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an 186. Apr. J. C. L'an

Anne Com

il reprit le chemin de Conftantinople. Aboulcafem informé
de fa retraite fortit auffi-tôt de Nicée, & le joignit à Pre-
nete; mais la Cavalerie des Francs fondit fur l'Emir Turc
avec tant de furie, & rompit tellement fes efcadrons avec fes
lances, qu'il prit la fuite après avoir perdu beaucoup de
monde. Malgré cette déroute, Aboulcafem n'abandonna
pas nène.
le projet qu'il avoit formé de prendre Conftantinople, ou
au moins la côte maritime & les Ifles. C'eft dans ce deffein
qu'il s'empara de Cio, ville fituée fur le bord de la mer
dans la Bithynie, & qu'il y fit conftruire une flotte. Un pro-
jet fi hardi, & dont l'exécution étoit déja entamée, devoit
inquiéter Alexis Comnène, & il étoit important pour le falut
de l'Empire & de tous les Chrétiens, d'en arrêter les progrès.
Manuel Butumite fut chargé de cette commiffion, il partit
avec une flotte, dans le deffein de brûler celle que le Turc
faifoit conftruire; en même-tems Taticius s'avançoit par terre
avec fon armée. Aboulcafem qui étoit campé dans un lieu
fort étroit, où fa cavalerie n'avoit pas la liberté de s'éten-
dre, conduifit fes troupes dans un endroit nommé Alicas,
qui lui parut plusavantageux. Ce mouvement caufa la perte de
fes vaiffeaux. Ils étoient abandonnés à la garde d'un petit
nombre de Soldats, qui ne purent empêcher que Butumite
n'y mît le feu & ne les réduisît en cendres. Taticius s'appro-
cha dès le lendemain de l'armée Turque, mais on ne fit qu'ef
carmoucher pendant quinze jours. Les Latins qui étoient
dans l'armée, ennuyés de cette maniere de combattre, de-
manderent une action générale, que Taticius, quoique d'a-
bord d'un avis contraire, fut obligé de leur accorder; enfuite il
s'y détermina d'autant plus volontiers que l'armée Turque re-
cevoit tous les jours de nouveaux renforts, & un plus long
délai eût mis les Grecs en danger d'être enveloppés par
grand nombre de leurs ennemis. Taticius dès le point du
jour fe mit en ordre de bataille, & s'avança fur les Turcs. Il
les culbuta, fit un grand nombre de prifonniers, & prit tout
leur bagage.

le

Aboulcafem ne s'étoit fauvé qu'avec peine à Nicée; l'Empereur lui fit offrir la paix, & l'engagea à venir à Conftantinople. Après une fi grande victoire, cette conduite paroîtra

furprenante; mais Alexis Comnène plus politique & plus Apr. J. C. rufé que les Turcs, avoit fes vûes; ce n'étoit qu'un piége L'an 1086. qu'il tendoit à l'Emir Turc, & la néceffité força celui-ci d'y

Anne Com

nene,

tomber. Le Général Bourski envoyé par Malek schah étoit déja entré dans l'Afie mineure où il avoit pris plufieurs villes, & il s'avançoit à grandes journées vers Nicée. Ce fut ce qui détermina Aboulcafem à s'embarquer pour Conftantinople dans le deffein d'y jurer une paix folide & avantageufe avec l'Empereur. Cet Emir entra dans cette Capitale, & y fut reçu avec de grands honneurs. Les fpectacles, la chaffe, les courfes de chevaux l'occuperent pendant tout le tems qu'il y demeura. Pendant qu'Alexis Comnène lui donnoit toutes les marques extérieures de l'amitié la plus fincère, il faifoit équiper à la hâte une flotte qu'il deftinoit à aller prendre Nicomédie. Le Drongaire Eufthate en eut le commandement. Ce Général s'acquitta de fa commission avec promptitude, & fit bâtir une fortereffe dans Nicomédie après avoir juré aux Turcs qu'il n'agiffoit que du confentement d'Aboulcafem. On avoit arrêté pendant cette expédition tous les vaiffeaux qui venoient de la Bithynie à Conftantinople, afin que l'Emir ne pût être inftruit de rien; l'Empereur ne lui permit de s'en retourner qu'après que fes ordres eurent été entiérement exécutés, il lui donna alors le titre de Sebastotatos. Aboulcafem qui ne fut informé de la perte de Nicomédie, que lorsqu'il n'y avoit plus de remède, garda le filence, & diffimula en attendant un tems plus favorable pour fe

venger.

Bourski s'approchoit de plus en plus de Nicée, le Sulthan Malek fchah lui avoit ordonné de prendre cette ville & de foumettre tous ces Emirs qui commandoient dans l'Asie mineure. Aboulcasem encore plus embarraffé qu'auparavant, n'étoit point affez fort pour s'oppofer à cette armée,& il ne voyoit point de Prince plus en état de le fecourir que l'Empereur Alexis Comnene; mais après ce qui venoit de lui arriver, il ne pouvoit & ne devoit pas même s'adreffer à ce Monarque, qui de fon côté ne devoit pas favorifer l'établissement d'Aboulcafem. C'eft cependant ce Prince dont il implora la protection, & il en obtint un secours fur lequel, felon tou

tes

tes les

Apr. J. C.

apparences, il ne devoit point compter. Ces fecours dans les projets de l'Empereur Grec ne furent envoyés que L'an 1091. pour tromper encore davantage l'Emir. Alexis Comnène appréhendoit que ce Turc ne venant à fuccomber fous les armes de Bourski, il ne trouvât lui-même un autre ennemi encore plus puiffant, & cette occafion lui paroiffoit favorable pour fe rendre maître de Nicée. Ces raisons le déterminerent à faire partir le Général Taticius avec une armée. Après avoir pris la petite ville de S. Georges, les Grecs furent introduits dans Nicée, & planterent leurs drapeaux fur les murailles. Bourski qui crut que l'Empereur Alexis Comnène y étoit avec toutes les forces de l'Empire, décampa pendant la nuit, & l'armée des Grecs qui n'étoit pas affez forte pour l'inquiéter dans fa marche, reprit le chemin de Conftantinople.

nène.

Cependant le Sulthan Malek fchah réfolu de détruire les Anne Com projets d'Aboulcafem, envoya dans l'Afie mineure une nouvelle armée fous la conduite d'Youzan ou Bouzan (a) Roi de Harran. Mais pour affurer davantage le fuccès de cette expédition, il fit offrir à l'Empereur Alexis Comnène de lui rendre tout le pays qu'Aboulcafem avoit enlevé aux Grecs, & demanda en même tems en mariage la fille de ce Prince pour fon fils aîné, promettant de lui donner des fecours pour la guerre d'Illyrie. Alexis Comnène qui ne vouloit point marier fa fille à un Prince Mufulman, mais qui avoit intérêt de le ménager, lui envoya un Ambaffadeur, fous prétexte de conclure ce Traité; celui-ci étoit chargé fecrettement d'amufer le Sulthan par des promeffes, afin de gagner du tems. Alexis ne laiffoit de fournir à Aboulcafem des troupes qui avoient obligé Bouzan de lever le fiége de Nicée & de fe retirer proche Lopade. Mais Aboulcafem qui ne recevoit de foibles fecours de la part de l'Empereur, & qui pénétra enfin ses vûes, aima mieux cette fois aller implorer la clémence d'un Mufulman, que d'être continuellement le jouet des Grecs. Il profita du tems que Bouzan s'étoit retiré, fit charger treize mulets de tout ce qu'il avoit de plus précieux

que

pas

(a) Ce Prince fut tué l'an 487 de l'He- mens font antérieurs à cette époque. gire, de J. C. 1094; ainfi ces événe

Tom. II. Part. II.

B

L'an 1091.

& prit la route d'Ifpahan où étoit le Sulthan Malek fchah, Apr. J. C. fe flattant d'en obtenir le Gouvernement de Nicée. Mais il fut mal reçu dans cette Cour, Malek schah ne voulut pas le voir qu'il n'eût traité avec Bouzan. Aboulcafem qui ne put rien obtenir de plus, fut contraint de s'en retourner, & il n'étoit pas encore fort éloigné, que deux cens Cavaliers l'arrêterent & lui pafferent au col une corde d'arc avec laquelle ils l'étranglerent.

Anne Com

nene.

Aboulcafem avoit laiffé fon frere Pulchas dans Nicée pour y commander en fon abfence. Alexis Comnène employoit alors toutes fes rufes, & n'épargnoit point les préfens pour tromper ce Turc & lui enlever Nicée; mais Pulchas auffi fourbe qu'avare, amufoit à fon tour l'Empereur, en attendant le retour de fon frere. Il apprit fa mort, & peu de tems après celle du Sulthan Malek fchah (a). Ce dernier évenement rendit la liberté aux enfans de Soliman qui avoient été retenus jufqu'alors à Ifpahan. Ils prirent le chemin de l'Afie L'an 1092. mineure & rentrerent dans Nicée. Le peuple charmé de voir des Princes du Sang Royal des Seljoucides, les reçut avec empreffement, & Pulchas fe vit contraint de dépofer toute fon autorité & de remettre la ville entre les mains de Kilidge- l'aîné nommé Kilidge-Arflan ( b ), qui fut auffi-tôt proclamé Sulthan.

arflan I.

Anne Com

nene.

Cet évenement dérangea les projets de la plupart des Emirs Turcs. Kilidge-Arflan fit quelques changemens dans fon nouvel Empire, il ôta à Pulchas le Gouvernement de Nicée, & le donna à Mohammed qu'il fit déclarer le premier des Emirs. Il fit enfuite venir un grand nombre de Turcs dans fa capitale pour la rendre plus floriffante.

Après avoir rétabli l'ordre dans fes Etats, il alla faire la guerre contre la ville de Malathie, pendant qu'Helcan un de fes principaux Emirs ravagea les pays qui étoient foumis aux Grecs. Ces Turcs s'étant emparés d'Apolloniade & de Cyzique, villes fituées fur le bord de la mer, Alexis Comnène Y

(a) L'an 485 de l'Hegire, au milieu du mois Schoual.

(b) D'Herbelot lui donne le nom de Daoud, & l'a omis dans fa Bibliothe

que, quoiqu'il y renvoie. En général, cet Ouvrage, quoiqu'excellent, ne contient pas la valeur d'une page fur l'Hif toire des Seljoucides d'Iconium,

L'an 1092.

Kilidge arflan 1.

envoya auffi-tôt Euphorbenus Alexander qui affiégea Apolloniade, & obligea Helcan à fe retirer dans la Citadelle. Apr. J. C. Cette ville alloit être reprise par les Grecs fans les nouveaux renforts que les Turcs envoyerent, & qui obligerent Euphorbenus à lever le fiége. Il fit embarquer fes troupes à la faveur d'un étang voifin par lequel il comptoit fortir; mais Helcan qui avoit prévû fon deffein, avoit fait fermer l'entrée de cet étang, & le Général Grec ne pouvant plus alors se sauver de ce côté, fit mettre pied à terre à fes troupes & livra aux Turcs un combat dans lequel il eut du deffous. Accablés par ces Barbares, un grand nombre de Grecs périt dans les eaux, & les autres furent faits prifonniers. Pour réparer cette perte, Alexis Comnène donna le commandement d'une nouvelle armée qui alla d'abord prendre Cyzique, & qui vint enfuite affiéger Apolloniade. Helcan obligé de fe rendre, paffa à Conftantinople où il embraffa le Chriftianifme; cet exemple fut fuivi par plufieurs autres Emirs.

nene.

Pendant qu'Alexis Comnène étoit ocupé à faire la guerre Anne Come aux Patzinaces, un Emir nommé Tzachas (a) gendre du Sul- Zonare. than Kilidge-Arflan, qui avoit beaucoup d'autorité dans Glycas l'Afie mineure, profita de cette occafion pour faire construire un grand nombre de vaiffeaux avec lefquels il vint s'emparer de Clazomenes & de Phocée. Le Gouverneur de Mitylène fommé par le Turc de fe rendre, fe retira pendant la nuit à Conftantinople, & Mitylène ouvrit fes portes. La feule ville de Methymne fituée fur le promontoire de l'Ifle, tint ferme, & Alexis Comnène y jetta quelques troupes. Tzachas qui ne crut pas devoir s'obftiner devant cette place, alla s'emparer de l'Ifle de Chio, battit la flotte commandée par Nicet Caftamonite, prit la plupart de fes vaisseaux & enfuite fe retira à Smyrne. Dalaffene que l'Empereur avoit envoyé avec une nouvelle flotte, fit une tentative fur la ville de Chio; mais fa lenteur perdit tout: il laissa aux Turcs le tems de, conftruire un fecond mur derriere la brêche que fes foldats avoient faite. Tzachas arriva fans qu'Opus envoyé par Dalaffene pour le combattre, eût ofé

(a) Zonare le nomme Zachas ; & Glycas, Zachatzas.

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