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L'an 1098.

Dekak.

mes, au fecours d'Antioche (a). Il étoit accompagné de DéApr. J. C. kak Roi de Damas, de Thoghteghin, de Dgenah ed doulet Redouan. Roi d'Hemeffe, de Sokman, fils d'Ortoc, Roi de Maredin, d'Arflan schah Roi de Sandgiar, & de plufieurs autres Emirs Turcs. Il vint camper dans le territoire d'Edeffe ou Roha, qui appartenoit alors aux Francs. Il fit le fiége de cette place, mais Baudouin l'obligea, après trois femaines, de décamper. Pour couvrir fa honte il prétexta la néceffité d'aller promptement délivrer Antioche, remettant la prife d'Edeffe à fon retour. Pendant ce tems-là les Princes Francs envoyoient de tous côtés des efpions pour s'informer de la marche de cette puiffante armée. Ils cachoient aux troupes qui étoient occupées au fiége d'Antioche l'approche des ennemis. On propofa dans le Confeil de lever le fiége pour aller à la rencontre de Kerboga; d'autres vouloient qu'on laissât des troupes devant la ville: Boëmond profita de l'embarras dans lequel étoient tous les Chefs de l'armée, pour fair valoir les liaisons qu'il avoit ménagées dans la ville, & la néceffité d'accepter les offres de Phirouz. Le feul Comte de Toulouse ne voulut rien relâcher des droits qu'il prétendoit avoir fur Antioche; mais on paffa outre, & Boëmond fe prépara à exécuter fon projet la nuit fuivante. Il fut arrêté qu'à la neuvieme heure les Princes Croifés fortiroient à la tête de leurs troupes, fous prétexte d'aller au-devant de Kerboga, & que vers la premiere veille, ils rentreroient en filence dans le camp.

Dans le tems que ce projet alloit être exécuté, les Turcs qui étoient dans Antioche foupçonnerent qu'il fe tramoit quelque trahifon, & en accuferent les Chrétiens; Baghi-fian les interrogea tous, & Phirouz comme les autres; mais cet Officier répondit avec tant de confiance, en propofant de changer tous ceux qui avoient la garde des tours & des murailles, qu'on le jugea innocent. On réfolut de fuivre fon confeil; mais on ne le fit pas affez promptement. On laiffa à Phirouz le tems de livrer la tour à Boëmond. Dans le moment qu'il étoit à conférer avec ce Prince du haut

(4) L'an 491 de l'Hegire.

Dekak.

des murailles, un des principaux Officiers de Baghi-fian passa avec un grand nombre de foldats & de flambeaux, pour L'an 1998. Apr. J. C. examiner si les sentinelles n'étoient pas endormies. Il recom- Redouan. manda à Phirouz de veiller avec foin fur les mouvemens des Chrétiens. Auffi-tôt qu'il fut paffé, Boëmond & les autres Princes fe rapprocherent de la tour en filence avec leurs troupes. Après leur avoir donné. le mot du guet, Phirouz lâcha une échelle de corde; mais aucun foldat n'ofa s'y rifquer; Boëmond indigné de leur lâcheté, monta avec une intrépidité fans exemple & parla à Phirouz, perfonne ne fut encore affez hardi pour le fuivre, & il fut obligé de defcendre pour les encourager & les faire revenir de l'étonnement dans lequel il les voyoit. Alors, tous coururent à l'échelle, monterent fur les remparts, égorgerent les fentinelles de dix autres tours & ouvrirent une porte. Les Francs entrerent en foule dans la ville, les affiégés fe réveillerent & n'apperçurent partout que des Francs; les Grecs, les Syriens & les Arméniens, qui pendant le fiége avoient reçu mille avanies, fe joignirent aux Croifés; on égorge de tous côtés les Turcs qui cherchent à fe fauver. Plus de dix mille hommes font paffés au fil de l'épée. Baghi-sian prend la fuite & s'éloigne Aboulmade cette ville qui étoit au pillage. Une playe qu'il avoit Guillaume s'étoit ouverte, la force du mal & le défefpoir d'aban- de Tyr. ner fa famille & tous les Musulmans, lui caufe le transport Aboulfedha au cerveau, il tombe de cheval, quelques cavaliers qui l'accompagnent veulent le faire remonter, mais la foiblesse ne lui permet plus de fe tenir; les cavaliers le quittent pour fe fauver eux-mêmes & le laiffent à terre. Un Arménien occupé à couper du bois le rencontra comme il alloit rendre les derniers foupirs, lui coupa la tête & la porta aux Princes Francs. Le fiége d'Antioche (a) avoit duré neuf mois. Les Francs y trouverent des richeffes immenfes. Les Hiftoriens Orientaux difent qu'il périt dans le fac de cette ville cent mille, hommes.

hafen.

Il reftoit encore à prendre la citadelle dans laquelle trois Guillaume mille hommes s'étoient retirés avec Sanfadonia (b) & Bul

(a) Elle fut prife le 3 de Juin de l'an 098. Aboulfedha dit dans le mois

Dgioumadi elaoual.

(6) Peut-être Schamfeddounia.

de Tyr. Jacques de Vitry.

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nene. Aboulmamahafen. Aboulfa

radge.

le

par

dag, fils de Baghi-fian. Elle étoit fituée fur le fommet d'une Apr. J. C. montagne & bien munie de provifions. Les Francs l'affiéRedouan. gerent inutilement. L'approche de Kerboga & de tous les Dekak. autres Princes Turcs les obligerent de fonger à fe défendre, Anne Com- & à raffembler à la hâte des vivres dont ils manquoient; étoit ruiné pays le long féjour des armées. Le fecond jour de la prife d'Antioche, on commença à voir paroître les troupes de Kerboga. Trois cens cavaliers bien armés s'avancerent jufqu'aux portes de la ville, & le lendemain toute l'armée parut & inveftit la place. Les Princes Croisés partagerent entre eux les différentes portes; mais ils ne purent empêcher que les Turcs ne fiffent entrer des troupes dans la citadelle; on commença les attaques qui ne furent point avantageufes aux Francs. Les Turcs pénétroient par la porte de la citadelle jufques dans la ville, & on fut obligé de tirer un large foffé que l'on fortifia de baftions. Les efforts des Turcs pour empêcher ces travaux, firent répandre beaucoup de fang de part & d'autre; quelques Chefs des Croifés abandonnerent la ville, & on fut contraint de leur faire prêter ferment à tous, qu'ils refteroient jufqu'à la fin de la guerre. Les Francs enfermés de toutes parts, étoient réduits à manger ce qu'il y a de plus vil, les plus robuftes n'étoient point en état de fupporter la fatigue & la faim. La garde des murailles étoit tellement négligée, que peu s'en fallut que les Turcs ne furprirent une des tours. La famine augmentoit de plus en plus, & obligeoit la plupart des foldats à déferter ou à s'expofer au milieu des ennemis pour aller chercher des vivres au bord de la mer, où il où il y avoit quelques vaiffeaux Grecs & Latins. Mais les Turcs s'en étant apperçus, en arrêterent un grand nombre dans le paffage, & envoyerent vers la mer deux mille cavaliers qui tuerent les matelots, & mirent le feu à la plupart des vaiffeaux. Ceux qui purent échapper prirent le large, publierent les malheurs des Francs, & porterent la défolation fur toutes les côtes. Aucun vaiffeau n'ofa apporter du fecours dans

Antioche.

Cette ville fouffroit une famine horrible lorsque l'on apprit que l'Empereur de Conftantinople s'avançoit à fon fecours

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avec une armée confidérable. Il étoit campé à Finiminis, où on le preffoit de hâter fa marche, en lui repréfentant l'état Apr. J. C. malheureux d'Antioche; mais ce Prince qui haïffoit intérieu- Redouan. rement les Francs, qui craignoit d'attirer fur lui toutes les Dekak. forces des Turcs, & de perdre les conquêtes qu'il venoit de faire dans l'Afie mineure, reprit le chemin de Nicée, ravageant tout ce qui étoit fur fon paffage, afin que les Turcs qui voudroient le poursuivre, ne trouvaffent point de quoi fubfifter. Cette retraite mit les Princes Croifés au défespoir. Kerboga avoit été inquiet de la marche de l'Empereur. Après que les foldats Chrétiens eurent, perdu cette efpérance, ils ne voulurent plus obéir à leurs Chefs, ni marcher à leur pofte. Boëmond, pour les faire fortir des maifons où ils s'étoient retirés, fut obligé de mettre le feu en quelques endroits de la ville. Dans cet abbattement univerfel, un Prêtre dit au AboulmaComte de S. Giles que Jefus-Chrift lui avoit apparu en halen. fonge, & lui avoit appris qu'il étoit refté en terre dans une Aboulfaéglife, le fer de la lance qui avoit fervi à lui percer le côté; Guillaume que fi les Chrétiens le trouvoient, ils devoient être affurés de Tyr. de la victoire; mais qu'il falloit auparavant paffer trois jours en prieres & en jeûnes; tel eft le récit d'Aboulmahafen & de plufieurs autres Hiftoriens Orientaux, conformes en cela à la plûpart de ceux qui ont écrit parmi nous l'Hiftoire des Croisades; Aboulfaradge dit au contraire que c'étoit le fer d'une lance que portoit Saint Pierre ; quoi qu'il en foit, après l'on eût obfervé le jeûne on fe rendit le quatrieme jour que dans l'Eglife, & on trouva dans la terre cette lance. Toutes les troupes perfuadées de la vérité de ce miracle, reprirent courage, & demanderent à marcher au combat.

on

Les Chefs des Croifés s'affemblerent & réfolurent d'envoyer Pierre l'Hermite au Général ennemi pour lui proposer de lever le fiége, & de laiffer les Francs maîtres de la ville, ou d'accepter le combat feul à feul avec un des Princes Chrétiens, ou avec un petit nombre de foldats choifis. Pierre l'Hermite partit. Kerboga rejetta fes propofitions, & le renvoya avec hauteur. Alors les Croifés fe déterminerent à livrer un combat le lendemain. A la pointe du jour, après que les Prêtres eurent célébré la Meffe, & que les Chrétiens eurent fait

radge.

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Dekak.

leurs dévotions, toute l'armée fe mit fous les armes. Les Apr. J. C. Prêtres revêtus de leurs ornemens, parcouroient les rangs le Redouan. crucifix à la main, & animoient les foldats. Les troupes Françoifes commencerent à fortir de la ville, & à fe ranger en bataille au pied des murs. Les ennemis envoyerent d'abord deux mille hommes pour empêcher que les Francs ne paffaffent le pont: Hugues le Grand les chargea vivement, les obligea de reculer, & les poursuivit jufqu'à leur camp. Cette petite action laiffa le tems à toute l'armée Chrétienne de paffer le pont & de s'avancer dans la plaine. Elle marcha en bon ordre, & à pas lent, vers des hauteurs dont il étoit important de fe rendre maître, pour avoir toujours communication avec la ville, dans laquelle on avoit laiffé quelques troupes. Le Sulthan d'Iconium (a) qui étoit venu au fecours de Kerboga, avoit déja traversé la plaine avant les que Francs fiffent ce mouvement, & étoit allé fe pofter du côté de la mer, afin d'arrêter ceux qui voudroient fe fauver par cet endroit. Les trois premiers bataillons Francs s'avancerent à l'ennemi avec la lance & l'épée; toutes les troupes les fuivirent, & le combat devint général. Les Ennemis plioient déja.. Le Sulthan d'Iconium vint fondre par derriere, après avoir fait une décharge épouvantable de fleches, avec la maffe & le fabre, fur Boëmond qui n'avoit pas encore donné. Boëmond alloit fuir; le Duc & Tancrede accoururent à fon secours , & rétablirent fa troupe., Les Turcs prêts à être mis en déroute, jetterent des feux dans du foin & des étoupes qu'ils avoient préparés dans la campagne; auffi-tôt l'air fut rempli de fumée, ils firent un grand carnage de l'infanterie; mais la cavalerie s'étant dégagée de ce nuage épais, elle revint à la charge, & repouffa les Turcs. Toute l'armée ennemie s'étoit retirée au-delà d'un torrent, les Francs marcherent à elle, & l'obligerent une feconde fois à prendre la fuite. Kerboga voyant que la bataille (b) étoit perdue fe fauva avec une diligence extrême jufqu'au-delà de l'Euphrate; toute son armée fut diffipée, fon camp pillé par les Francs

(a) Guillaume de Tyr le nomme Soliman; mais il fe trompe; c'eft Kilidge arflar.

(b) Ce combat fut donné le 18 de Juin 1098,

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