Imágenes de páginas
PDF
EPUB

College roy.

puis enseigné l'Hébreu à Rome. Il y étoit encore vers le temps du sac de cette ville. Il raconte lui- Gonjet, même dans la préface de sa seconde grammaire hé- Mém. sur le braïque, comment à travers 'mille douleurs et mille périls il aborda en France et se fixa quelque temps dans Avignon, où il trouva un protecteur utile dans le vice-légat Jean Nicolaï, nommé depuis peu à l'évêché d'Apt, prélat ami des lettres, et qui a mérité les éloges du vertueux Sadolet. On croit que ce fut l'évêque d'Apt qui mena Guidacerio à Paris, « seconde Rome, « dit Guidacerio lui-même, où François I me fit un << destin plus tranquille et plus heureux que les Mé<<< dicis et tous les papes n'avoient pu m'en faire à

«<< Rome ».

Guidacerio est auteur d'une grammaire hébraïque, qu'il avoit d'abord dédiée à Léon X, et dont il changea beaucoup la forme dans la suite. Il fit aussi des Commentaires sur quelques psaumes et sur d'autres livres de la Bible, qu'il dédia, soit à François I, soit aux papes Clément VII et Paul III. Les Commentaires sur la Bible étoient une espèce d'ouvrages fort à la mode alors; Erasme lui-même en a fait, et de très-estimés.

Comme ces deux premiers professeurs sont aujourd'hui peu connus, on ne sait pas certainement l'année de leur naissance ni celle de leur mort.

Ils sont bien effacés par François Vatable, Ouatblé, VATABLE. ou Watblé, ou Gâte-Bled, dont nous avons parlé dans le chapitre du Luthéranisme en France. Né à Gamaches, bourg du diocèse d'Amiens, d'une famille obscure qu'il illustra, il étoit prêtre, et fut curé de Bramet ou Brumetz dans le Valois; mais il avoit besoin de Paris, et Paris avoit besoin de lui. Dès le

règne de Louis XII, on l'y voit se perfectionner dans l'étude de l'Hébreu et du Grec, sous ces maîtres qui de la Grèce et de l'Italie refluoient dès-lors en France; on le voit partager leurs travaux et surpasser leur gloire. Le grand nom qu'il a conservé jusqu'à nos jours, est presque uniquement fondé sur le talent qu'il eut pour enseigner, sur l'érudition immense, bien digérée, et d'une communication facile qu'il fit paroître dans ses leçons, et que les Juifs même, devenus ses disciples, ont admirée; car d'ailleurs il n'a guère écrit.

Nous avons déjà dit qu'il eut peu de part à la fameuse Bible imprimée sous son nom et qui excita des orages, dont une partie appartient au règne de François I, et une partie à celui de Henri II. François I, outre une chaire d'Hébreu, lui donna l'abbaye de Bellozane. Vatable mourut quinze jours avant son bienfaiteur, le 16 mars 1547. Toutes les muses pleurèrent la mort de ce savant; Léger du Chesne, qui avoit été son disciple et qui aimoit à célébrer les talens, fit ces vers sur la mort de Vatable :

Dum flerem Proceres linguæ, modò mote peremptos,
Flevissem Vatablum, si modò flere satis.
Nam jactura fuit gravior caruisse Vatablo,
Quam doctis quos me flere dolenter ais.
Sed quoties volui flendo describere luctum,
Tùm Vatabli nimius me dolor impediit.
Sic etenim volui, sic fletibus ora rigavi

Ut minimum obfuerit quin fiorem Niobe.
Quapropter feci quod nobilis ille Thimantes,
Velavi luctum pingere quem nequii (1).

Voilà bien de l'esprit pour tant de douleur. Un

(1) Sens général : « J'ai tant pleuré Vatable, que j'ai pensé être

homme qui, sur la perte d'un ami qu'il prétend regretter, va songer à la pétrification de Niobé et au tableau du sacrifice d'Iphigénie, auroit bien l'air de n'avoir qu'une douleur poétique, si l'on ne savoit pas que le mauvais goût de certains siècles est capable d'exprimer faussement des sentimens très-vrais, et de rejeter par choix les expressions simples que le cœur suggère.

L'éloge de François I venoit naturellement se joindre à celui de tous ces savans. Voulté, poète latin de Reims, leur ami, leur panégyriste, et qui ne pouvoit manquer de se nommer Vulteïus, puisque ce nom est dans Horace; Voulté, en célébrant Vatable et François I, s'exprime dans des termes qui pourroient faire croire que le grand projet de ce prince, pour le bâtiment de l'hôtel de Nesle, auroit

été exécuté.

Nobile Gymnasium extruxit Franciscus, Athenis

Majus.....

Stant vivi lapides operis, structæque Columnæ;

Regis Francisci munere crescit opus (1).

Mais tous ces termes sont métaphoriques, et n'expriment que la nomination des professeurs.

Ce n'est pas non plus du mot propre que Voulté se sert, lorsqu'il dit de François I.

Quo nil mitius orbis habet.

L'univers n'a rien de plus doux.

On reconnoît moins à ce petit éloge un roi tel

que

«< changé en rocher comme Niobé. J'imite ce peintre illustre, Ti<«< manthe; je cache sous un voile une douleur que je n'ai pu peindre >>. (1) Ces vers parlent de collége bâti, de pierres posées, de colonnes élevées.

François I, qu'un enfant tel que Charles VIII, dont Philippe de Comines a dit : Il ne fut jamais que petit homme de corps et peu entendu; mais il étoit si bon, qu'il n'est point possible de voir meilleure créature. Mais c'étoit du cœur du poète que partoit ce cri naturel :

O nos felices tali sub rege coortos!

Quàm benè consultum est, docta Minerva, tibi (1)!

Vatable vécut et mourut bon catholique, quoique les Catholiques aient voulu le persécuter, et que les Protestans aient voulu l'attirer à eux.

Mém. Hist. Robert Etienne attribue à Vatable d'assez grandes et Littér. sur connoissances en architecture.

le Coll. roy.

1.re part. p.

26.

P. 86.

[ocr errors]

M. l'abbé Goujet n'est point d'accord avec luimême, lorsqu'il dit que Vatable succéda ou à Paul Paradis ou à Guidacerio; il ne succéda point au premier, car les lettres de 1545, nomment Paradis et Vatable comme exerçant tous deux en même temps; il ne succéda point à Guidacerio, car M. l'abbé Ibid. 2. part. Goujet prouve que Guidacerio exerçoit encore le 13 septembre 1539, et que Vatable fut nommé de 1530 Ibid. p. 88. à 1534. Il paroît que François I, quoiqu'il n'eût créé d'abord que deux professeurs pour l'Hébreu, reconnut bientôt après que les besoins du public ou le mérite éminent de Vatable, ou ces deux considérations à la fois, exigeoient qu'il nommât ce troisième professeur. Le même M. Goujet prouve que Toussain fut nommé Įbil. p. 143. en 1532, parce qu'il le fut le même jour que Vatable.

(1) « Quel bonheur d'être né sous un tel roi! Docte Minerve! à « qui vos intérêts pourroient-ils être mieux confiés » ?

Les lettres de 1545 nomment, parmi les professeurs CALIGNY. d'Hébreu, à la place de Guidacerio, Alain Restaut, dit de Caligny, dont on ne sait rien, sinon qu'il étoit Lorrain, et qu'il a fait une grammaire hébraïque, dédiée à du Châtel.

BERTIN LE

COMTE.

On ne sait rien non plus de Bertin le Comte, successeur immédiat de Vatable. Caligny paroît avoir eu pour successeur Jean Mer- MERCIER. cier, le plus célèbre des disciples de Vatable; né à Uzès, en Languedoc, de parens nobles, il fut d'abord destiné à la magistrature; il traduisit le Manuel ou abrégé des lois de Constantin Harménopule. Un attrait invincible l'entraînoit vers l'étude des langues. Dès sa tendre jeunesse il traduisit les Hiéroglyphes d'Horus Apollo, et fit sur cet ouvrage des observations estimées dans le temps, mais dont le P. Caussin a dit beaucoup de mal, soit parce qu'il travailloit sur le même sujet, soit parce que Mercier fut pour le moins très-favorable aux Calvinistes. Bientôt Mercier quitta la jurisprudence et même le Grec pour les langues hébraïque et chaldaïque; c'est dans ces langues qu'il a fait quantité d'ouvrages sur l'Ecriture sainte; il en a fait aussi quelques-uns en Latin. Chassé de Paris et de la France par les guerres civiles qui s'élevèrent sous Charles IX, il vint à Venise, où il logea chez l'ambassadeur de France Arnoul du Ferrier, qui ayant commencé comme lui par l'étude du droit, finissoit comme lui par celle de l'Ecriture sainte. Ils goûtèrent ensemble les douceurs de la littérature et celles de l'amitié. Mercier voulut revenir à Paris pour faire imprimer quelques ouvrages. En passant

« AnteriorContinuar »