Imágenes de páginas
PDF
EPUB

L'an 1219.

med.

lui laiffoit n'étoit point une foibleffe de la part de ce Prince. Apr. J. C. Tarkhan khatoun le méritoit par fon efprit fupérieur, par Moham- fon attention à protéger les foibles, à rendre exactement la justice & à bien traiter les pauvres qui la regardoient comme leur mere. Elle a quelquefois flétri ces belles qualités par un peu trop de penchant à répandre le fang, & quand elle fe vit menacée d'un fiége, elle eut la cruauté de faire mourir douze fils de Souverains qui étoient retenus prisonniers dans cette capitale du Royaume. Elle fe ligua même contre fon propre fils. Elle haiffoit Dgelaleddin fon petitfils, Prince d'un mérite fingulier, & qui devoit fuccéder à Mohammed; elle défiroit faire tomber la couronne fur la tête de Cothbeddin fon autre petit-fils. Lorfqu'elle apprit que le Sulthan avoit déclaré le premier pour être fon fucceffeur, elle prit un parei violent, & réfolut d'abandonner la ville de Kharizme, qui auroit pu faire fous fes ordres une vigoureuse réfiftance. Elle en fortit, fuivie des femmes & des concubines de fon fils, de fes petits-fils, & chargée de richeffes. Les habitans fondoient en larmes à fon départ, & un grand nombre la fuivic; un petit Khan nommé Omar la conduisit jusqu'à quelques lieues du Mazanderan où elle devoit fe retirer dans la citadelle d'llan, qui étoit la plus forte de tout le pays. Avant que d'y arriver elle fit mourir Onar, dans la crainte, à ce que l'on prétend, qu'il ne la trahît.

Aboulfedha
Nifawi.

Pendant que ces chofes fe paffoient dans la capitale da Royaume, le Sulthan Mohammed étoit fugitif, Genghizkhan avoit détaché un corps de troupes commandé par Tchepé novian, Soudai bahadur & Togazar kantaret, avec ordre de fuivre ce Prince; ils le joignirent à Nifabour dont il fortit promptement pour fe fauver dans l'Eraque Perfique. Ce Sulthan avoit envoyé la Sulthane fon épouse, & fon fils Ghaiatheddin à Carender. A fon départ de Nisabour il laiffa le gouvernement de la ville & de la province à quatre principaux Seigneurs de fa Cour nommés Tascher el moulk, Nedhameddin, Aboulmaali catib, & Schah el moulk. Il fe rendit enfuite à Cafvin, où fon fils Rokneddin avoit un corps de trente mille hommes. Il s'étoit arrêté à Boftam, & avoit fait mettre dans le fort château d'Ardhan

L'an 1219

dix coffres qui étoient remplis de perles d'un prix ineftimable & d'autres richeffes. Les Mogols qui le fuivoient tou- Apr. J. C. jours, l'obligerent de fe retirer dans le Mazanderan, où ne Moham fe croyant pas en sûreté, il se jetta dans une barque qui med. étoit fur la mer Cafpienne. Les Mogols étoient déja fur le bord de cette mer & lui lançoient des fleches, mais il eut le bonheur d'échapper & de gagner une Isle nommée Abefgoun. Il s'y trouva accablé de maladie, denué de tout fecours, & ne fubfiftant que de quelques provifions que des habitans du Mazanderan avoient foin de lui porter. Pour foulager fon ennui il demanda un cheval pour le faire paître auprès de fa tente. C'est à quoi fe borna toute la confolation que ce Prince, auparavant si puissant, put avoir dans les derniers jours de fa vie.

Il étoit dans cette trifte fituation quand il fut inftruit de la prife de fa mere, de fes femmes, de fes enfans & de tous fes tréfors. Les Mogols s'étoient approchés de Carender où étoit la Sulthane fa femme, & fon fils Gaiatheddin. De-là ils marcherent vers Ilan, ils Y firent prifonniere Tarkhan khatoun; toute la Perfe fe trouva alors expofée à la fureur des Mogols (a).

Il

nak.

Le Sulthan Mohammed ne put résister à toutes ces ad- L'an 1220 verfités, & mourut de chagrin dans l'Ifle d'Abefgoun (b), Benfchonqui n'eft éloignée d'Efterabad que de trois parafangues. laiffoit quatre enfans, auxquels de fon vivant il avoit partagé fes Etats qui s'étendoient depuis l'Eraque jufqu'au Turkettan. Il poffédoit Ghazna, le Sedgeftan, le Kerman, le Thabareftan, le Dgiordgian, le Khorafan & le Phars; il donna à fon fils aîné Dgelaleddin Mankberni les pays de Ghazna, de Bamian, de Ghour, de Boft, de Takanabad, de Zamizdaoud, & les autres lieux des Indes. Le Kharizme, le Khorafan, le Mazanderan furent le partage de Cothbeddin Azlagh schah, que Mohammed avoit d'abord nommé pour fon fucceffeur, & qu'il dépofa enfuite pour met tre à fa place Dgelaleddin. Gaïatheddin Tizschah eut pour

(a) On verra ces détails dans l'Hif- (b) L'an 615 de l'Hegire.. toire de Genghiskhan,

Mm üj

lui le Kerman, Kifch & le Mekran. L'Eraque tomba à RocApr. J. C. neddin Gour fchah.

L'an 1220.

nah

Moham- Chacun de ces Princes faifoit battre cinq fois du tammed. bour aux tems de la priere, fuivant la coutume des SelAboulfedha Nisawi. joucides; mais leur joucides; mais leur pere, pour fe diftinguer davantage, ne le Benfchou- faifoit battre qu'une fois au lever & au coucher du Soleil avec vingt-fept tambours d'or; c'étoit autant de Rois, ou fils de Rois qui avoient cette commiffion, & ils fe fervoient de baguettes garnies de perles. Parmi ces Princes étoient Thogrul arflan, de la famille des Seljoucides, les enfans de Gaïatheddin Roi de Ghour, Alaeddin Roi de Bamian , Tadgeddin, Roi de Balkh, fon fils Malek el Adhem Roi de Termed, Malek Sandgiar Roi de Bokhara, & plufieurs autres. Les plus grands Officiers de la Cour de cet ambitieux Sulthan n'étoient que des Rois. Telle fut la vie d'un Prince qui alla mourir dans une Ifle déferte où il manquoit de tout, & où il fut obligé de fe fervir lui-même & qui ne laiffa pas de quoi fe faire enfevelir. Après la mort on fut obligé de l'envelopper dans une chemife, la feule qu'il eut alors. Au refte, il ne manqua pas de courage ni de patience dans de fi grands revers de fortune. Il fut un grand guerrier, un Prince infatigable, fçavant même; le maffacre des Marchands fait à Ötrar, & la mort de fon neveu Hindoukhan, l'inimitié perpétuelle qui fubsista entre lui & fon frere, fuites d'une ambition déméfurée & d'un trop grand amour des richeffes ont terni fa mémoire.

Aboulfedha

Dgelaleddin.

Dgelaleddin (a) Mankberni ou Manbekberni, monta alors fur le Trône pour éprouver de plus grands malheurs que ceux qui étoient arrivés à fon pere, & voir en fa perfonne le dernier Roi de fa famille. Les Mogols n'ayant pû se L'an 1221, faifir du Sulthan Mohammed, fe répandirent dans le MazanAboulfedha deran & dans les Provinces voifines, prirent Rei, HamaAboulfa dan, Maraga (b), & pourfuivirent le nouveau Sulthan qui fe Herbelor. retiroit vers Ghazna, où il arriva heureufement après quel

radge.

ques pertes légères. Il y fut joint par Seïfeddin Aghrac,

(a) Sanut le nomme Laladyn, Chef (b) L'an 618 de l'Hegire, des Chorazmins.

par

din.

qui lui amenoit quarante mille hommes de cavalerie, & Yemin el Moulk Emir d'Herat, qui avoit auffi un corps L'an 1221. Apr. J. C. de troupes fort confidérable. Genghizkhan de fon côté paffa Dgelaledle Gihon & marcha vers Balkh. Les principaux de la ville voulant prévenir les fuites d'un fiége, allerent au-devant de lui avec des préfens confidérables & des vivres pour fon armée; mais ils furent mal reçus du Khan qui avoit appris que le Sulthan Dgelaleddin faifoit dans les environs de cette ville des préparatifs de guerre, & qu'il fe difpofoit à venir le combattre. Genghizkan ordonna que tous les habitans fortiffent de la ville pour en faire l'énumération, & lorfqu'ils furent tous dans la plaine, il fit faire main-basse sur eux; ainfi périrent les malheureux habitans de Balkh. Un grand nombre de ceux de Talecan éprouverent enfuite le même fort, d'autres furent réduits dans l'esclavage. De-là, Genghizkhan tourna vers Bamian & en fit le fiége, les habitans oferent lui réfifter. Dans un des affauts, un des fils de Zagatay que Genghizkhan chériffoit plus que tous les autres, fut atteint d'une fléche. La mort de ce jeune Prince irrita tous les Mogols, ils redoublerent leurs efforts & prirent la ville. Perfonne ne fut épargné, ils massacrerent jufqu'aux femmes enceintes, les animaux même éprouverent leur fureur, & la ville ne fut plus qu'un défert, auquel on a donné dans la fuite le nom de Maoubaligh, ou ville de trifteffe. Genghizkhan s'avançoit toujours du côté des Indes, Aboulfedha & s'efforçoit de joindre le Sulthan de Kharizme. Dgelaleddin étoit à Ghazna, où la plus grande partie des armées de fon pere s'étoit retirée. Il avoit alors environ foixantedix mille hommes. Les Mogols qui étoient à fa poursuite n'en avoient pas plus de douze mille. Mais enflés de leurs dernieres victoires, malgré leur petit nombre, ils en vinrent aux mains avec les Kharizmiens, ils furent bientôt défaits & mis en fuite. Genghizkhan envoya une feconde armée plus nombreuse commandée par un de fes fils. Il fe donna une bataille proche de Kaboul, où les Mogols furent encore battus. Les Kharizmiens en firent un grand maflacre, & pillerent tous les bagages.

Il y avoit alors dans l'armée du Sulthan Dgelaleddin deux

[ocr errors]

L'an 1221.

din.

Nifawi.

radge.

grands Emirs ou Commandans; l'un nommé Seifeddin Apr. J. C. Aghrac, qui avoit été caufe du gain de la bataille; l'autre Dgelaled- appellé Yemin el Moulk (a), Gouverneur d'Herat, & de la famille du Sulthan. Il s'éleva entre ces deux Officiers une difpute dans laquelle le frere d'Aghrac fut tué. Celui-ci en porta fes plaintes au Sulthan, qui trop occupé de l'approche des Mogols ne s'empreffa pas de fatisfaire l'Officier. Yemin el Moulk irrité, quitta auffi tôt Dgelaleddin, & paffa dans l'Inde fuivi de trente mille hommes. Le Sulthan de Kharizme fit d'inutiles efforts pour le ramener à fon devoir. Par cette retraite l'armée des Kharizmiens fe trouva confidérablement affoiblie. Genghizkhan pour profiter de ce malheur s'avança en perfonne à la tête de fes armées. DgeAboulfedha laleddin fe retira vers l'Indus. Ce grand fleuve paroiffoit Aboulfa- une barriere que l'on ne pouvoit franchir. Dgelaleddin s'arrêta fur le rivage, où Genghizkhan le joignit, & on en vint aux mains. Les Kharizmiens fe trouvoient environnés de tous côtés par les Mogols, & avoient derriere eux l'Indus, qui ne leur permettoit pas de fe fauver. Le combat commença & fut des plus opiniâtres. Genghizkhan avoit ordonné qu'on prît vif le Sulthan. Dgelaleddin fe défendoit avec un courage intrépide. Les plus braves Mogols tomboient fous fes coups, il renverfoit tous les rangs, & la fortune paroiffoit fe décider en fa faveur. On fe battit jufqu'au foir, l'ordre de Genghizkhan donnoit bien de la peine aux Mogols qui s'efforçoient de prendre le Sulthan. Le fils de ce Prince âgé alors de fept à huit ans, tomba entre leurs mains, & Genghizkhan le fit maffacrer en fa préfence. Les Mogols ferroient de plus en plus Dgelaleddin. Il ne lui reftoit plus d'autre parti à prendre que de périr les armes à la main, ou de fe jetter dans l'Indus. Pouffé jusqu'à l'extrémité du rivage, il apperçur sa mere, sa femme & le refte de fon férail, qui le prioient au nom de Dieu de les tuer ou de les délivrer de la captivité, il les embraffa toutes les larmes aux yeux, & les fit jetter dans le fleuve. Accablé de trifteffe il dit adieu à tous fes amis, ôta fa cuiraffe, remonta à cheval, & avec une

(6) On le nomme encore Moulk khan,

intrépidité

« AnteriorContinuar »