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MONROSE.

Plut au Ciel!... quand j'étois un peu plus digne d'elle,
Je l'ai vûë infenfible à l'ardeur la plus belle.
Que feroit-ce à prefent que je puis n'être rien?
CLORINE.

Eft-on prévoyant lorfque l'on aime bien?
Monfieur, eft-ce donc là cette ame fi charmée ?
Eft-ce vous, qui depuis le départ pour l'armée
Avez écrit vingt fois pour avoir fon portrait,
Qu'on vous eût envoyé, s'il avoit été fait ?

Hortence eût obéï.

MONROSE.

Ceffe de m'entreprendre.

Si j'avois fon portrait, il faudroit le lui rendre ;
Il faudroit la revoir encore, & me plonger ....

CLORIN E.

Du moins, la bienféance......

MONROSE.

Il n'y faut plus fonger;

SCENE II.

CLORINE feule.

FORT bien, il va fe perdre,en fuyant ma Maîtreffe.

Je veux les rapprocher tous deux avec adreffe.
Elle rêve.

Ehle portrait d'Hortence eft propre à cet effet.
Il faut lui procurer en fecret ce bienfait,

A j

Et lui faire trouver par quelque fratagême
Cette heureufe reffource, en dépit de lui-même.
Je veux que ce portrait serve à vous réunir:
Oui, Monfieur, je fçaurai vous forcer à venir
Le remettre vous-même entre les mains d'Hortence.
Alors ils fe verront. L'amour d'intelligence
Les menera plus loin qu'ils ne veulent tous deux.
Au refte, puiffe t-il avoir un fort heureux!
Elpérons que la Cour lui fera moins contraire.
Il va lui même agir. C'eft le point néceffaire;
Car.... fes amis ont beau le fervir de leur mieux ;
L'un d'eux n'eft qu'un bon homme, ardent, officieux,
Qui tracaffe, & qui veut toujours être de fête :
L'autre n'a que du fafte & du vent dans la tête.

SCENE III.

ARAMONT, CLORINE.

ARAMONT derriere le Théatre, à voix haute: H. bien! où font-ils donc fourrez? Hola, quel

CLORIN E..

Bon! voici juftement notre vicil importun!

Qu'il va bien fignaler fon zéle impitoyable !

ARAMONT.

(qu'un?

Quand le Maître eft dehors, les Valets font au diable. C'eft Clorine! Eh! parbleu, je la trouve à propos.

J'avois à vous parler. J'aurai fait en deux mots...

Hortence s'en va donc?

CLORIN E.

Oui, Monfieur, fans remife. Elle rentre au Convent où le défunt l'a prise. Il l'avoit fait venir pour la former un peu, Avant que de lui faire époufer fon neveu. Elle y feroit déja retournée au plus vîte, Si l'éternelle tante attachée à fa fuite, N'avoit été malade : elle se porte mieux.

Tant pis.

ARAMONT.

CLORINE,

Et nous faifons aujourd'hui nos adieux.
ARA MONT.

Cette vieille radote; & ta Maîtreffe rêve.

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A quoi ferviroit-elle ? On n'en a pas befoin.

ARAMONT.

Elle eft riche, & très-riche.

CLORIN E.

Oui, Monfieur, je l'efpered

ARAMONT.

Ah! je vous en réponds. D'autant plus que fon pere

N'avoit point d'Intendant. C'étoit un vieux Maring
Qui, pour être partout Maître de fon destin,
Ne poffeda jamais, pour toutes Seigneuries,
Qu'un riche porte-feuille, & force pierreries
CLORIN E.

Chacun, fuivant fon goût, prend fes arrangemens?
ARAMONT.

'Ainfi donc ta Maîtreffe, outre fes diamans,
Eft un des grands partis qui foient peut-être en France
A moins que le défunt, contre toute apparence,
N'ait altéré des biens confiez à fes foins;
Mais c'eft ce que l'on doit appréhender le moins.
Or cela fuppofé, comme auffi que Clorine
Soit une fille aimable, intelligente, & fine.....
CLORINE.

Elle fe retourne, comme fi on l'appelloit. Ah! point du tout, Monfieur..... Oui... j'entends...

On vient de m'appeller.

ARAMON T la retenant.

(excufez

Non; vous vous abusez :

Et quand cela feroit, qu'importe? On peut attendre.
En faveur de Monrofe, il faudroit nous entendre.,
Tu vois comme au moment de faire fon bonheur,
Son oncle un'peu trop-tôt eft mort au lit d'honneur:
Tu fçais, pour fon neveu, quelle étoit fa tendrefle
Et qu'en le mariant à ta belle Maîtreffe,

Il lui cédoit fa Charge & fon Gouvernement :
Il croyoit être fûr d'en avoir l'agrément,

i

Un

coup de foudre a mis l'édifice par terre.
Thefaurifer n'eft pas le fait des gens de guerre ;
Et l'on doit peu compter fur leurs fucceffions
Le défunt ne rouloit que fur des penfions
De forts appointemens, qu'il mangeoit à mefire
Ainfi de ce côté la fortune eft peu sûre.
A l'égard de la Cour, je doute, & je në fçais
Si l'on achevera des projets commencez :
Et franchement j'ai peur qu'en cet état funefte.
Ta Maîtreffe ne foit le feul bien qui nous reftę.
Voilà ce qu'il faudroit tous deux négocier,

CLORINE.

A quoi ferviroit-il de nous afsocier ?
Hortence va paffer fous une autre puissance,
On éxigera d'elle une autre obéiffance.

ARAMONT ironiquements

On éxigera d'elle une infidélité :

Vous n'y voyez aucune impoffibilité.,

Si Monrofe a fon cœur....

CLORINE

Mais il fuit ma Maîtreffe!

ARAMONT.

Elle n'en eft pas moins l'objet de fa tendreffe
Mais il compte fi peu fur un heureux deftin,
Ou du moins l'avenir eft fi fort incertain,
Qu'il n'ofe plus tenter d'achever fa conquête.
It eft intimidé: voilà ce qui l'arrête.

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