Imágenes de páginas
PDF
EPUB

D'ARVIANE.

Qui fuis-je donc pour être exemt de jaloufie?
Mais la mienne, bien loin d'être une frénéfie
N'eft qu'un fentiment vif, & toujours animé
Par la crainte de perdre un objet trop aimé.
ROSALIE.

Non, je vous ai connu dès l'âge le plus tendre.
Quand je pouvois encore à peine vous entendre,
Il fembloit que, pour vous, l'amour & la raison
Auroient dû, dans mon cœur, prévenir leur saison
A vos fauffes terreurs tout fervoit de matiére;
Vous vouliez occuper mon ame toute entiére.
Chez vous l'inquiétude eft dans son élément :-
On n'a jamais été plus injufte en aimant.
En croyant pénétrer au fond de ma pensée,
Hélas! Combien de fois m'avez-vous offenfée?
L'amour dans votre cœur eft toujours en courroux.

D'ARVIANE.

Ah! Vous me trahirez, je le fais mieux que vous

ROSALIE.

De part & d'autre enfin laiffons-là le reproche.
Monfieur, en attendant que le tems nous rapproche
Il faut vous éloigner; il faut nous féparer.
Votre départ m'importe; allez le préparer
Imaginez pourtant que j'y ferai fenfible
Autant que je dois l'étre.

D'ARVIANE.

Oferois-je expliquer?...

Ah! Seroit-il poffible?

ROSALIE.

Finiffons l'entretien ;

Il n'a que trop duré: je n'écoute plus rien.

C

SCENE V.

D'ARVIANE feul.

'En est fait; aux chagrins je ne fuis plus en proie.

Non jamais je ne fus fi transporté de joie.

L'absence eft donc un bien?... Sans elle, aurois-je appris

Que j'ai touché l'objet dont mon cœur eft épris ?
Il falloit me bannir pour favoir qu'elle m'aime.
Mais puis-je me flatter de ce bonheur fuprême ?
Que dis-je? S'il eft vrai, je l'apprens un peu tard.
Pour la premiére fois, au moment d'un départ
Ce cœur, où je n'ai vû que de Pindifférence,
Me donne tout-à-coup une douce espérance!
Pourquoi m'aimeroit-elle ? Eft-ce une trahison-??
Auroit-elle employé cet aimable poifom

[ocr errors]

Pour me perdre?... Il faut voir. Ma préfence fa

tigue;

Contre mes intérêts on trame quelque intrigue

Rofalie elle-même y pourroit avoir part.

Pour nous en éclaircir, retardons mon départ

Fin du premier alter

ACTE

J

ACTE I I.

SCENE PREMIER E.

LE MARQUIS D'ORVIGNY, THE ODON.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

C'est me faire un reproche affez mortifiant.
LE MARQUIS.

En flattant mon amour, en le fortifiant

Dans mon ame incertaine, & toujours combatuë,
Vous avez irrité le poifon qui me tuë.

Sans vous, le fol efpoir ne m'eût pas ennivré ;
Et peut-être déjà ferois-je délivré I

D'un mal, qui dans le tems n'étoit pas incurable.

[ocr errors]

THE ODON.

Mon tort eft donc bien grand?

[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

L

Pourquoi ?

THEODO N.

LE MARQUIS.

Sur votre appui je n'ai que trop compté Devois-je encore aimer? Je vous ai raconté L'histoire de ce triste & secret hyménée, Dont on me fit brifer la chaîne fortunée. Vous favez quelle fut la douleur que j'en eus ; Et, qu'ayant employé bien des foins fuperflus A chercher en tous lieux une époufe fi chére, Alors pour me venger des rigueurs de mon père, Je me prontis du moins le refte de mes jours De fuir également l'hymen & les amours. Vaine promeffe! Hélas! Qu'eft-elle devenuë? Sans vous, cruel ami, je l'aurois mieux tenue. THE ODON.

J'aurois quelque reproche à vous faire à mon tour.
Avois-je mandié l'aveu de votre amour?

Votre cœur s'eft ouvert fans nulle violence:
Quand vous avez rompu ce pénible filence,
Vous cherchiez de l'efpoir, je vous en ai donné.
LE MARQUIS.

C'eft de quoi je me plains.

THEODON.

J'en dois être étonné.

Car enfin je n'ai pû, ni dû vous faire un crime
D'une ardeur, qui n'a rien que de très-légitime.

« AnteriorContinuar »