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L'an 1208.

les mains des Francs, le Sulthan parut ne plus craindre de ce côté, à cause des troubles qu'il y avoit, & il tourna Apr. J. C. (a) fes armes contre les Arméniens, gouvernés par un Roi Kaikhofnommé Livon. Dhaher Roi d'Alep, & fils de Saladin, rou I. fournit des troupes à ce Sulthan, qui s'empara de Phar- Aboulfedha phous, une des principales fortereffes de l'Arménie. Delà, Gaïateddhin retourna vers Attalie, où fe rendit l'Empereur Alexis, qui avoit été chaffé de Conftantinople par Nicephor les Francs. Ce Monarque fupplia le Sulthan de lui fournir Greg. Georges des fecours pour recouvrer l'Empire, & furtout celui que Acropol. Théodore Lascaris fon gendre venoit de fonder à Nicée. Gaïatheddin lui promit de grandes fommes, leva des troupes, & fit fommer Lascaris de céder l'Empire à Alexis. Lafcaris ne répondit qu'en fe mettant en campagne. Aussi-tôt le Sulthan s'approcha d'Antioche fur le Méandre, espérant que la prise de cette ville lui faciliteroit la conquête du reste de l'Empire. Lascaris avec mille Cavaliers, dont huit cens étoient Latins, traverfa le mont Olympe, paffa le Cayftre, & parut tout d'un coup à la vûe de l'armée Turque. On fe rangea de part & d'autre en ordre de bataille. Le Sulthan avoit une armée de vingt mille hommes; mais il se trouvoit renfermé dans un lieu fi étroit, que ne pouvant s'étendre, une grande partie de fes troupes lui devenoit inutile. Les huit cens Latins, qui étoient des Soldats choisis , fondirent fur les Turcs, & pénétrerent jusqu'à l'arriere-garde. Le Sulthan, que ce premier fuccès ne découragea point, rallia fes foldats, & inveftit les Latins de toutes parts. Il en fit un grand carnage, & mit toute l'armée Grecque en fuite. Il cherchoit par-tout Lafcaris; auffi-tôt qu'il l'apperçut, il lui porta un coup qui le renverfa de cheval. Lafcaris tira fon épée & combattit à pied. Il s'attacha principalement aux jambes du cheval de fon ennemi, le fit tomber avec le Aboulfedha Sulthan, & fautant auffi-tôt fur ce Prince il lui coupa la nah. tête (b), qu'il fit mettre au bout d'une lance; les Turcs vic- Nicephore torieux prirent la fuite, Lafcaris entra dans Antioche, fit la Georges paix avec eux, & emmena Alexis fon beau-pere à Nicée. Acropol.

(a) L'an bos de l'Hegire.

(b) L'an 607 de l'Hegire. D'HerbeTom. II. Part. II.

lot lui donne 6 ans de regne.

H

Benfchou

Greg.

L'an 1212.

Après la mort de Gaïatheddin, fon fils Azzeddin KaiApr. J. C. kaous (a) lui fuccéda. Thogrul fchah (b) oncle de ce dernier qui Kaikaous. régnoit à Arzen erroum, le vint affiéger (c) dans Siouas; mais Aboulfedha Azzeddin ayant eu recours à Afchraf (d) Roi de Roha & de Benfchou Harran, Thogrul schah leva auffi-tôt le fiége. Dans le mê

nah.

me-tems, Alaeddin kaikobad, frere d'Azzeddin, vint enlever Ancyre, mais le Sulthan reprit cette ville, & fit fon frere prifonnier. Les Emirs qui avoient fuivi fon parti, furent condamnés à avoir la barbe & les cheveux coupés, à être mis fur un cheval, environnés de femmes de mauvaife vie, & précédés d'un homme, criant à haute voix : C'est-là le châtiment de ceux qui trahiffent leur Prince. La guerre contiL'an 1213. nua toujours contre Thogrul schah, Kaikaous lui enleva (e) fon pays, & fit mourir fon oncle avec un grand nombre d'Emirs. Il en vouloit faire autant à fon frere Alaeddin kaikobad; mais touché par les prieres des principaux de fa Cour, il fe contenta de le faire enfermer. Il ufa de la même clémence envers Théodore Lafcaris, Empereur de Nicée. L'an 1214. Ce Prince avoit été arrêté (f) par des Turkomans, & conduit au Sulthan, qui dans fon premier mouvement, de ce qu'il avoit tué autrefois fon pere, ordonna qu'on le fit mourir. Lascaris, lui offrit une fomme considérable, avec plufieurs villes & châteaux, & fut remis en liberté. Mais il ne fut pas plûtôt hors du pouvoir du Sulthan, qu'il ne voulut tenir aucun de fes engagemens.

L'an 1218.

Benfchou

Le Sulthan Kaikaous ne chercha point à tirer vengeance Aboulfedha de cette perfidie; la conquête d'Alep le flatta davantage. nah. Dhaher (g), fils de Saladin, qui régnoit dans cette ville, venoit de mourir, & ne laiffoit qu'un fils en bas-âge nommé Aziz (h). Kaikaous fit un traité avec Aphdhal (1) Roi de Samofath, par lequel les deux Princes s'engageoient de réunir leurs troupes pour faire la conquête d'Alep, & enfuite celle des pays foumis à Aschraf (k). Alep devoit être le partage (a) Omis par d'Herbelot. (b) Fils de Kilidge arflan. (c) L'an 609 de l'Hegire.

(d) Fils d'Adel, frere de Saladin,
(e) L'an 610 de l'Hegire.

(f) L'an 611 de l'Hegire.

zi, fils de Saladin, mort l'an 613 de l'Hegire.

(h Malek el aziz mohammed.

(i) Malek el afdhal noureddin aly,

mort en 621.

(k) Malek el afchraf moufa, Roi de (g) Malek eddhaher gaïatheddin gha- Roha, ou Edeffe, & de Harran, enfuite

1218.

d'Aphdhal; Edeffe & Harran, qui appartenoient à Afchraf, celui de Kaikaous. Ce dernier s'empara de Roban, qu'il Apr, J. C. remit fur le champ à Aphdhal. Mais il n'en fit pas de même Kaikaous. de Tel-bascher, place plus importante, il la garda, & Aphdhal commença à murmurer. Il joignit encore à fes Etats la ville de Manbedge malgré les conventions. Mais dans le tems qu'il étoit dans cette place, il apprit que fon avant-garde qui marchoit vers Alep, avoit été défaite par Aschraf & par Mani, Emir des Arabes, dans la vallée de Bouzaa ; il prit auffi-tôt la fuite; Afchraf rentra dans Tell-bascher, Roban & les autres places, & Aphdhal abandonné s'en retourna à Samofath.

Kaikobad.

Kaikaous (a) revint dans fes Etats, où il mourut l'année L'an 1219. fuivante (b) de phthyfie; fes enfans étant trop jeunes pour Aboulfedha lui fuccéder, les Soldats tirerent des prifons d'Alminfchar Alfa(c) fur le bord de l'Euphrate, fon frere Alaeddin kaiko- Aboulmabad, & le proclamerent Sulthan. Un de fes parens, fils mahafen. de Thogrul fchah (d) Roi d'Arzen erroum, que Kaikaous avoit fait mourir, fut auffi peu de tems après reconnu (e) Roi de Georgie. Mepe Lacha Giorgi, Roi de Georgie, étoit mort fans enfans, & il ne reftoit plus de la famille Royale que la Reine Roufoudan, fille de Mepe Tamar, prédéceffeur de Lacha Giorgi. Les Géorgiens la recon- L'an 12236 nurent pour leur Reine, & choifirent le Roi d'Arzen erroum Aboulfedha pour être fon mari. Comme la Géorgie étoit un Royaume qui avoit été toujours fous la domination d'un Prince Chrétien, le Roi d'Arzen erroum abjura le Mahométisme, & alla époufer Roufoudan, avec laquelle il ne vécut pas longtems en bonne intelligence. Cette Princeffe s'attacha publiquement à un de ses Esclaves. Le Roi d'Arzen erroum l'abandonna, & la Reine qui fe deshonora de plus en plus par d'infâmes débauches, choisit dans la plus vile populace les

de Damas, étoit fils de Malek el adel feifeddin aboubekr, frere de Saladin.

(a) Aboulfedha lui donne le titre Almalek al ghaleb. D'Herbelot ne lui donne qu'un an de regne.

() Aboulmahafen met fa mort en 615. Avec Aboulfedha & Aboulfaradge

je la place en 616.

(c) Près de Malathie.

(d) Surnommé Moghiatheddin, fils de Kilidge arflan, fils de Mafoud, fils de Kilidge arflan de la famille des Seljoucides.

(e) L'an 620 de l'Hegire.

hommes les mieux faits, & les facrifia enfuite à mefure L'an 1223. qu'elle s'en dégoûtoit. Perfonne ne voulut plus être le mari Kaikobad. de la Reine, un Mahométan de Kendgia qu'elle follicitoit de

Apr. J. C.

quitter fa Religion pour l'époufer, ofa la refufer. Les débauches qui deshonorerent cette Reine, fervirent à conferver la liberté aux Géorgiens, qui alloient tomber fous la domination des Seljoucides, qui depuis qu'ils n'étoient plus inquiétés par les Grecs, ni par le paffage des Croifés, étendoient de plus en plus leur Empire du côté de l'Euphrate. L'an 1226. Les pays fitués au midi de la Géorgie étoient alors foumis aux Aboulfedha Princes de la famille des Ortokides; Mafoud l'un d'eux réDiarbekri. gnoit dans Emed. Alaeddin Kaikobad alla lui enlever (a) les fortereffes de Manfour & de Kakhta.

L'an 1229.

Ces Ortokides étoient de même que les Seljoucides des races Turques qui s'étoient établies dans tous ces pays. Il est difficile de ne pas être étonné lorsque l'on confidere ces migrations de peuples. Nous avons vû jufqu'à quel point ces Turcs, partis du fond de la Tartarie, fe font étendus. Ils donnent une violente secouffe à l'Empire de Khalifs, & foumettent la Terre-Sainte. Alors les extrémités occidentales de l'Europe envoyent des milliers d'hommes pour en chaffer ces Barbares. Les Francs & les autres Croifés ébranlent l'Empire Turc, & s'établiffent fur une partie de fes débris. Dans le même tems l'Asie fait partir derechef des frontieres de la Chine un nouvel effaim de Peuples qui détruisent les familles Turques, & combattent fouvent en fa veur des Francs. Les peuples des deux extrémités de l'Asie & de l'Europe fe rencontrent dans la Syrie.

La puiffance des Sulthans de Kharifme avoit empêché jufqu'alors, que , que les peuples Tartares ne fiffent quelque irruption dans les provinces occidentales de l'Afie. Le dernier Sulthan de cet Empire, nommé Dgelaleddin Mankberni, un des plus grands Rois que l'Orient ait produit depuis le Mahométifme, avoit toujours repouffé ces ennemis. Mais il menaçoit de foumettre tous les pays qui font fitués à l'occident de la Perse. Le danger réunit Afchraf Roi de

(a) L'an 623 de l'Hegire. Diarbekri, à l'ap 622 Auteur peu exact, met cet événement

L'an 1229.

Damas, & Kaikobad; ils allerent attaquer enfemble Dgelaleddin, qui faifoit le fiége de Khelath dans l'Arménie, & Apr. J. C. l'obligerent à fe retirer. Le Sulthan de Kharisme qui revint Kaikobad. plufieurs fois devant cette place, fut contraint de fuir. Mais cette victoire (a) ne fut pas moins funefte à Kaikobad & à Afchraf qu'au Sulthan de Kharifme. La perte de ce dernier entraîna celle de toute l'Afie, & les Mufulmans n'eurent plus de digue à oppofer aux Mogols.

Cette nation, fous la conduite de Genghizkhan, avoit fubjugué, comme on le verra dans la fuite, toute la Tartarie & une partie de la Chine, & s'étoit avancée du côté du Kharifme, elle battit en plufieurs rencontres le Sulthan Dgelaleddin. Ce Prince implora le fecours du Sulthan d'Iconium & d'Afchraf Roi de Damas, en leur représentant que fa défaite donnoit un paffage libre aux Mogols dans le refte de l'Afie. Les deux Princes, envieux de la gloire du Sulthan de Kharifme, lui refuferent un fecours qui lui étoit néceffaire. Le Sulthan fut entierement vaincu, & l'Empire du Kharisme détruit. Plusieurs Emirs Kharismiens fe fauverent dans la Syrie avec quelques troupes, & ils y firent de grands ravages. Les principaux étoient Barkab khan, Keschlou-khan, Sarou- Aboulfedha khan, Far-khan & Bouri-khan. Ils vinrent offrir leurs fervi- Aboulfaces à Kaikobad qui les reçut & les employa dans fes armées (b). radge.

Kaikobad connut bientôt qu'il étoit de fon intérêt de mé- L'an 1232. nager les Mogols, qui depuis la défaite de Dgelaleddin, Aboulfaavoient pénétré jufques dans l'Arménie. Il envoya un Am- radge. baffadeur(e) à leur grand Khan, nommé Oktai, qui régnoit dans la Tartarie. Kaikobad qui étoit un des plus puiffans Princes de l'Afie Occidentale, ne fut pas peu furpris quand il apprit avec quelle hauteur on avoit reçu fon Ambassadeur, & fur-tout quand on lui propofa de venir à Caracorum, où on lui promettoit un titre confidérable (d). Il n'étoit point accoutumé à cette fierté Mogole, il la méprifa, & alla porter la guerre dans l'Arménie, où il s'empara de Khelath & de

(a) Le Sulthan de Kharizme fut battu le 29 de Ramadhan de l'an 626 de l'Heg. (b) C'eft peut-être parmi ces Turcs Kharifmiens, qu'étoient les Chefs des Turcs qui fonderent depuis l'Empire Ottoman,

(c) L'an 630 de l'Hegire.

(d) C'eft celui d'Ikhtadgi. D'Herbelot dit que ce mot fignifie un vaffal qui tient fes Etats en homme lige d'un au tre Prince.

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