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1657. mée Portugaife, ils s'imaginerent que les Caftillans brûloient eux-mêmes leur camp pour fe retirer. Ils coururent pour en avertir le Comte de Saint Laurent. Cette nouvelle répandit une joye univerfelle dans l'armée Portugaife,& le Comte chargea Tamaricut, Lieutenant General de la Cavalerie, d'aller avec cinq cens chevaux s'informer fi elle étoit véritable. Tamaricut s'avança jufque fur une éminence, d'où l'on pouvoit découvrir le camp des ennemis. Il le vit tout en feu ? fans apperçevoir les Caftillans, qui étoient rangez en bataille dans un endroit qu'on ne pouvoit voir de celui où Tamaricut étoit. Il douta fi peu de la retraite des Efpagnols, qu'il envoya prier le Comte de S. Laurent de faire avancer quelques efcadrons pour attaquer l'arriere-garde des ennemis, & enlever leur canon. Le Comte auffi-tôt fit partir un courier, pour avertir la Cour de la fuite des ennemis, & il marcha en même-tems vers le camp des Efpagnols. Mais il apprit bien-tôt que ceux-ci bien-loin de s'enfuir, l'attendoient en bon ordre, ayant la tête de leur armée, poftée fur la montagne de Castello-Vel ho, & le refte fur celle de Poceyrao.

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A cette vûë, les Portugais demeu- 1657 rerent remplis d'étonnement. Cependant ils firent bonne contenance. André d'Albuquerque monta fur une éminence pour obferver la campagne, & choisir un endroit commode pour faire camper l'armée. Il découvrit les jardins d'Amoreyra, où l'on pouvoit trouver de l'eau, du bois, & tout ce qui étoit neceffaire pour un campement. On marcha de ce côté-là, & le Comte de Saint Laurent réfolut de s'y loger, quoique les ennemis puffent facilement l'incommoder avec avec leur canon. S'ils avoient même fçu profiter du trouble, que leur ren contre imprévûë avoit caufé parmi les Portugais, ils les euffent battus, s'ils euffent ofé les attaquer. Mais le Duc de Saint Germain n'ofa rifquer la bataille, fi toutefois c'étoit la rifquer, que de charger une armée déconcertée par la fauffe démarche qu'elle venoit de faire fi legerement.

D'abord que les Portugais furent arrivez & logez dans les jardins d'Amoreyra, le Duc de Saint Germain quitta Poceyrao, & rentra dans fon camp, où il fe contenta de doubler fes gardes ordinaires. Les Portugais accablez de fatigues, pafferent toute la

1657. nuit fous les armes; cependant Emmanuel de Saldagne, informé de leur arrivée, fe livroit à la joie la plus vive, dans l'efperance que le Comte de Saint Laurent ne manqueroit point le lendemain de jetter quelque fe cours dans la place. De fon côté il fe préparoit à faire une fortie pour favorifer l'entrée de ce fecours; mais fesefperances furent vaines. Le Comte de Saint Laurent ne fit aucun mouvement, il demeura dans l'inaction, & les Caftillans de leur côté fufpendirent les attaques de la Ville.

Cependant les Portugais ne ceffoient point de tenir des Confeils, pour déliberer fur le parti qu'ils devoient prendre. Les uns vouloient qu'on tentât le fecours de la place; les autres qu'on attaquât les ennemis ⚫ dans leurs retranchemens, les autres qu'on fe retirât, & qu'on abandonnât le pofte où ils étoient, où le canon des ennemis les incommcdoir beaucoup. Quelques-uns étoient d'avis qu'on fe retranchât dans l'endroit où l'on étoit, & qu'on étendît davantage le camp. On embraffa cet avis. Le General de la Cavalerie partic auffi-tôt avec une partie du corps qu'il commandoit, pour faire des fafcines,

dans un endroit peu éloigné de l'un 1637 & l'autre camp. Les Caftillans s'étant apperçus de ce mouvement, firent fortir la meilleure partie de leur cavalerie, avec un détachement de fufiliers pour interrompre le travail de Portugais. Les Chefs qui commandoient ceux-ci, les firent retirer, & tous rentrerent dans le camp, à l'exception de quelques Officiers & de quelques foldats, qui emportez par leur courage, voulurent attendre l'ennemi. Ils l'attendirent en effet, & foutinrent pendant un efpace de tems affez confiderable l'effort des Caftillans. Ce combat fe paffoit à la vûë des deux camps. Les Portugais voyant leurs Compagnons aux mains, étoient tranfportés de fureur. Ils euffent voulu partager le péril ; ils murmuroient de ce que le General les empêchoit de fortir. Le General à fon tour informé de leur murmure fongea à prendre un parti plus honorable, que l'inaction où il reftoit, & qu'on blâmoit hautement. " Car, di» foit-on, que peut-on attendre de "tant de circonfpection, on décou"ragera le foldat,on infpirera du mé" pris pour nous à l'ennemi. On perd le tems en de vaines délibera» tions on devoit fecourir Oliver ça, & on n'en fait rien; on nous

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fait camper dans un endroit, ot » l'on ne peut raisonnablement tenir, » on laiffe échapper toutes les occa"fions de vaincre l'ennemi : on "envoye la Cavalerie à la fafcine; » celle des Caftillans a l'impruden»ce de fortir de fes retranchemens; » au lieu d'embraffer cette occafion » pour la combattre, on fait hon» teusement retirer la nôtre; on laiffe enfin fortifier l'ennemi dans fes » retranchemens, & l'on fe conduit » de maniere,qu'on ne peut plus, fans » s'expofer à être entierement défaits, » leur caufer la moindre perte.

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En effet, il étoit moralement impoffible de forcer les Caftillans dans leur camp. On leur avoit laiffé tout le tems neceffaire, pour reparer le dommage que le feu leur avoit caufé; car fi on les eût attaquez dans cet inftant, il eft certain qu'on les eût battus, ou du moms contraints à lever le fiege. Mais le trouble que caufa la méprife des batteurs d'eftrade, & enfuite celle de Tamaricut fur leur retraite, fut la fource de leur falut. Cependant le Comte de Saint Laurent crut pouvoir tout reparer en fe déterminant d'aller attaquer Badajos. Pour commencer à executer ce deffein, il fir partir le General de l'artillerie avec

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