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railles, qui tout au plus pouvoient 1657* tenir trois ou quatre jours. Enforte que les provifions qu'on y jetta pour quatre mois, étoient auffi inutiles" quela garnifon qu'on y fit entrer fous les ordres de Juan Fereira d'Acugna. Le Comte de Saint Laurent ne l'ignoroit pas. Auffi dans l'efperance de furprendre les affiegeans, il marcha avec l'armée dans le deffein de les attaquer; mais en arrivant fur les bords de la Guadiane, la Cavalerie Espagnole fe prefenta de l'autre côté pour lui en empêcher le paffage. Alors il conçut le deffein d'aller tenter ce paffage vers Porto de Moura, à cinq lieues de l'endroit où il étoit. Le tems preffoit, & il craignoit que lés Caftillans ne fe rendiffent cependant maîtres de Mourao. Trente foldats Portugais s'offrirent de s'y rendre à travers l'armée ennemie. Cette noble réfolution reveilla le courage. du refte de l'armée, plufieurs autres foldats fe joignirent aux trente prëmiers, & fe rendirent en effet pendant la nuit à Mourao. Le Comte de Saint Laurent fit partir en même-tems pour Moura, Emmanuel de Melo afin d'y préparer tout ce qui feroit necellaire au refte de l'armée pour le Tome VIII. C

1657. paffage de la Guadiane.

Les Efpagnols donnerent cependant un affaut au Château de Mourao. Il fut vivement attaqué & courageufement défendu,& les Espagnols furent même contraints de fe retirer avec perte. Ils fe préparerent à livrer. un fecond affaut. Ils fommerent auparavant Emmanuel d'Acugna de fe rendre. Emmanuel rejetta cette propofition avec fierté. Alors fes Officiers & fes foldats lui reprefenterent qu'on ne pouvoit fanstémerité entreprendre de deffendre davantage la place. Son courage ceda à fa prudence. Il battit donc la chamade, il obtint une capitulation honorable, & il fe rendit auprès du Comte de Saint Laurent avec la garnifon & les habitans. Le Comte le mit aux arrêts; mais informé qu'il avoit fait au-delà de ce qu'il devoit, s'il eût agi dans les regles étroites de la prudence, il le remit en liberté, & fit même publiquement fon éloge.

Dès que le Duc de Saint Germain eut reparé les brêches de Mourao, & qu'il eut ajoûté quelques nouvelles fortifications aux anciennes, il prit la route de Juremena avec fon armée. Sa cavalerie alla reconnoître la place.

Sur le rapport qu'elle fit, il jugea 1657. qu'il étoit dangereux d'en former le fiege, fur tout dans la faifon où l'on étoit; où les chaleurs font exceffives dans cette partie de l'Efpagne,& caufent de grandes maladies. Ainfi il s'en retourna à Badajos, & il renvoya l'armée dans fes quartiers. Celle des Portugais partit de Mouçaras pour revenir dans fon camp de Juremena. Là le Comte de Saint Laurent tint un Confeil de guerre pour déliberer fur ce qu'on feroit. Les avis y furent partagez les uns vouloient qu'à l'exemple des Caftillans on fit rentrer l'armée dans fes quartiers, & les autres fouhaitoient qu'on allât recouvrer Mourao, pour réparer en quelque maniere la gloire de la Nation,fletrie par les conquêtes que les Caftillans venoient de faire fous fes yeux. Le Comte de Saint Laurent goûtant l'avis de ces derniers, en informa la Reine, & fans attendre la réponse, il marcha à Mourao.

Comme le courier du Comte de Saint Laurent arrivoit à Lisbonne, Dom Juan Mendés de Vafconcelos, Gouverneur de la Province de Traos-Montes y arrivoit auffi. Sa valeur, fa prudence, & fon experience dans

1657. l'art de la guerre, étoient generalement reconnues.Ses amis avoient inf piré à la Reine de l'appeller à la Cour, comme le feul, qui fut capable de reparer les malheurs qu'on venoit d'esfuyer fur la frontiere de l'Alenteyo. Le peuple perfuadé de la même chofe l'accompagna jufqu'au Palais, avec des acclamations, & en lui donnant le titre flateur de deffenfeur du Royaume. Ainfi Vafconcellos, qui fous le regne du feu Roi, s'étoit vû,pour ainsi dire, comme relegué dans la Province dont il étoit actuellement Gouverneur, revint en triomphe dans la Capitale du Royaume, pour s'y voir combler d'honneur. La Reinele reçut parfaitement bien, & lui donna des marques éclatantes de fon eftime.

Cette Princeffe affembla le Confeil de guerre, auquel elle communiqua la lettre du Comte de Saint Laurent. Il parut à tout le Confeil, que l'entreprife que ce General méditoit fur Mourao, étoit indigne d'une armée telle que celle qu'il commandoit. Le Comte de Prado pouffa plus loin la fincerité : il dit hardiment que la tête avoit tourné au Comte de Saint Laurent, & qu'il falloit dans le même moment faire partir Vafconcellos pour

commander l'armée, & prévenir de 1657. plus grands malheurs: Qu'on pouvoit rappeller le Comte, fous prétexte d'avoir entrepris un fiege contre l'avis de fes autres Officiers, & fans la permiffion de la Reine qu'il falloit enfin fouler aux pieds de frivoles confiderations, lorfqu'il s'agiffoit de la gloire de la Nation, & de la confervation de l'Etat. Vafconcellos, qui affiftoit à ce Confeil, convint que la mes-intelligence qu'il voyoit regner entre le Comte de Saint Laurent & les autres Chefs de l'armée, pouvoit caufer des inconveniens qu'on ne fçauroit trop tôt prévenir. Toutefois, ajoûtat-il, puifque le Comte de Saint Laurent a commencé le fiege de Mourao, on ne pourroit le rappeller actuellement, fans lui faire un affront trop fenfible. Ainfi il faut le lui laiffer terminer. A mon égard, fi on le fouhaite, je partirai dans l'inftant; mais ce fera pour aller fervir volontaire dans l'armée, tant que durera lefiege de Mourao.

Tandis qu'on fe débattoit ainfi dans le Confeil de guerre, la Reine fans attendre ce qui en réfulteroit, fe détermina à rappeller le Comte de Saint Laurent, & Emmanuel

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