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tes continuelles qu'on lui rendoit, il en fortit fecrettement, & fe retira dans le lieu le plus défert de la montagne. Il n'avoit là pour com pagnie que les bêtes, & il y fouffroit le chaud, le froid & toutes fortes d'incommodités. Il venoit quelquefois à la laure encourager les fre res, & les avertir fur-tout de ne point mettre leur confiance dans leurs propres forces. Le défir d'une plus grande retraite lui fit prendre la réfolution de paffer dans l'Ile de Samos. Y étant arrivé il fe cacha dans une caverne ; mais il fut bien-tôt connu : on vint de tous côtés recevoir fes inftructions, & on rétablit par fes exhortations les trois laures de cette Ifle, que les Sarrafins avoient ruinées. Cependant les moines de Latre cherchoicnt Paul par tout ; & enfin ayant appris qu'il étoit à Samos, ils l'engagérent à revenir auprès d'eux.

Sa réputation s'étendoit jufqu'à Rome. Le Pape Jean XII envoia exprès un moine pour le voir, examiner fa conduite & lui en faire le rapport. Le Roi des Bulgares lui écrivoit fouvent pour fe recommander à fes prières. L'Empereur Conftantin Porphyrogenete le confulta plufieurs fois, & le faint homme emploia fon crédit, pour faire bannir les plus corrompus & les plus dangereux des Manichéens. Paul célébroit plufieurs fêtes, & invitoit ces jours-là quelques perfonnes à un petit feftin de charité. Une de celle qu'il célébroit avec le plus de folemnité, étoit la fête de fainte Accaterine martyre, que l'on croit être la même que Catherine'; & c'est la plus ancienne date de fon culte. Il avoit un fi grand fonds de charité pour les pauvres, qu'il leur donnoit tout, jufqu'à fa nourriture & fes habits : & enfin il vouloit fe rendre efclave en un pays inconnu, pour donner aux pauvres le

prix qu'on lui auroit donné de lui-même. Ce ferviteur de Dieu mourut l'an 956.

Un des moines aiant été délivré à fon tombeau, du démon qui le poffédoit, les autres affigés du tumulte que cette délivrance avoit excité dans l'églife, lui firent une remontrance; & l'un d'eux s'approchant du tombeau, parla au faint comme s'il eut été vivant. Eft-ce donc là, lui dit-il, votre averfion pour la gloire humaine? Eft-ce là votre amour pour le repos & la folitude? Vous allez nous jetter dans des embarras extrêmes par vos guérifons. Bien-tôt ce lieu fera rempli de toutes fortes de perfonnes. Si vous avez intention de nous troubler ainfi par vos miracles, faites-le nous fçavoir promptement dans ce cas là nous vous defcendrons de la montagne, & vous ferez en bas tout ce qu'il vous plaira. Cette finguliére requête eft une grande preuve de la fimplicité de ces bons moines, de leur amour pour la folitude, & de leur éloignement de toute gloire humaine.

Nous

pouvons joindre aux deux grands ferviteurs de Dieu dont nous venons de parler, un Saint qui ne fut pas moins célébre ni moins admirable, qui eft faint Luc le jeune.

VII.

XV.

te piété.

Ses miracles.

Luc nâquit en Theffalie vers la fin du neuviéme fiécle. Dès l'enfance il mena une vie très- Saint Luc le auftére, ne mangeant ordinairement que du jeune, pain d'orge & des légumes. Il revenoit quelque- Son éminenfois à la maifon de fon pere, après avoir donné aux pauvres fa nourriture & fes habits. Sa mere lui permit de vivre en folitude affez près d'elle fur le mont de S. Joannice, & il s'y établit à l'âge de dix-huit ans. Il exerçoit avec joie l'hofpitalité, & fit en peu de temps de grands progrès dans la vertu. Dieu lui accorda le don des

l'Ar

miracles & de prophétie. Il prédit l'incurfion des Bulgares qui ravagerent quelque temps après tout le pays. Luc aiant un jour appris que chevêque de Corinthe paffoit près de fa cellule, alla le faluer & lui préfenta des herbes de fon jardin.L'Archevêque s'étant informé qui il étoit, voulut voir fa cellule, & fut très-édifié de tout ce qu'il apprit de ce faint pénitent. Il lui fit donner une certaine quantité d'or que le ferviteur de Dieu refufa. Comme il vit que l'Archevêque étoit affligé de fon refus, il prit quelque chofe, & dit avec beaucoup d'humilité: Seigneur, je n'ai point befoin d'or, mais feulement de priéres & d'inftruction.

Nous autres, ajouta-t'il, que nos péchés ont réduits à demeurer dans les déferts & fur les montagnes, comment pouvons-nous participer aux myftéres terribles, fans avoir de Prêtres? L'Archevêque lui répondit : il faut tâcher d'avoir un Prêtre. Si cela n'eft pas poffible, il faut avoir un vafe qui contienne des hofties confacrées, & le mettre fur la fainte table, fi c'eft dans un Oratoire : fi c'eft dans une cellule, il faut pofer ce vafe fur un banc très-propre. Vous déplierez enfuite le voile, & vous mettrez deffus les faintes particules. Vous ferez brûler de l'encens, & vous chanterez des Pleaumes, ou le Trifagion avec le fymbole de la foi. Après avoir fait trois génuflexions, vous joindrez les mains & vous recevrez le corps de Jefus-Chrift en difant Amen. Au lieu du précieux Sang, vous boirez du vin dans une coupe qui ne fervira à aucun autre usage. Vous renfermerez avec le voile les autres particules facrées, & vous prendrez bien garde, qu'il n'en tombe pas le moindre fragment qui puiffe être foulé aux pieds. Luc fut obligé de chan

ger de demeure, & il fe fixa dans l'Attique, dans un lieu où il y avoit une fontaine, un bois qu'il défricha, & un jardin dont il éloigna fa cellule, afin d'être plus caché. Ce fut-là qu'il mourut faintement vers le milieu du dixiéme fiécle. On changea fa cellule en un Oratoire, & il s'y fit quantité de miracles, comme il en avoit fait plufieurs pendant fa vie. L'Eglife Grecque le nomme S. Luc le jeune, non par rapport à l'Evangélifte, mais pour le diftinguer d'un autre Luc, Abbé en Sicile près du mont Etna, plus ancien au moins d'un fiécle.

VIII.

XVI.

des Muful

mans.

Avant que de terminer l'article qui regarde F'Orient, il eft à propos de rapporter en peu de Révolutions mots quelques révolutions confidérables arrivées dans l'Empire dans l'Empire des Mufulmans. Après la mort du Calife Moctafi, son frere Jafar Aboulfadel' lui fuccéda au commencement du dixiéme fiécle. Il n'avoit que treize ans, & en régna vingtcinq, ce qui n'étoit encore arrivé à aucun Calife. De fon temps commença la fecte, ou plutôt le parti des Fatimites. L'an 910 un nommé Mahomet Arabe forti de la Province d'Irac qui prétendoit être de la race d'Ali & de Fatima fille du prétendu prophête, vint en Afrique & fe fit reconnoître Emir-Almoumenin c'est-à-dire, Prince des fidéles. Il fe rendit maître de la Sicile, & de tout ce que les Mufulmans poffedoient en Afrique ; & cette puiffance paffa à fa poftérité. En Arabie une fecte qui s'étoit élevée fous le Calife précédent, défit en 924 la caravane de la Mecque, enforte que le pélerinage ceffa pendant douze ans. Il prit même la ville de la Mecque, & enleva la Pierre noire, l'objet de la dévotion des Mufulmans, qui donnerent des fommes immenfes pour la racheter. Dv

L'an 927 commença en Perfe un nouveats Roiaume nommé Dilem. Ainfi fe divifoit l'Empire des Mufulmans. Le Calife Mouctadir fut tué à l'âge de trente-huit ans, & on mit à fa place Mahomet Aboulmansor, qui se conduifit fi mal, que dix-huit mois après il fut déposé par les foldats, qui pillerent Bagdad. 11 vécut encore onze ans réduit à demander l'aumône dans la Mosquée. Son fucceffeur fut fon neveu Aboulabas qui regna jufqu'en 940. De fon temps la puiffance des Califes tomba entiérement, & tout ce grand Empire fe divifa entre plufieurs Seigneurs, qui ne laiffoient au Calife que le nom de Souverain. Ils le réconnoiffoient toujours pour chef de la Religion & de l'Empire; ils le nommoient à la prière publique & mettoient fon nom fur la monnoie ; enfin ils recevoient de lui l'inveftiture, qu'il ne refusoit jamais à celui qui fe trouvoit le plus fort. Chaque grande Province étoit donc foumise à un maître particulier, qui étoit abfolument indépendant. Les Califes continuerent pendant plufieurs fiécles de faire leur réfidence à Bagdad, mais ils n'avoient aucune autorité récile. La plupart étoient fi corrompus, qu'ils moururent d'excès de débauche.

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Fondation du monaftere de Cluni.

A

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Vant que de parler des premiers Abbés de

fe de la fondation de ce célébre monaftére. Le

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