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diň,

odieux à fes amis même, & il fut abandonné de tous fes Apr. J. C. L'an 1229. voifins. Il fe comportoit alors d'une maniere à mécontenter Dgelaled- toutes les troupes. Il venoit de perdre un de fes favoris qu'il aimoit ; il en eut un chagrin inexprimable, & poussa la folie jufqu'à ordonner à tous les habitans de Tauris de prendre le deuil. Il ne voulut pas qu'on l'enterrât, & reftà pendant plufieurs jours auprès de ce corps mort à fe lamenter & à se donner des coups. Lorfqu'on lui portoit à manger, il en faifoit préfenter à cet efclave, & perfonne n'ofoit lui faire des remontrances. Plufieurs de fes Officiers quitterent son service, & le nombre de fes troupes diminua confidérablement. Dgiourmagoun novian, à la tête d'une armée de Mogols, passa alors le Gihon, & entra dans les pays du Sulthan de Kharizme. Ce Prince orgueilleux fe trouva dans la nécessité d'implorer le fecours de ceux qu'il venoit de maltraiter. If Aboulfaenvoya des Ambaffadeurs au Khalif, à Aschraf, & à Alaedradge. din, Roi d'Iconium; il leur marquoit à tous que les TarAboulfedha tares, dont on connoiffoit la férocité, s'avançoient avec une puiffante armée, qu'il avoit besoin de fecours; autrement qu'il feroit accablé; qu'alors ils auroient eux-mêmes à combattre ces ennemis formidables, & qu'ils fuccomberoient à leur tour. On n'écouta point fes demandes, & on eut lieu de s'en repentir. Telles font les fuites d'une jalousie, dont l'ennemi fçut profiter au défavantage de tous ces Princes. Dgelaleddin ne fut pas plus prudent; malgré le danger qui le menaçoit, il s'arrêta dans le Diarbekr, où il ne fongea quà fe réjouir, comme s'il eût été dans une paix profonde. Pendant que les plaisirs régnoient autour de lui, Baimas novian le vint attaquer tout-à-coup. La préfence des Mogols ne put le retirer de fon affoupiffement. Il fe contenta d'ordonner à l'Emir Orkhan de raffembler fes troupes, d'amufer les Mogols jufqu'au matin, & de prendre une autre route que lui. Orkhan, fuivi de quatre mille hommes, fe retira heureusement à Ispahan, dont il s'empara. Dgelaleddin, accompagné de trois esclaves, fe fauva vers Emed, où il ne put entrer; il alla enfuite dans un village proche Miafarekin ; mais ayant été joint par les Tartares, il gagna les montagnes du Diabrekr habitées par des Kurdes, dont le mé

tier étoit de voler ceux qui avoient le malheur de les rencontrer. Telle fut la conduite de ce Prince, qui fur le bord de l'Indus avoit montré tant de bravoure.

Apr. J. C.
L'an 1229.
Dgelaled

din.

Les Kurdes voulurent tuer Dgelaleddin, il fe fit connoître à l'un d'eux, & lui promit de le faire Roi. Le Kurde le conduifit chez lui, où il le laiffa auprès de fa femme, & s'en retourna roder dans la montagne. Un fecond Kurde qui tenoit une lance à la main vint alors, & demanda à la femme pourquoi l'on n'avoit pas tué ce Kharizmien; la femme répondit que fon mari l'avoit pris fous fa protection. C'eft le Sulthan, dit alors le Kurde, qui a fait périr à Khelat mon frere qui valoit mieux que lui; il le perça en même-tems de fa lance & le tua (a). La mort de ce Prince L'an 1230. a été racontée de plufieurs manieres différentes, & avec quelques circonftances particulieres, j'ai fuivi ici ce qu'en rapporte Nifawi, Auteur contemporain qui étoit attaché à fon fervice, & qui a compofé une ample Hiftoire de fa vie. Ce Prince prenoit le titre de Schah-gehan, ou Roi du monde. Quand il écrivoit aux Rois de la Syrie, il fe contentoit de mettre fon sceau fur lequel étoit gravé, la victoire vient de Dieu feul. Il ne mettoit le titre de ferviteur qu'au Khalif; on lui attribue la correction du Calendrier Árabe & Perfan appellé Tarikh el Neiran, c'est-à-dire, le calcul du cours du Soleil & de la Lune.

de

Après la défaite du Sulthan Dgelaleddin qui fut le der- Aboulfedha nier Roi de fa famille, on ne fut pas délivré des armées Kharizmiennes, la Syrie s'en trouva inondée, & eut beaucoup à fouffrir de leurs défordres. Le refte des troupes ce Sulthan s'étoit retiré auprès de Kaikobad Roi de l'Asie mineure. Leurs Chefs étoient Barkabkhan (6), Kefchloukhan, Saroukhan, Pharkhan & Bourikhan, ils s'attacherent au fervice de ce Prince; mais après la mort de Kaikobad, fon fils Kaikhofrou ne fçut pas les ménager, il fe faifit d'un de ces Chefs. Cette action révolta les Kharizmiens qui s'en allerent chercher fortune ailleurs. En fe retirant ils pafferent Aboulfo par Malathie, Kaktin, Khortobret, Samofath, Souaida qu'ils

(a) L'an 628 de l'Hegire.

(b) On le nomme encore Berkeh

khan. Joinville le nomme Barbacan,

radge,

L'an 1237.

Haiton.

pillerent. Malek effaleh Nodgemeddin Ayoub Roi d'Egypte Apr. J. C. les attira à fon fervice. Mais bientôt (a) ils quitterent ce Aboulfedha Prince, & fe. retirerent en commettant les mêmes défordres qu'ils avoient faits en quittant Kaikhofrou. Ils ravageL'an 1240. rent enfuite toute la Syrie (6), & vinrent pour s'emparer d'Alep. Ils croyoient l'emporter d'emblée à cause qu'elAboulfedha le n'étoit gouvernée que par une femme. Aziz qui en étoit le Roi étoit mort quelque tems auparavant (c), & avoit laiffé un fils âgé d'environ fept ans. Diphat khatoun, mere du feu Roi, avoit pris le gouvernement pendant la minorité de fon petit-fils. Mais les Princes de fa famille qui étoient en grand nombre, & qui sous le nom d'Ayoubites ou defcendans de Saladin, poffédoient l'Egypte & une grande partie de la Syrie, prirent sa défense. Malek el Moadham Touran fchah alla à leur rencontre, mais il fut défait avec une perte confidérable. Les Kharizmiens s'emparerent du bagage & firent un grand nombre de prifonniers, ils pillerent tous les environs d'Alep; les habitans de la campagne & des villages voifins, fe retirerent en foule dans cette ville, où on fe difpofoit à foutenir un fiége. Les Kharizmiens après avoir violé, pillé & tué tout ce qui tomba entre leurs mains, allerent à Manbedge qu'ils prirent d'affaut, & enfuite s'en retournerent dans le pays de Harran. Peu de tems après ils repafferent l'Euphrate à Racca, & vinrent piller Tellazaz, Sarmin & Mara, & s'avancerent vers Alep. Malek el Manfour Ibrahim Roi d'Hemeffe, vint avec une partie de l'armée de Malek effaleh Ifmail au fecours de cette ville. Ce Prince & les habitans marcherent contre les Kharizmiens, & fe pofterent à Tell foulthan; les Kharizmiens qui étoient alors campés à Schizour, ne jugeant pas à propos d'attendre leurs ennemis, s'en allerent du côté d'Ha

enfuite à Salamia, & de-là à Roufafat, prenant la route de Racca. Ils laifferent en chemin tout leur butin, parce que l'armée d'Alep les pourfuivoit de trop près. Elle les joignit comme ils étoient fur le bord de l'Euphrate, il fe donna un combat qui dura jusqu'à la nuit, mais fans grand avantage

(a) L'an 635 de l'Hegire. (b) L'an 638 de l'Hegire.

(c) L'an 634 de l'Hegire, de J. C. 82369

de

de

Apr. J. C.

part & d'autre. La perte cependant tomba du côté des Kharizmiens, qui repafferent l'Euphrate pour s'en aller à L'an 1240. Harran. L'armée d'Alep le paffa à Bira, & les rencontra de nouveau proche Roha où ils furent mis en déroute. Le Roi d'Hemeffe & les Alepins les poursuivirent, & ne cefferent de les prendre ou de les tuer jufqu'à la nuit. L'armée d'Alep alla fur le champ s'emparer de Harran, & les Kharizmiens fe fauverent à Ana. Bedreddin Loulou Roi de Mouffoul, marcha auffi contre eux, leur enleva quelques places, & délivra par ce moyen un grand nombre de prifonniers.

Enfuite (a) les Kharizmiens firent alliance avec Mo- L'an 1242 dhaffer ghazi Roi de Miafarekin, & marcherent ensemble contre l'armée d'Alep, dans laquelle étoit Manfour Ibrahim Roi d'Hemeffe. Modhaffer ghazi & les Kharizmiens furent battus, & prirent la fuite, leur camp fut pillé, la plûpart de leurs femmes furent faites prifonnieres, & ils perdirent un butin confidérable.

la

hafen.

Il y avoit eu alors quelques divifions entre Saleh ayoub, Aboulma Roi d'Egypte, & Saleh ismail, Roi de Damas. Ce dernier attira dans fon parti les Francs, & leur remit Jérufalem Tibériade & Afcalón. Alors le Roi d'Egypte, réfolu de faire guerre au Roi de Damas & aux Francs, fe raccommoda avec les Kharizmiens (b), les fit joindre par un grand nombre de fes troupes qui étoient commandées par Rokneddin bibars, un de fes principaux Mameluks, & les envoya contre fes ennemis communs. Ifmail s'étoit engagé de livrer l'Egypte aux Francs, après qu'on en auroit fait la conquê- Paris.· te (c). Les Kharizmiens allerent auffi-tôt piller Jérufalem où ils maffacrerent tout, fans diftinction ni d'âge ni de fexe, & ne refpecterent pas même le S. Sépulchre, que les Mufulmans eux-mêmes avoient en vénération. Les Francs furent Joinville. effrayés de tous les ravages que ces Barbares faifoient; les Aboulfedha Kharizmiens leur avoient déja enlevé Tibériade, qui appar

(a) L'an 640 de l'Hegire.

(b) Nos Hiftoriens les nomment Chorafiniens, Groffoniens ou Choermins. (c) On voit par là que les Francs n'aTom, 11. Part. II.

voient pas fait de traité avec le Sulthan
d'Egypte, mais avec celui de Damas;
ainfi c'eft à tort qu'on les accufe de l'a-
voir rompu avec le premier.
Oo

Matthieu

Sanut.

Apr. J. C.

L'an 1244.

tenoit à Eudes de Montbelliard, & ils maffacroient tous les L'an 1242. Occidentaux qu'ils rencontroient dans les environs d'Akka & de Japha. Saleh ismail, Roi de Damas, & Manfour ibrahim, Roi d'Hemeffe (a), également expofés aux ravages des Kharizmiens, réunirent leurs forces à celles des Francs. le Sulthan d'Hemeffe (b) fe rendit à Akka, d'où il alla avec Joinville. les principaux Seigneurs Francs à Japha. Là, les Francs prierent Gautier de Brienne Comte de Japha, de marcher avec eux contre les Kharizmiens. Ce Comte étoit alors en difpute avec le Patriarche d'Akka, au fujet d'une tour qui étoit dans le château de Japha. Le Patriarche la reclamoit, & avoit excommunié le Comte qui avoit refusé de la lui céder. Gautier de Brienne voulut avant que de partir pour cette' expédition, être relevé de fon excommunication, le Patriarche fut inexorable, quoique l'intérêt général des Chrétiens demandât, dans un danger fi preffant, que tous les Chefs fuffent unis entre eux. Gautier partit, & marcha vers Gaza à la tête du premier corps, le Sulthan d'Hemeffe commanda le fecond, le Patriarche & les Barons étoient à la tête du troisieme & les Chevaliers de l'Hôpital fuivoient le corps du Comte de Japha. On ne tarda pas de rencontrer les ennemis qui fe rangerent auffi-tôt en bataille. Le Comte de Brienne vouloit qu'on ne leur en laiffât pas le tems; mais fon avis ne fut point fuivi. Avant que de marcher au combat, il demanda une feconde fois au Patriarche la levée de fon excommunication, le Patriarche infléxible perfifta à la lui refufer. L'Evêque de Ramla, irrité de ce qu'on laiffoit ainfi gagner du tems à l'ennemi, lui donna l'abfolution. Sur le champ le Comte alla fondre fur le corps qui étoit commandé par Barkabkhan, le combat fut opiniâtre, il y eut un grand nombre de morts & de bleffés. A la fin le Comte fut fait prifonnier, & abandonné lâchement par tous les fiens. Ce défordre avoit été caufé par un corps de troupes de Barkabkhan, qui avoit attaqué le Sulthan d'Hemeffe. Celui-ci se défendit avec tant de courage, que

(a) Nos Hiftoriens appellent cette ville Chamelle.

(b) C'étoit, dit Joinville, un des meil

leurs Chevaliers & des plus loyaux de ce pays.

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