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originaire du Khorafan, & qui marchoit toujours à la tête des armées avec une troupe d'Archers choifis; Boezas, un an 1097Apr. J. C. autre Amafa de Géorgie, Balak, Emir d'Emed & de Redouan. Saroudge, Balduc Emir de Samofath, Karageth Emir de Dekak, Harran, fe préparerent à venir à fon fecours. Le onze d'Octobre, les Chrétiens dont l'armée montoit à trois cens mille hommes commencerent le fiége; mais malgré leur grand nombre, de cinq portes qu'il y avoit, ils ne purent en bloquer que trois. Boëmond en garda une; Robert Comte de Normandie, un autre Robert Comte de Flandres, Etienne Comte de Blois & Hugues le Grand avec les Normans, les François, les Bretons s'étendoient depuis le camp de Boëmond jufqu'à la porte du Chien ; & depuis cette porte jusqu'à celle du Duc étoient Raimond Comte de Toulouse & l'Evêque du Puy avec les Gafcons, les Provençaux & les Bourguignons; le Duc Godefroy avec fon frere Eustache, le Comte Baudouin, Rainard de Toul, Conon de Montaigu accompa gnés des Lorrains, des Frifons, des Sueves, des Saxons de Franconiens & des Bavarois, s'étendoient depuis cette derniere porte jufqu'à celle du pont.

Tous ces Chrétiens obligés d'aller chercher des vivres au-delà de la riviere qu'ils traversoient à la nâge faute de pont dans le voisinage, étoient fouvent incommodés par les troupes d'Antioche qui paffoient fur le pont qui étoit dans la ville, pour venir les attaquer. Comme les Chrétiens échappoient rarement de ces petits combats, les Princes Croisés prirent le parti de faire conftruire un pont de bateaux ; d'un autre côté, ils entreprirent de rompre un autre pont dont les habitans fe fervoient pour faire des forties fur les troupes du Comte de Toulouse. Cet ouvrage réfifta par fa grande folidité à leurs efforts, & on ne trouva d'autre moyen pour arrêter ces forties que de faire conftruire une grande machine en façon de tour que l'on remplit de troupes. On l'approcha des murailles; mais les affiégés écarterent par le grand nombre de leurs fleches tous les foldats qui gardoient cette machine énor me, ils firent en même tems une fortie par la porte voisine, & mirent le feu à la tour qu'ils réduifirent en cendres. Le lendemain les Chrétiens éleverent trois balistes avec lesquelles

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L'an 1097.

Dekak,

ils lancerent des quartiers de rochers. Toutes ces machines étoient détruites en peu de tems par les Turcs qui avoient Redouan. cette porte libre; ce qui obligea les Chrétiens à traîner à force de bras d'immenfes rochers, & à les accumuler tellement devant la porte qu'il ne fut plus poffible de l'ouvrir. Les Turcs faifoient de fréquentes forties par les autres portes ; le fiége duroit déja depuis trois mois,& les Chrétiens qui n'avoient pas d'abord ménagé leurs vivres, commençoient à en manquer. Cette difette ranimoit le courage des affiégé. Les pluies continuelles qui tomboient en abondance avoient fait un marais du lieu où les Chrétiens étoient campés, tentes & habits tomboient en pourriture, la faim & les maladies emportient un grand nombre de foldats, ceux qui fe fentoient encore quelque force en profitoient pour fe retirer ailleurs, & l'armée Chrétienne étoit réduite à la moitié. Dans cette extrémité, les Princes croifés convinrent d'envoyer Boëmond & le Comte de Flandres avec une partie des troupes dans les pays circonvoifins pour y ramaffer des vivres, pendant que le Comte de Toulouse & l'Evêque du Puy refteroient à garder le camp. Le Comte de Normandie étoit abfent, & Godefroy Duc de Lorraine étoit malade. Les affiégés qui profitoient de tous les malheurs dont les Chrétiens étoient accablés, tenterent une fortie en l'absence d'une partie des troupes, mais ils furent repouffés. Après cette action quelques foldats fe mirent à poursuivre un cheval dont le maître avoit été tué, les autres Chrétiens crurent qu'ils prenoient la fuite & la prirent eux-mêmes; aussi-tôt les Turcs firent une nouvelle fortie & les pourfuivirent jusqu'au pont de bateaux; les Chrétiens qui avoient eu dans la premiere action tout l'avantage, le perdirent entierement dans celle-ci.

Pendant ce tems-là Boëmond & le Comte de Flandres revinrent dans le camp avec des provifions confidérables, ils avoient été obligés de combattre les Turcs; mais le grand nombre de Chrétiens eut bientôt confumé tous les vivres, & les courfes que l'on faifoit chez les ennemis n'empêchoient pas que la famine ne commençât à fe faire fentir une feconde fois. De plus, le libre accès que l'on donnoit aux Grecs;

L'an 1097.

aux Syriens & aux Arméniens étoit cause que plufieurs Turcs entroient dans le camp comme Chrétiens, pour s'informer de Apr. J. C tout ce qui se passoit, & en rendre compte à Baghi-fian. Afin Redouan. fe d'empêcher ce défordre Boëmond fit égorger quelques Turcs Dekak. qui étoient prifonniers, & les fit enfuite rôtir, publiant partout qu'il les deftinoit pour fa table. Les Turcs épouvantés & croyant que ces Chrétiens mangeoient des hommes, ne furent plus fi empreffés à venir dans le camp.

par reliLe Khalif d'Egypte nommé Mostaali, ennemi gion des Turcs & du Khalif de Bagdad, & qui appréhendoit alors que tous ces Turcs difperfés dans la Syrie ne devinffent trop puiffans, étoit bien aife qu'ils fuffent affoiblis par les Francs: en conféquence, il envoya à ceux-ci des Ambaffadeurs pour les engager à continuer le fiége d'Antioche, pas alors & offrit même de les fecourir. Il ne confidéroit que le plus fort de l'orage devoit tomber dans la fuite fur fes Etats. D'un autre côté, Baghi-fian voyant que la faim, le froid & les fatigues ne découragoient point les Croifés, fit demander du fecours aux Princes voifins, qui avoient également intérêt que les Francs n'entraffent pas dans la Syrie. Il partit auffi-tôt d'Alep, de Céfarée, d'Hama, d'Hemeffe & d'Hierapolis ou Manbedge un corps de vingt mille hommes qui devoit profiter d'une fortie que feroient les affiégés, pour entrer dans Antioche. Ils cacherent leur marche, & vinrent camper à Harem éloignée d'Antioche de quatre milles. Les Francs, inftruits de leur arrivée, firent un détachement de fept cens hommes qui furprit les Turcs à la pointe du jour: ceux-ci fe mirent en bataille & fondirent fur les Chrétiens qui les reçurent la lance à la main, les repoufferent jufques dans un angle formé par un lac & une rivieles Turcs fe fauverent comme ils purent; les Francs en tuerent un très-grand nombre, & les poursuivirent. jusqu'à Harem éloignée de dix milles du champ de bataille. Les habitans de Harem à la vûe des Francs, mirent le feu à la ville, prirent la fuite, & les Arméniens & les autres Chrétiens s'emparerent de la place qu'ils livrerent aux Croisés. Les Turcs perdirent dans cette action (a) environ deux mille (a) Cet événement arriva le 7 de Février de l'an 1097.

re;

Tom. II. Part. II.

M

hommes. Les Francs revinrent devant Antioche chargés de dépouilles, & conduifant avec eux mille chevaux dont ils Redouan. avoient un grand befoin.

Apr. J. C.

L'an 1097.

Dekak.

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Les affliégés attendoient toujours le fecours de Harem; les Francs leur firent perdre bientôt cette espérance en leur lançant deux cens têtes de ces Turcs, & en en faifant planter trois cens autres fur des pieux au pied des murailles de la ville; enfuite pour continuer le fiége avec plus de fûreté, ils firent bâtir une fortereffe fur une colline des. environs. Il y avoit cinq mois qu'ils tenoient cette place affiégée lorsqu'ils apprirent que plufieurs vaiffeaux Genois étoient arrivés à l'embouchure de l'Oronte: ils envoyerent quelques détachemens pour efcorter ces fecours; mais les ennemis ne cefferent de les inquiéter. Boëmond & le Comte de Toulouse, obligés de marcher en perfonne, furent furpris par les Turcs qui s'étoient placés au nombre de quatre mille dans un défilé. Les Chrétiens chargés de bagages, arprès quelques efforts, fe débanderent & prirent la fuite, & tout ce convoi fut diffipé avec une perte considérable pour les Croifés. Godefroi, Robert Comte de Normandie, le Comte de Flandres, Hugues le Grand & les autres Chefs coururent au fecours des Chrétiens difperfés; alors Baghifian fit mettre toutes les troupes fous les armes, & vint camper à la porte du pont pour recevoir fes Turcs, mais le Duc de Lorraine qui s'étoit emparé d'une éminence voifine pendant l'action, tuoit tous ceux qui paroiffoient, ou les obligeoit à retourner fur leurs pas. Baghi-fian crut devoir fermer les portes, afin de ne laiffer à fes gens d'autre efpérance de falut que dans la victoire. Les Turcs ne purent réfifter, & furent prefque tout paffés au fil de l'épée, à la vue des affiégés qui regardoient l'action du haut de leurs murailles. Baghi-fian reconnut fa faute, & fit rouvrir les portes pour fauver le refte. Les Turcs s'y jetterent en foule, plufieurs furent étouffés ou précipités dans le fleuve. C'eft dans cette action que le Duc de Lorraine d'un coup de fabre coupa un cavalier par le milieu du corps, toute la partie fupérieure jufqu'à l'eftomac tomba à terre, le reste du tronc avec les cuiffes & les jambes refta fur le cheval qui rentra

dans la ville & y porta l'horreur & la défolation. Les Turcs perdirent deux mille hommes, & Antioche étoit prife fans Apr. J. C. la nuit qui fit ceffer le combate

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Redouan.

Les Princes Croifés continuerent les travaux, & firent Dekak. élever une fortereffe à la tête d'un pont auprès duquel il y avoit une mosquée & un cimetiere; les Turcs avoient paffé la nuit à enterrer dans cet endroit leurs morts; & la populace de l'armée Chrétienne avoit été rouvrir ces tombeaux pour s'emparer de toutes les chofes précieufes qu'on y mettoit. Le Comte de Toulouse avec cinq cens hommes, eut la garde de cette fortereffe; les Turcs n'avoient plus de fortie libre que par la porte d'Occident qui étoit entre la montagne & l'Oronte, par-là ils faifoient entrer leurs convois on réfolut d'y élever un fort; Tancrede fe chargea de l'exécution & en vint à bout. La ville fermée de toutes parts commença à fentir la difette, pendant que les Chrétiens recevoient par mer des provisions en abondance. On apprit alors que le Sulthan de Perse envoyoit une armée formidable au fecours d'Antioche. Cette nouvelle découragea les Francs; Etienne Comte de Chartres profita d'une maladie qu'il avoit, pour fe retirer dans la Cilicie, en attendant cet évenement; plus de quatre mille hommes des fiens le fuivirent. Les Princes Croifés qui alloient fe trouver dans un plus grand besoin de fecours, réfolurent unanimement de défendre à qui que ce foit de fortir du camp fans permiffion.

de Tyr. Anne Com

Dès le commencement du fiége le Prince Boëmond avoit Guillaume. eu des liaisons avec un des Officiers de Baghi-fian, nommé Phirouz (a), originaire d'Arménie, qui offrit de lui remettre nène. une tour où il commandoit. Boëmond on fit part aux Croisés, mais il exigea qu'on lui laifferoit Antioche. Tous les Croifés y confentoient à l'exception du Comte de Touloufe qui Aboulfedha vouloit garder cette Place pour lui. Pendant cette contefta- Aboulmahafen. tion on apprit que Kerboga (6), Emir de Mouffoul, & un des plus braves Capitaines de fa Nation, venoit par ordre du Sulthan de Perfe, avec une armée de deux cens mille hom

(a) Guillaume de Tyr le nomme Fei

rus.

(b) Guillaume de Tyr le nomme Car

bagath. Il portoit le titre de Couam ed-
doulet, & il avoit été remis en liberté
après la mort de Toutoufch.

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