit alors Saleh. Tous les habitans fe mirent fous les armes, Kamfchteghin engagea par fes préfens Senan chef des Bathéniens ou Affaffins d'affaffiner Saladin. Une troupe de gens de cette fecte s'approcherent de cet Emir, ou plutôt de ce Sulthan d'Egypte pour le maffacrer. Mais ils manquerent leur coup, & Saladin continua le fiége d'Alep. Saleh qui n'avoit alors que douze ans, monta à cheval, & fit affem- Aboulfa bler tous les habitans: « Vous n'ignorez pas, leur dit-il, » les fervices que mon pere vous a rendus, & les bienfaits dont il vous a comblés. Je fuis votre pupile. Un ingrat qui doit tout à mon pere vient aujourd'hui, fans craindre la Juftice Divine ni refpecter les Loix, pour s'emparer de mon pays, j'implore votre secours. Tout le peuple fe prépara à marcher contre l'ufurpateur qui leva (a) auffi-tôt le fiége. Les conquêtes de Saladin avoient allarmé les Francs, & Guillaume ils cherchoient le moyen d'en arrêter le cours. Ils venoient d'ê- de Tyr. tre invités à prendre les armes, par la garnison du château d'Hémeffe où ils avoient plufieurs ôtages, qui étoient retenus, en attendant qu'ils euffent acquitté des fommes qu'ils devoient à Noureddin. Le Comte de Tripoli fe rendit en diligence vers cette place, mais lorsqu'il y fut arrivé la garnifon ne voulut plus fe rendre. Elle venoit d'apprendre la marche de l'armée de Mouffoul, & elle fe propofoit de tenir ferme jufqu'à fon arrivée. Alors Saladin qui craignoit que cette place ne tombât entre les mains des Francs s'y rendit auffi-tôt, s'empara du château (b), & pour engager les Francs à ne prendre aucune part dans cette affaire, il leur renvoya

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(4) Au commencement de Redgeb (6) Le 21 de Schaban. de l'an 570.

Tom. II. Part. II.

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Bohaeddin.

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