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Il n'en fera ni plus ni moins cher à mes yeux.
ARAMON T.

Sans doute. Le malheur eft-il contagieux ?-
DORNANE.

On ceffe d'être ami fi-tôt que l'on varie.
D'abord que l'amitié balance, elle eft trahie :
La moindre alternative y porte un coup
mortel;
Èt ce n'est plus qu'un nom qui n'a rien de récl.

ARAMONT.

Sçais-tu que tu dis vrai ?

DORNANE avec fatuité.

Voilà comme je penfe.

Mais ce n'eft point affez ; j'agis en conféquence..
Depuis qu'il eft malade, on n'imagine pas

Ce que j'ai vû de gens, combien j'ai fait de pas.
J'ai mis en action toutes nos connoiflances.
N'ai-je pas fait ma cour à toutes les Puiffances?
ARAMONT à part.
Car il faut bien les voir, quand on en a befoin,
Quelle fatuité !

DORNANE.

J'aurois été plus loin

Si je l'avois trouvé poffible & néceffaire :

Mais Dieu fçait de quel air j'ai mené cette affaire.

ARAMONT..

De quel air, s'il vous plaît ?

DORNANE.

Je crois qu'il eft permis

De parler un peu haut quand c'est pour les amis.

Tout eft perdu.

ARAMONT à parti

DORNANE.
J'agis avec cette affurance

Qui fubjugue, ou détruit toute autre concurrence,
Quoiqu'il en foit, j'ai mis l'épouvante & l'effroi
Parmi les prétendans; ils font en defarroi,

Je leur ai fait un tour qui nous fert à merveille...?
J'ai publié partout...en fecret... à l'oreille...
Que Monrofe avoit tout obtenu de la Cour:

Et c'eft,

grace à mes foins, la nouvelle du jour

Par-là j'ai dérouté la brigue & la cabale.

ARAMON T.

Je craïns que cela n'ait une suite fatale

Tu t'y connois !

DORNANE.

ARAMONT.

Pour moi, je me borne à des foins Qui font à ma portée ; & je rifque un peu moins. Sans moi, des créanciers bloqueroient cette porte J'ai du moins, pour un tems, écarté leur cohorte DORNANE,

Comment donc ?

ARAMONT.

En difant partout avec éclat

Que la fucceffion eft en très-bon état.

Ainfi j'ai fufpendu leurs cris & leurs pourfuites,

C'est une minutie.

DORNAN E.

ARAMONT.

On verra dans les fuires

Mais au furplus, Marquis, n'ès-tu pas étonné
Que Monrofe aujourd'hui fe trouve abandonné
Par l'homme, fur lequel il comptoit davantage,

'Arifte?

DORNANË

L'amitié n'eft point un héritage.

SCENE

VI.

ARISTE fans être v. DORNANE, ARAMONT.

Q

ARAMONT.

Uoi? l'ami le plus cher que le défunt ait eu,
Laifle ainfi fon nevcu, tandis qu'il auroit pû
Agir, & lui préter fon heureuse affistance?
Son appui nous feroit d'une grande importance;
Car enfin fon crédit eft plus grand qu'on ne croit.
DORNANE.

Il le garde pour lui. Ce n'eft qu'un homme adroit,
Un Courtifan mafqué par la mifantropie,
Recouvert du manteau de la Philofophie;
Un Politique fombre, équivoque & caché,
Qui fe donne à la Cour pour être détaché
Des poftes, des emplois, des grandeurs, & des graces 3
Mais qui fecrettement vife aux premieres places;

Et dont l'ambition, quand il en fera tems,

Se manifeftera peut-être à nos dépens.

ARAMONT.

Cet Arifte pourtant.... il avoit paru prendre
Au deftin de Monrofe un intérêt fi tendre:

Je l'ai crû fon ami.

DORNANE.

Lui? Sur quel fondement ?

Quand on eft tel, croi-moi, l'on s'annonce autrement,
En effet, l'amitié donne un air moins austére.
Un véritable ami n'a d'autre caractére

Que celui qui nous plait. Il fe régle sur nous,
Il adopte nos mœurs ; il fe fait à nos goûts ;
Il fe métamorphofe au gré de nos caprices;
Il prend nos paffions, nos vertus, & nos vices :
C'eft un Caméléon qui reçoit tour-à-tour.....
ARISTE s'avançant

Ce portrait-là, Monfieur, eft celui de l'amour.
DORNANE à part.

C'eft Arifte! Ah, morbleu!

ARISTE.

Mon abord vous étonne!'

DORNAN E.

Ah! Monfieur, qui pouvoit vous croire là?

ARISTE.

Si j'ai bien entendu votre entretien.....

DORNANE à part.

ARISTE.

Les amis de Monrofe étoient fur le tapis.

Perfonne.

Tant pis.

Vous paroiffez avoir épuifé la matiére ;
Et Monrofe vous doit la confiance entiére.
Oui, par provifion vous nous excluez tous.
Il ne doit plus compter fur d'autres que fur yous.
Vous fuffirez à tout; du moins, je le souhaite.
L'amitié qui fe vante eft fouvent indifcrette.
Cependant trouvez bon qu'au rang de fes amis
Quelqu'autre puiffe encore avec vous être mis.
L'amitié n'admet point de baffes jaloufies.
C'eft à l'amour qu'il faut laiffer ces frénéfies.

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MONROSE transporté de joye. ARISTE, ARAMONT, DORNANE.

MONROSE à Aramont & Dornane.

MEs amis, prenez part à la joie où je fuis.

Mon bonheur eft prochain; fi j'en crois tous les bruits, On dit qu'en ma faveur la Cour eft réunie.

appercevant Arifte.

Ah! Monfieur. C'eft me faire une grace. infinie.

Ces Meffieurs font témoins fi depuis mon retour
Ma fanté m'a permis de vous faire ma cour.

ARISTE.

Votre fanté va bien; je vous en félicite.

DORNANE.

Et moi, de la nouvelle.....

ARAMONT à part.
En cas de réuffite.

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