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tions de Rome, plûtôt par la crainte des maux que nous fouffrons aujourd'hui, qu'à caufe du fafte de ceux qui préfidoient alors. Car que n'avons-nous point vu de notre temps? Nous avons vu Jean XII plongé dans les plus fales voluptés, conjurer, contre l'Empereur; & nous avons été témoins de toutes les horreurs, dont lui & plufieurs de fes fucceffeurs fe font rendus coupables. Faut-il donc que tant d'Evêques, diftingués par leur fcience & par leur vertu, qui font dans l'Eglife, foient foumis à de tels monftres, couverts d'infamie devant les hommes, & qui ignorent également les fciences divines & humaines? A qui faut-il s'en prendre de ce que le Chef des Eglifes, autrefois couronné d'honneur & de gloire, eft maintenant chargé de honte & d'ignominie? C'eft notre faute, c'eft que nous ne cherchons que nos propres intérêts & non ceux de Jesus-Chrift.

Si l'on exige de ceux que l'on choifit pour l'Epifcopat un degré de fcience & de piété qui réponde à la grandeur d'un tel miniftere, que ne doit-on point demander de celui qui veut paroître le docteur de tous les Evêques ? Pourquoi donc place-t-on fur le premier Siége, celui qui ne mériteroit pas la derniere place dans le clergé Quelle idée avez-vous de cet homme affis fur un Trône élevé, & revétu d'or & de pourpre S'il n'a point la charité, c'eft un Antechrift affis dans le Temple de Dieu, & qui veut fe faire regarder comme un Dieu. Que s'il n'a ni fcience, ni charité, c'eft une Idole : & le confulter, c'eft confulter le marbre. Attendons tant que nous pourrons la converfion de nos Supérieurs, & cependant voions où nous pourrons trouver la nourriture de la parole divine. Quelques-uns de cette fainte affemblée font témoins

qu'on trouve en Allemagne des Evêques excel. lens & recommandables par leurs lumiéres & par leurs vertus. C'eft pourquoi fi la division qui eft entre les Rois ne nous en empêchoit pas, ce feroit plûtôt là qu'il faudroit chercher le jugement des Evêques, qu'à Rome où tout eft venal, & où les jugemens fe vendent au poids de l'or. Si quelqu'un dit que felon Gélafe, l'église de Rome juge tout le monde & n'eft jugée de perfonne : Qu'il mette à Rome un Pape dont le jugement ne puiffe être réformé. Encore les Evêques d'Afrique l'ont-ils jugé impoffible quand ils ont dit: Peut-on croire que Dieu faffe connoître la vérité à un seul d'entre nous, & qu'il la refufe à une multitude d'Evêques affemblés en fon nom? Mais maintenant qu'il n'y a prefque perfonne à Rome qui étudie, de quel front oferont-ils enfeigner ce qu'ils n'ont pas appris? Si quelque Evêque, dit faint Gregoire, fe trouve en faute, je n'en fçai point qui ne foit foumis au Saint Siége, mais quand ils font leur devoir, l'humilité demande qu'ils foient tous égaux.

Mais fuppofons qu'il y ait maintenant à Rome un Damafe, qu'a-t-on fait contre fon décret? Arnoul parle ici de la prétendue Lettre de ce Pape aux Evêques d'Afrique, dont il ne connoiffoit la fauffeté. Il continue ainfi : Son pas premier article étoit, que les caufes des Evêques & toutes les grandes affaires de l'Eglife, doivent être portées au Pape. Celle-ci lui a été portée, & nous n'avons entrepris de la juger, que quand nous n'avons plus efpéré qu'il la jugeât lui-même. Arnoul rapporte plufieurs paffages de faint Grégoire, pour montrer que ce faint Pape approuvoit que les Evêques coupables fuffent jugés fur les lieux, fans avoir recours au

Saint Siége. C'étoit en effet l'ancien droit, qui n'avoit été troublé que par les faufles Décrétales. Mais Arnoul ne les fçavoit pas diftinguer des vraies, & c'étoit la caufe de fon embarras. Il continue: Si les Rois irrités convainquent un Evêque du crime de Leze-Majefté, & s'ils voient que par collufion nous faifons de longues procédures pour les amufer; emploierontils de l'argent pour se faire rendre justice à Rome: & le coupable manquera-t-il d'offrir aux Romains des montagnes d'or, s'il efpere par là fe tirer d'affaires? Il conclut, que les caufes évidentes, doivent être terminées par le concile de la Province. Sur ce que la prétendue Lettre de Damafe dit, qu'il n'eft pas permis de tenir un Concile fans l'autorité du Saint Siége, il dit : Quoi donc, fi les armes des Barbares ôtent la liberté d'aller à Rome, il ne fe tiendra point de Conciles? Celui de Nicée ordonne d'en tenir deux fois l'année, fans faire mention de l'autorité du Pape.

Au refte, pour ne point difputer, aions encore plus de déférence pour l'églife de Rome, que n'en avoient les Evêques d'Afrique, & confultons-la, comme on a fait en cette occafion. Si fon jugement eft jufte, nous le recevrons en paix: s'il ne l'eft pas, nous obéirons à l'Apôtre, qui nous ordonne de ne pas écouter un Ange même contre l'Evangile. Que fi Rome se tait, comme elle fait à préfent, nous confulterons les Loix. Car où nous adrefferions-nous, puifque Rome paroît abandonnée de Dieu & des hommes Depuis la chûte de l'Empire, elle a perdu l'églife d'Alexandrie & celle d'Antioche, & pour ne rien dire de l'Afrique & de l'Afie, l'Europe même commence à la quitter; l'églife de Conftantinople s'eft fouftraite, le dedans de

l'Espagne ne connoît point fes jugemens. C'eft donc ici la défection dont parle l'Apôtre, non feulement des Nations mais des Eglifes. Il finit en difant,qu'on doit confulter les Canons, pour voir combien il faut d'Evêques pour en juger un, & comment on doit juger celui qui ne veut pas fe défendre.

Ce difcours d'Arnoul d'Orléans pris à la rigueur, dit M. Fleuri, contient fans doute quelques propofitions exceffives, & qui femblent tendre au mépris du Saint Siége. Mais nous ne trouvons guéres en ce tems-là d'Ecrivains parfaitement exacts dans leurs expreffions, ni même dans leurs pensées ; & il eft jufte d'expliquer favorablement les paroles d'un Evêque vénérable par fon âge & par fa doctrine, qui étoit comme l'ame de ce concile. Bien loin de confeiller le fchifme, il commence par déclarer qu'il faut refpecter l'Eglife Romaine. Tous les gens de bien étoient indignés des affreux défordres qui regnoient à Rome depuis un fiécle, & cette indignation diminuoit le refpect pour la perfonne des Papes & pour leurs décisions. Car quoique l'autorité ne dépende point absolument des qualités perfonnelles, elles ne font pas indifférentes, & on obéit plus volontiers à un Evêque que l'on croit vertueux & éclairé. Que fi l'on veut attribuer ce difcours à Gerbert qui le rapporte, il fera encore plus fort, puifque Gerbert eft devenu Pape, fans qu'il paroiffe s'être

rétracté.

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ARTICLE VIII.

Réfléxions fur l'état de l'Eglife pendant le dixième fiécle.

Ε

I.

CE fut pendant le dixiéme fiécle, qu'on com

mença à perdre de vue ces anciennes égli

T. Maux de

rient.

fes de Palestine & de Syrie autrefois fi floriffan- l'Eglife d'otes. Il ne s'eft plus trouvé d'Ecrivain qui nous Progrès de en aient marqué la fuite. L'Hiftoire d'Eutychius pignorance. d'Aléxandrie est une preuve fenfible de la déca- Amour des dence des études, de l'ignorance & du mauvais fables. goût de ce temps-là. On y voit beaucoup de fa- Superftitions. bles & fort peu d'exactitude, même dans les faits de ce fiècle, où il écrivoit. Les études s'affoiblirent auffi chez les Grecs, quoique l'Empereur Leon le Philofophe & fes fucceffleurs favorifaffent les fciences. Les Ecrivains Grecs du dixiéme fiécle font pleins de lieux communs & de vaines déclamations. L'exemple le plus frappant de ce mauvais goût eft celui de Métaphrafte, qui nous a tant gâté de Vies des Saints, fous prétexte de les rendre plus agréables, felon le témoignage de Pfellus fon admirateur. On voit combien l'amour des fables étoit dominant dans tout l'Empire Grec, par l'extrême véneration que l'on avoit pour l'image miraculeufe d'Edeffe, dont l'Empereur Conftantin Porphyrogenete a fait lui-même une histoire fi étendue. On trouve à chaque page dans l'hiftoire Bizantine, des du goût que preuves avoient alors pour les fuperftitions. Il n'y a point d'Empereur qui monte für le Trône, où qui en

les Grecs

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