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toient de leur retraite on fe raffembla & on traita de la paix pendant quelques jours. Les dif- AN.1153. ficultez furent grandes, on defefpera fouvent de la conclufion : mais ce délai fut utile à plufieurs malades, aufquels le faint homme rendit la fanté, & ces miracles ne contribuerent pas peu à la conclufion de la paix: quoique d'ailleurs ils la retardaffent, à caufe du grand concours & de l'importunité de la multitude. Pour s'en garantir il falut chercher une ifle au milieu de la riviere, où les principaux des deux partis paffoient en bateau, & là fe terminerent les conferences. Entre les malades gueris en cette occafion, il y eut une femme, qui depuis huit ans étoit tourmentée d'un tremblement violent de tous les membres. Elle vint fe prefenter au Saint dans le tems où l'on defefperoit prefque de la paix, & la vuë de fa mifere attira tous les affiftans. Ils virent tous, pendant que le ferviteur de Dieu prioit pour elle, fon tremblement ceffer peu à peu, & enfin elle fut parfaitement guerie. Les plus durs en furent tellement touchez, qu'ils frapoient leur poitrine; & leurs acclamations durerent près d'une demie heure. La foule du peuple qui s'empreffoit à baifer les pieds du Saint,obligea à le mettre dans un bateau & l'éloigner de terre; & comme il exhortoit enfuite les Seigneurs à la paix, ils difoient en foupirant: Il faut bien que nous écoutions celui que Dieu exauce fi vifiblement, & pour qui il fait de fi grands miracles à yeux. Ce n'eft pas pour moi qu'il les fait, dit faint Bernard, c'eft pour vous. Le même jour étant entré dans Mets, pour preffer l'Evêque & le peuple de confentir à la paix : il guerit une femme paralytique de la ville, enforte qu'ayant été aportée fur un lit, elle s'en retourna à pied. Enfin la paix fut concluë, les deux partis fe reconcilierent, fe toucherent la main & s'embrafferent.

nos

LXVII.
Mort de

Ce fut le dernier voyage de faint Bernard; & à fon retour il fe fentit entierement défaillir, mais S. Bernard.

avec une confolation femblable à celle d'un voyaAN.1153 geur qui arrive au port. Comme il voyoit l'affiction & la defolation extrême de fes freres, il les confoloit avec beaucoup de tendreffe; & les con-juroit avec larmes, de conferver la regularité & l'amour de la perfection, qu'il leur avoit enfeignée par fes difcours & fes exemples Peu de jours avant fa mort il écrivit en ces termes à Arnold Abbé de Bonneval, qui lui avoit envoyé quelques rafraichif femens, témoignant être fort en peine de l'état de .310. fa fanté: J'ai reçu vôtre charité avec charité, mais fans plaifir. Car quel plaifir peut-on goûter quand tout eft amertume? Je n'ai quelque forte de plaifir qu'à ne point prendre de nourriture. J'ai perdu le fommeil, enforte qu'il n'y a point d'intervalle à mes douleurs. Prefque tout mon mal eft une défaillance d'eftomac. Il a befoin d'être fouvent fortifié jour & nuit de quelque peu de liqueur; car il refufe inexorablement tout ce qui eft folide; & ce peu qu'il prend ce n'est pas fans grande peine. Mes pieds & mes jambes font enflez comme ceux d'un hydropique. Cependant pour tout dire à un ami comme vous, Pefprit eft dégagé quoique la chair foit infirme. Priez le Sauveur de me garder à la fortie de ce monde, fans la differer; & en ce dernier moment, où je me trouverai dépouillé de mes merites, muniffez-moi de vos prieres, enforte que le tentateur ne trouve pas où porter fes coups. Je vous écris moi-même en l'état où je fuis, afin qu'en reconnoiffant la main vous reconnoiffiez le cœur.

Comme on fçut qu'il étoit à l'extremité, les Evêques voifins avec quantité d'Abbez & de Moines s'affemblerent à Clairvaux. Enfin fon dernier jour vint, qui fut le vingtiéme d'Août 1153.& *. 13. il mourut fur les neuf heures du matin. Son corps revêtu des ornemens facerdotaux, fut porté dans la chapelle de la fainte Vierge. Il y eut un grand concours de la nobleffe & du peuple de tous les lieux voisins, & toute la vallée retentit de leurs

M

gemiffemens. Mais les femmes arrêtées à la porte. du monaftere, étoient celles qui pleuroient le plus AN.1153. amerement, parce qu'il ne leur étoit pas permis d'entrer dans l'Eglife, fuivant l'ancienne difcipline qui s'obferve encore à Clairvaux & à Cifteaux. Le corps demeura expofé durant deux jours; & le peuple venoit en foule lui toucher les pieds, lui baiser les mains, apliquer fur lui des pains, des ceintures, des pieces de monoye, & d'autres chofes, pour les garder comme benites & s'en fervir au befoin. Dès le fecond jour la preffe fut telle, que l'on n'avoit prefque plus de respect pour les moines, ni pour les Evêques mêmes: c'est pourquoi le lendemain matin on celebra le faint Sacrifice avant l'heure ordinaire, & on mit le faint Corps dans un fepulcre de pierre, avec une boëte fur fa poitrine contenant des reliques de l'Apôtre faint Thadée que la même année on lui avoit aportées de Jerufalem, & qu'il avoit ordonné qu'on mit fur fon corps. Il fut ainfi enterré devant l'autel de la fainte Vierge, à laquelle il avoit toûjours eu une grande devotion.

:

Sup. liv.

LXVI.2.2 I.

Saint Bernard étoit dans fa foixante & troifiéme année il y en avoit quarante qu'il avoit fait profeffion à Cifteaux, & trente-huit qu'il étoit Abbé de Clairvaux. Il avoit fondé ou aggregé à fon ordre foixante & douze monasteres, trente-cinq en France, onze en Espagne, fix dans les Païs-bas, cinq en Angleterre, autant en Irlande, autant en Savoye quatre en Italie, deux en Allemagne, deux en Suede, un en Hongrie, un en Danemarc: mais en comprenant les fondations faites par les abbayes dépendantes de Clairvaux, on en compte jufques à cent foixante & plus. L'église honore fame- Martyr. R. moire le jour de fa mort; & la doctrine, le zelė, la 20. Aug. pieté qui reluifent dans fes écrits; le font regarder comme le dernier des Peres de l'Eglife.

Fin du Tome quatorze.

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A

glife Romaine.

388

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