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Apr. J. C.

Moham

que cette famille s'étoit rendue indigne du Khalifat, par
l'ufurpation qu'elle en avoit faite, par plufieurs tranfgreffions L'an 1217.
de la loi qu'elle avoit commifes, & enfin par les guerres med.
qu'elle avoit fufcitées injuftement contre les fideles. Après d'Herbelot.
cette déclaration folemnelle l'affemblée délibéra fur le choix
d'un nouveau Khalif, il tomba fur Alaeddin, furnommé
El malek el termedi. Ce perfonnage fut reconnu Khalif dans
les Etats du Sulthan Mohammed. Alors ce Prince fe mit

à la tête de fon armée dans le deffein de conduire & d'inf- Aboulfedha
Aboulma
taller le nouveau Khalif à Bagdad. Il s'empara du Dgebal, hafen
de Saveh, de Cafwin, de Zendgiane, d'Hamadan, d'If-
pahan, de Com & Cafchan. Uzbek fils de Pehlevan Roi de
l'Adherbidgiane & d'Arran fe foumit à lui, & fit faire en
fon nom la priere publique dans fes Etats. Le Sulthan
s'avançoit toujours vers Bagdad, il avoit envoyé devant lui
quelques corps de troupes & il les fuivoit de près; mais
deux ou trois jours après fon départ d'Hamadan, il tomba une
fi grande quantité de neige, que la plûpart de fes bêtes de
charge périrent. Ce contre-tems, & les nouvelles qu'il
reçut de la Tartarie, par lefquelles il apprit que les Tartares
menaçoient d'envahir fes Etats, l'obligerent de retourner dans
le Khorafan, après avoir laiffé des Gouverneurs dans les pays
qu'il venoit de conquérir. Il fit ceffer (a) dans le Khorafan L'an 1218.
& dans le Maouarennahar la priere publique au nom du
Khalif Nafer; mais quelques villes, telles que Samarcande,
Herat & autres, n'écouterent pas fes ordres, & refterent tou-
jours fous la juridiction des Abaffides.

des Tatars.

Depuis plufieurs années il s'étoit élevé dans la Tartarie Higéné. une puiffance formidable; Genghizkhan fondateur de l'Em- Aboulfapire des Mogols, établiffoit alors fon Empire fur les ruines radge. des Tartares Niu-tché. Après que ce Prince eut foumis un grand nombre de Hordes Turques & Tartares, il envoya un Ambaffadeur nommé Makinut jalandgi, vers le Sulthan Mohammed pour lui faire part de fes victoires, & lui pofer en même tems une alliance, à caufe de la proximité de leurs Etats. Genghizkhan promettoit à Mohammed de

(a) L'an 615 de l'Hegire.

pro

Apr. J. C.

Moham

med.

le regarder comme fon fils. Le Sulthan Mohammed n'étoit Lan 1218. point accoutumé à entendre de pareils difcours; mais la crainte qu'il avoit de la puiffance de Genghizkhan, l'obligea de diffimuler; & voulant être inftruit plus à fond des forces de ce Tartare, il prit à cet effet l'Ambaffadeur en particulier, & pour l'engager à ne lui point déguifer la vérité, il lui fit préfent d'une magnifique écharpe toute garnie de diamans, & lui demanda enfuite s'il étoit vrai que Genghizkhan eût fait la conquête du Khatai ou de la Chine feptentrionale. L'Ambaffadeur lui répondit que Genghizkhan avoit foumis tous ces pays, & qu'il l'apprendroit par lui-même,

Aboulfaradge. Hift.géné.

s'il fe brouilloit avec ce Prince. Le Sulthan Mohammed irrité de cette réponse, dit qu'il ne voyoit point quelles pouvoient être les intentions de Genghizkhan, de lui faire annoncer fes grandes victoires, & de lui propofer de le regarder comme fon pere; qu'il devoit fçavoir quelle étoit l'étendue & la grandeur de l'Empire des Kharizmiens, & le nombre de fes foldats. L'Ambaffadeur qui comprit par ce difcours que le Sulthan étoit en colere, prit le parti de le flatter; il lui dit qu'il n'ignoroit pas qu'il étoit plus puiffant que fon maître, mais qu'il devoit exécuter les ordres qui lui avoient été donnés ; que cependant il l'affuroit que les intentions de Genghizkhan ne tendoient qu'à la paix. Par cette flatterie l'Ambaffadeur obtint tout ce qu'il avoit demandé, & le récit qu'il fit à Genghizkhan de fon ambaffade, détermina ce Prince à ménager le Sulthan de Kharizme, & à ne point lui déclarer la guerre fans fujet, quoique le Khalif Nafer le follicitât de le faire. Par ce moyen la paix fut établie entre les deux Empires, & elle ne fut rompue dans le fuite que par les ordres mêmes du Sulthan Mohammed.

Les Mogols fujets de Genghizkhan, accoutumés à vivre fous des tentes, ont toujours négligé le commerce, ils le des Tatars. laiffoient exercer parmi eux aux marchands des pays voifins qui faifoient un gain confidérable, fur-tout depuis que Genghizkhan étoit devenu le maître de la Tartarie, & que l'on pouvoit voyager dans ce pays en sûreté. Ces marchands fe rendoient en foule dans fes Etats. L'an 1212, trois mar

chands

pays

med.

chands de Bokhara, fujets du Sulthan de Kharizme, por- Apr. J. C• terent à la Cour de Genghizkhan toutes fortes de marchan- L'an 1218. difes; mais ils les mirent à un fi haut prix, que ce Prince irri- Mohamté, fit faifir tout ce qu'ils avoient. Il fit venir enfuite du même d'autres marchands. Ceux-ci moins intéreffés lui offrirent ce qu'ils avoient apporté, Genghizkhan leur fit payer le double de ce que leurs marchandises pouvoient valoir, & leur permit de vendre dans fon camp ce qui leur restoit. Comme fes fujets n'en tirerent pas moins de profit que les Kharizmiens, il réfolut d'envoyer dans les Etats du Sulthan, cent cinquante (a) marchands Mufulmans, Chrétiens & Turcs de fes fujets, qu'il fit accompagner par trois Officiers de fa Cour, qui étoient munis d'un pouvoir de faire un traité de commerce avec le Sulthan. Le premier étoit appellé Mohammed de Kharizme, le fecond Aly khodgia de Bokhara, & le troifieme Youfouph d'Otrar; ils étoient charchés d'une lettre pour le Sulthan, par laquelle Genghizkhan prioit ce Prince de bien traiter les marchands qu'il envoyoit dans le Kharizme, promettant d'en ufer de même envers les Kharizmiens qui pafferoient en Tartarie.

Ces marchands portoient avec eux des richeffes immenfes, qui ne manquerent pas d'exciter la cupidité de quelques Gouverneurs de Mohammed. Lorsqu'ils furent arrivés à Otrar, ils allerent faluer le Gouverneur de cette ville qui étoit cousin germain de la mere du Sulthan; il étoit Turkoman d'origine, appellé Inallgik (b), & portoit le titre de Ghaïr-khan. Dans une audience qu'il leur donna, un des marchands qui avoit été anciennement fon ami, le nomma Inallgik. Cette familiarité offenfa tellement le Gouverneur, qu'il fit arrêter les Ambaffadeurs & les marchands, & dépêcha un courier au Sulthan Mohammed qui étoit alors dans l'Eraque Perfique, pour l'informer qu'il venoit d'arriver dans fes Etats une troupe d'Etrangers, dont les uns fe difoient Ambaffadeurs, les autres marchands; mais qu'ayant de fortes raifons de les foupçonner de quelque mauvais deffein, il avoit cru d'abord devoir les faire arrêter

1

(a) D'autres difent 450. Tom. II. Part. II.

(b) D'Herbelot le nomme Anial hak.
Mm

L'an 1218. Mohammed.

en attendant fes ordres. C'est ainsi qu'il déguifa au Sulthan Apr. J. C. la vérité des chofes. Celui-ci négligea de s'inftruire davantage, & fur le fimple récit du Gouverneur d'Otrar il ordonna que l'on fit mourir tous ces Erangers. Ghaïr-khan fe hâta d'exécuter des ordres qui étoient conformes à fes deffeins, & confifqua les effets de tous ces marchands, au profit du Sulthan. Tel fut l'évenement qui devint dans la fuite la caufe de tous les malheurs que les Kharizmiens éprou verent, & de la ruine entiere de la famille de ces Sulthans.

Un marchand qui avoit eu le bonheur d'échapper aux recherches de Ghair-khan retourna en Tartarie, & inftruifit Genghizkhan du fort de fes fujets. Le Prince Tartare n'apprit qu'avec indignation le procédé du Sulthan, mais voulant donner une preuve de fa modération, il envoya un Exprès vers Mohammed pour lui demander fatisfaction. Mohammed qui avoit fait une premiere faute, voulut la foutenir, & en fit une feconde. Il refufa de donner audience à l'Envoyé de Genghizkhan. Alors ce Prince ne crut plus devoir garder de ménagemens avec Mohammed. Il donna des ordres pour faire affembler toutes les troupes, fit fçavoir à Mohammed qu'il le regardoit comme fon ennemi, & qu'il alloit porter la guerre dans fes Etats.

Mohammed fe prépara de fon côté à repouffer les armées nombreuses que le Khan alloit envoyer contre lui. Il raffembla fes troupes à tête defquelles il marcha vers Samarcande & Khojende; mais ayant connu dans un premier choc qu'il eut avec Toufchi khan fils de Genghizkhan, à quels ennemis il avoit affaire, il ne crut plus devoir hazarder de bataille avec les Mogols; il diftribua fes troupes dans les places qui étoient fur les frontieres, & marcha avec le refte du côté de Samarcande. Il trouva les habitans de cette ville qui étoient occupés à creufer des foffés pour fe garantir de l'insulte des Mogols dont ils prévoyoient l'arrivée. Mohammed fut affez imprudent pour leur dire en plaifantant que les Mogols combleroient en un moment ces foffés, s'ils y jettoient feulement leurs fouets. A ce difcours les habitans perdirent courage, & en même tems toute espérance de falut, lorfqu'ils virent que le Sulthan prenoit la route du Khorafan.

Apr, J. C.

Ce Prince fe rendit dans cette province agité de mille pensées diverses, & incertain fur le parti qu'il avoit à pren- L'an 1218. dre pour éviter les malheurs dont il fe voyoit menacé. Il Mohamréfolut d'abord de fe retirer dans les Indes où il étoit très- med. puiffant depuis qu'il avoit détruit les Ghourides. Il fe rendit d'Herbelst. dans ce deffein à Balkh, d'où il dépêcha un courier à Kharizme chargé de l'ordre de faire paffer fa mere, fes femmes, fes enfans & tous fes tréfors dans le Mazanderan, province remplie de montagnes & de châteaux très-forts, &, à ce qu'il croyoit, inacceffibles aux Mogols. Mais réfléchiffant enfuite qu'en paffant dans les Indes, il laiffoit la Perfe exposée aux courses de ces Barbares, il changea de résolution, & s'en alla à Nifabour dans le Khorafan. Pendant plusieurs jours il s'y livra à la bonne chere & aux plaisirs qui furent les derniers de fa vie. Depuis ce tems elle ne fut plus qu'un tiffu d'évenemens déplorables fous lefquels il fuccomba.

radge.

Gengh, de

Genghizkhan s'étoit mis en campagne à la tête d'une L'an 1219. puiffante armée. Les villes d'Otrar (a), de Nadgiande ou AboulfaJunde, de Pharnacande ou Fenaket, de Khojende, de Higéné. Sarnouc, de Saganac, de Samarcande & de Bokhara, furent des Tatars. Hiftoire de enlevées à Mohammed par les Mogols; celle de Kharizme même, capitale de fon Royaume, fubit le même fort. Peris. La mere de Mohammed nommée Tarkhan khatoun étoit renfermée dans cette derniere ville. Cette Reine étoit fille d'un petit Khan Turc, nommé Hanquefchi, de la Horde des Kang-lis, qui étoit mort fans enfans mâles; & tous fes fujets s'étoient retirés auprès de Mohammed, qui s'en fervit utilement dans fes expéditions. En conféquence, la Reine Tarkhan khatoun jouiffoit d'une très-grande autorité dans l'Empire. On lui donnoit le titre de Codavendé-gehan, c'est-à-dire, Dame du monde. Souvent fes ordres étoient plûtot exécutés que ceux du Sulthan. Dans fes expéditions elle prenoit la qualité de protectrice de la foi & du monde, & de Reine des femmes. Sur fon fceau étoient écrits ces mots : Je me mets en la protection de Dieu feul. Le grand crédit que le Sulthan

(e) L'an 616 de l'Hegire

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