étoit dans fon palais avec fes domeftiques, environné d'un grand nombre de Chevaliers & de bourgeois qui, n'eût été la crainte du Prince, auroient chaffé honteufement de la ville le legat & les Prélats du concile. Le legat monta lui-même au palais, & ayant prononcé au patriarche fa fentence de dépofition, il le contraignit par force à rendre l'anneau & la croix : puis il le livra au Prince, qui le fit charger de chaînes, & l'envoya prifonnier au monaftere de I faint Simeon près de la mer fur une haute montagne. Il y fut gardé long-tems: mais en- 1 fin s'en étant fauvé, il alla encore à Rome, &•> s'étant en quelque facón reconcilié avec le faint i Siege, comme il fe preffoit de revenir il fut empoisonné & mourut. Dès qu'il fut chassé le clergé d'Antioche, principalement ceux qui avoient confpiré pour fa depofition, élurent: à fa place le doyen Aimeri, par les artifices & les liberalitez du châtelain fon oncle. Aimerin étoit Limoufin, homme fans lettres & de mœurs b peu édifiantes.

26.18.

קר

2

Après la depofition de Raoul, le legat Alberic n'ayant plus affaire à Antioche revint Jerufalem: où il demeura jufques à Pâques, & le troifiéme jour après la fête, il dédia folemnellement l'Eglife du temple. Il s'y trouva quantité de nobleffe, tant de deçà que de delà la I mér entre autres Joffelin le jeune Comte d'E-b deffe. Enfuite le legatraffembla les Evêques &. les autres Prélats, & tint un concile dans l'E glife de Sion, regardée comme la mere de tous tes les Eglifes. La fe trouva le catholique d'Ar- Sup. liv. menie, c'est-à-dire le premier des Evêques de LXIV.m.47. la nation; avec qui l'on traita, des articles de foi, dans lefquels ils femblent s'éloigner des Car tholiques,& il promit en partie de les corris ger. Ce concile fini le legat retourna à Rome.

Z 6

Peu

Baudouin

Peu de tems après Foulques Roi de Jerufa AN.1142. lem chaffant un liévre près d'Acre, tomba de LXXV. cheval fi rudement qu'il en mourut le treiziéme de Novembre 1142. après avoir regné onze Jerufalem. ans. On raporta fon corps à Jerufalem, où il c. 27. fut enterré dans l'Eglife du faint Sepulcre. Son Lib.xv.c.i. fils Baudoüin III. âgé de treize ans lui fucceda,

III. Roi de

2.3.

& fut couronné le jour de Noël de la même année, dans l'affemblée des Seigneurs & des Prélats, par les mains de Guillaume patriarche de Jerufalem, & regna vingt ans. La Reine Melifende fa mere fut couronnée avec lui, & .45. gouverna pendant fon bas âge. Dans l'intervalle de la mort du pere & du couronnement du fils, Edeffe autrement nommée Rouha, fut af fiegée par Atabec-Zengui le plus puiffant Prince de l'Orient qui refidoit à Moful, & que nos auteurs nomment Sanguin. Il profita de la foibleffe du jeune Comte Joffelin, & de la mefintelligence qui étoit entre lui & le Prince Guill. Tyr. d'Antioche. Deux ans après, c'est-à-dire le XVI.c.17. vingt-feptiéme de Septembre 1144. mourut Sup. liv. Guillaume patriarche de Jerufalem dans la quinziéme année de fon pontificat. On mit à fa place Foucher troifiéme Archevêque Latin de Tyr, qui fut transferé à Jerufalem le vingt-cinquiéme de Janvier 1145. & tint ce fiege douze ans. Pour lui donner un fucceffeur à Tyr, on tint dans cette Eglife une affemblée, où étoient le jeune Roi, la Reine fa mere, le nouveau Patriarche & les Evêques fuffragans de Tyr. Les voix fe partagerent: une partie demandoit Raoul chancelier du Roi, Anglois de nation homme lettré & bien fait de fa perfonne agreable au Roi, à la Reine & aux courtisans, mais de mœurs trop feculieres. L'autre partic s'oppofa à cette élection & en appella au Pape. Ils avoient à leur tête le patriarche Foucher,

LXVIII. n. 14.

Jean de Pife archidiacre de Tyr, depuis Cardinal, Bernard Evêque de Sidon & Jean Evêque AN.1140. de Beryte. Toutefois le chancelier Raoul fe mit

en poffeffion par force de l'Eglife de Tyr & de fes revenus, & en joüit pendant deux ans.

écrits de

Leo Allat.

de Conf. 11.

A Conftantinople le patriarche Leon Stypiote LXXVI. tint un concile au mois de Mai indiction troi- Condamfiéme, qui doit être l'an 1140. où affifterent nation des onze métropolitains & deux Archevêques avec Conftantin les officiers de l'Empereur. Ce concile fit un Chryfoma decret, où le patriarche dit en substance: Nous le avons appris de quelques moines du monaftere de faint Nicolas, qu'il s'y trouve des écrits du . 11. défunt Conftantin Chryfomale, dont après les avoir lus ils ont été fort fcandalifez, à caufe de la quantité d'impertinences & d'absurditez qui y font contenuës; & que ces écrits ont déja été communiquez à plufieurs perfonnes,. comme très-utiles & propres pour conduire à la perfection des moeurs. C'eft pourquoi nous étant appliquez très-foigneufement à cette affaire, nous avons recouvré trois exemplaires de ces écrits tirez de differens monafteres; & les ayant examinez en particulier & dans le concile, nous les avons trouvez pleins, non seulement de nouveautez & d'extravagances : mais d'herefies manifeftes; & principalement de celles des Enthoufiaftes & des Bogomiles.

L'auteur dit entre autres chofes, que c'eft adorer Satan, que de rendre honneur à quelque Prince ou Magiftrat que ce foit. Que tous ceux qui ont été baptifez dans l'enfance, fuivant la coûtume établie, ne font point veritablement Chrétiens, parce qu'ils n'ont pas été inftruits auparavant : que leurs vertus ne font que des vertus payennes, qu'ils ne doivent point lire l'Evangile qu'ils n'ayent été instruits, initiez à leurs myfteres & transferez de la puif

fance

A

fance de Satan fans quoi il ne leur ferviroit de rien ni d'être élevez à l'épifcopat, ni de favoir l'Ecriture par cœur, ni d'inftruire les autres, n'ayant que la fcience qui enfle. Tout de même que la penitence eft inutile à ceux qui ne font pas regenerez par leur baptême : mais que ceux qui ont cet avantage & qui font les vrais Chrétiens, ne font plus foumis à la loi, comme étant arrivez à la mesure de l'âge de Eph.1v.13. JESUS-CHRIST. Il dit encore, que tout Chrétien a deux ames, l'une impeccable, l'autre pechereffe, & que celui qui n'en a qu'une n'eft pas encore Chrétien. Pour ces erreurs & pluheurs autres contenues dans ces livres, nous avons ordonné qu'ils feroient auffi-tôt jettez au feu, & prononcé anathême contre tous ceux qui font dans ces fentimens. Défendant generalement, que perfonne ne foit affez hardi pour propofer de nouvelles doctrines & s'attribuer l'autorité d'enfeigner. Nous défendons auffi à toute perfonne de lire aucun nouvel écrit, s'il n'a été examiné & approuvé par l'Eglife catholique particulierement ces écrits attribuez à Chryfomale & tous les autres du même auteur qu'on pourroit trouver fous peine d'anathême & d'être livrez au bras feculier.

Quant à ceux chez lefquels ces écrits avoient été trouvez, & qui' étoient deux fuperieurs de monafterés : l'un d'eux nommé Pamphile, aiant demandé pardon, & declaré qu'il ne les avoit lus que par ignorance & à bonne intention : le concile reçut fa fatisfaction, & le déchargea des peines qu'il avoit encouruës: mais l'autre nommé Pierre fut declaré incapable de gouverner, & condamné à paffer dans un autre monaftere, pour y vivre fous la conduite d'un fuperieur. Ce qui lui fut accordé par, grace, après qu'il fe fut jetté aux pieds du Patriarche & de tous les Prélats du concile.

Vita S.

En Angleterre Turftain Archevêque d'Yorc mourut le cinquiéme de Fevrier 1140. après AN.1141. avoir tenu ce fiége vingt-fix ans ; & il vaqua LXXVII. près d'un an. Car Henri Evêque de Vinchefire Guillaume frere du Roi Etienne & legat du Pape, fit pre- d'Yorc. Archevêq. mierement élire Henri de Coili neveu du mê- Godonin me Prince: mais comme il étoit Abbé de faint Ebcr. c. 28. Etienne de Caën, le Pape Innocent ne voulut 29 point qu'il fût Archevêque, s'il ne renonçoit à Gull. 8. l'Abbaye. Au mois de Janvier 1141. on proce- fun ap. da à une nouvel e élection, & la plus grande Boll. to.2. partie s'accorda à choifir Guillaume treforier P.137. Monaft. de l'Eglife d'Yorc. Il étoit auffi neveu du Roi Ang. to. I Etienne, fils d'Emme fa foeur & d'Hebert Com- p.7+5. te de Vincheftre: fes mœurs étoient trèss-pures, fa douceur le rendoit aimable, & il étoit liberal envers les pauvres. Mais l'Archidiacre Gautier & quelques autres s'oppoferent à fon élection foûtenant qu'elle n'avoit pas été libre, & que le Comte d'Yorc l'avoit ordonnée de la part du Roi. En effet ce Comte avoit affifté à l'élection ; & l'Archidiacre Gautier s'étant mis en chemin pour aller trouver le Roi, il le fit prendre & enfermer dans fon château de Biham. Cependant l'Archevêque élu fut mené à Lincolne où le Roi le reçut agreablement, & le mit en poffeffion des terres de l'archevêché.

!

Ceux qui fe plaignoient de son élection appellerent au Pape, & ils avoient pour eux des^ Religieux de grand merite, entre autres Guil laume Abbé de Ridal, & Richard Abbé de Fontaines, deux monafteres de l'ordre de Cifteaux dans le diocefe d'Yorc. Ils accufoient l'Arche vêque Guillaume, d'avoir procuré fon élection ́ par fimonie & par violence; & ils en perfuaderent fi bien faint Bernard, qu'il écrivit plufieurs p.346-347 lettres au Pape Innocent contre ce Prelat. I écrivit auffi à l'Abbé de Ridal pour moderer fon

zele

EP.353.