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des Ursins; Jean Juvénal est auteur d'une Histoire de Charles VI; Jean de Rely, évêque d'Angers, confesseur de Charles VIII; Octavien de Saint-Gelais, de la maison de Lusignan, évêque d'Angoulême, qui commença, dit Mézerai, de décrasser un peu la poésie françoise; il traduisit l'Odissée, l'Enéide et les Epîtres d'Ovide. Ce siècle est celui des grandes représentations des Mystères, pour lesquelles on avoit dressé un théâtre à Paris, à l'hôtel de la Trinité, dès l'an 1398. Les poètes les plus savans de ce temps ne connoissoient guère que l'histoire de leur religion: il falloit qu'elle leur fournît des sujets qu'ils n'étoient pas en état d'aller chercher dans l'histoire profane. On ne peut oublier Villon (1) parmi les poètes de ce siècle, ni la fameuse farce de Pathelin parmi les œuvres dramatiques qui honorent le théâtre naissant. On en ignore l'auteur, tout supérieur qu'il est aux auteurs connus de ce temps. N'oublions pas non plus les poésies de Charles, duc d'Orléans, père de Louis XII, que des gens de goût préfèrent à celles de Villon, ni les Vigiles de Charles VII, c'est-à-dire les Chroniques de ce temps

(1) François Corbueil dit Villon. On sait par lui-même qu'il fut peut-être pendu :

Je suis François dont ce me poise,
Nommé Corbueil en mon surnom.
Natif d'Auvers, emprès Pontoise,
Et du commun nommé Villon,
Or d'une corde d'une toise

Sauroit mon col que mon cul poise,
Si ne fût un joli appel :

Ce jeu ne me sembloit point bel.

On ignore quel fut le succès de l'appel. Les uns disent que Louis XI lui donna sa grâce; les autres que la sentence qui le condamnoit à être pendu fut cassée, et que le Parlement ne fit que le bannir.

mises en vers et burlesquement divisées en psaumes, en versets, en leçons, en antiennes par Martial d'Auvergne, auteur des Arrêts d'Amour, ni les poésies pastorales que le goût de la bergerie inspira au bon René, roi de Sicile, lorsque, désabusé des conquêtes et las des grandeurs, il gardoit ses troupeaux dans les champs de Provence avec la reine Jeanne de Laval, son épouse. Le roi René étoit peintre aussi bien que poète et berger; Aix, Avignon, Marseille, Lyon conservent quelques-uns de ses tableaux.

Trithême parle d'une espèce de phénomène qu'on vit paroître dans l'Université de Paris, en 1456. C'étoit un jeune Espagnol, docteur en théologie, nommé Ferrand le Cordule. Sa doctrine, dit-on, (disons sa mémoire) étonna les savans françois. Il savoit par cœur tout Aristote et ses principaux commentateurs. Ce n'est pas tout, il savoit encore tous les livres de droit, beaucoup de livres de médecine, Hippocrate, Galien, et leurs commentateurs encore, et il entendoit cinq langues savantes : le Latin, le Grec, l'Hébreu, l'Arabe, le Chaldéen.

Mézerai parle d'un autre phénomène, Charles Fernand, aveugle de naissance, qui ne s'en distingua pas moins dans les lettres, dans la philosophie, dans la théologie. Mais qu'importent ces phénomènes dont il ne reste rien? Jean Bouteiller, avocat, auteur de la Somme Rurale; Robert Gaguin, général des Mathurins, bibliothécaire de Charles VIII et de Louis XII, employé en diverses ambassades, connu par plusieurs ouvrages, surtout par son Histoire, ainsi que Monstrelet, Paul Emile, Jean d'Auton, Nicole Gille, Jean le Maire, Olivier de la Marche, Claude de Seyssel,

archevêque de Turin, tous ces auteurs, sans avoir rien qui étonne, sont beaucoup plus utiles.

L'Université réclame comme ses disciples l'Allemand Reuchlin (1), qu'elle condamna pourtant autrefois, et l'Italien Pic de la Mirandole, ce phénix d'érudition précoce, que Scaliger appelle Monstrum sine vitio, et auquel on applique ce mot de Claudien :

Primordia tanta

Vix pauci meruere senes.

On connoît sa fameuse thèse De omni Scibili. Malheureusement la magie et la cabale faisoient partie de cet Omne Scibile. Cette grande science en magie et en cabale est au-dessous de l'ignorance de ce docteur, qui, en déclamant contre la thèse de Pic de la Mirandole, disoit que Cabale étoit un vilain Hérétique, qui avoit médit de Jésus-Christ.

Des sciences plus réelles et vraiment utiles faisoient quelques progrès. Ce siècle vit la première expérience de l'opération de la pierre; elle fut faite sur un archer de Bagnolet, condamné à mort pour ses crimes: elle réussit, et l'archer vécut long-temps en pleine santé. «La vie des criminels seroit fort utilement employée « à de semblables essais ». C'est la réflexion de Mézerai.

Nous ne compterons ni parmi les amis des hommes, ni parmi les amis des lettres, le cardinal Joffredy, ni le cardinal Baluë, quels qu'aient pu être leur esprit et leurs lumières, l'intrigue et l'ambition les réclament tout entiers.

(1) Il enseigna quelque temps la langue Grecque et le droit à Orléans et à Poitiers.

Charles VI et Charles VII protégèrent les lettres, autant que les malheurs de leurs règnes le permirent; Louis XI, autant que le permirent ses passions et ses caprices. Nous parlerons bientôt de son édit contre les Nominaux, et que le ciel préserve à jamais les lettres d'une protection si partiale et si aveugle! Il haïssoit l'évêque de Paris, Guillaume Chartier, parce que dans la guerre du Bien public, ce prélat avoit paru plus porté pour la paix que pour les intérêts particuliers du monarque. Chartier mourut: on grava sur sa tombe une épitaphe honorable; Louis XI la fit effacer, et y substitua une inscription injurieuse à la mémoire du prélat, monument de basse vengeance qu'on a fait disparoître depuis pour l'honneur du Roi plus que pour celui de l'évêque. Dans la même guerre du bien public, Louis XI envoya un ordre d'armer les écoliers pour la défense de la ville; le recteur Guillaume Fichet, homme d'un mérite reconnu, restaurateur de l'éloquence et de la bonne latinité dans les écoles, réclama les priviléges de l'Université: Louis céda, mais il se vengea dans la suite, et obligea Fichet de sortir du royaume; il insulta durement le cardinal Bessarion, savant Grec, que le pape Sixte IV lui avoit envoyé pour l'engager à la paix. Il croyoit être protecteur des lettres, parce qu'à l'exemple de ses prédécesseurs il entretenoit beaucoup d'astrologues, comme il croyoit être pieux, parce qu'il couvroit les autels de dons, et qu'il demandoit à sa Vierge de plomb la permission d'égorger ou d'empoisonner ses ennemis. Ces astrologues étoient mathématiciens, mais ils prédisoient l'avenir, et voyoient le présent à une grande distance. Louis XI en avoit sept, Arnoul,

que la Chronique de Jean de Troyes appelle Astrologien du Roi, homme de bien, sage et plaisant, Manassés, Pierre de Saint-Valérien, Pierre de Graville, Conrad Herman, Asmer, Angelo Cattho. Louis XI, mécontent d'un de ces astrologues, lui dit un jour avec une froide colère : Me diriez-vous bien quand vous mourrez? Trois jours avant Votre Majesté, répondit l'astrologue avec une présence d'esprit supérieure à toute astrologie.

:

Le plus célèbre de ces astrologues étoit Angelo Cattho, homme de beaucoup d'esprit, et qui avoit pour devise Ingenium superat vires; il fut archevêque de Vienne et grand aumônier. Pardonnons-lui d'avoir annoncé prophétiquement à Louis XI que son ennemi le duc de Bourgogne venoit d'être tué devant Nancy; pardonnons à son siècle d'avoir vérifié que le duc de Bourgogne expiroit au moment même où avoit parlé Angelo Cattho, puisque ce siecle a produit les Mémoires de Comines dédiés à cet Angelo Cattho, qui engagea Comines à les écrire, et dont Comines ne rapporte point la prédiction: n'en estimons pourtant pas plus la philosophie de Philippe de Comines, car il attribue d'autres prédictions à Angelo Cattho (1). Philippe de Comines dit que Louis XI étoit assez lettré, qu'il avoit eu une autre nourriture que Seigneurs de ce royaume; Gaguin dit qu'il savoit les

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(1) Ce fut pour remercier Dieu de la mort du duc de Bourgogne prédite ou non, que Louis XI fit faire à Saint-Martin ce treillis d'argent qui ne fut point brisé par les Huguenots, comme le prétend Mézerai, mais enlevé par François I comme nous l'avons rapporté *.

* L, VII, c. 4. du Luthéranisme en France.

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