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TITRE II.

CHAPITRE PREMIER.

De la Compétence des Juges en général; & comment elle fe regle en matiere criminelle.

N appelle Compétence en matiere criminelle, le pouvoir qu'a un Juge de connoître d'un crime, foit privativement à tout autre Juge, foit concurremment avec d'autres.

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On comprend ici fous le mot de Crimes, tous délits pour quels on peut rendre plainte en Justice, foit que ces délits foient graves ou légers; & en général toute action qui peut être pourfuivie criminellement.

La compétence en matiere criminelle, fe regle, 1°. par le lieu du délit; c'est-à-dire, par le lieu où le crime a été commis: 2o. par le domicile de l'accufe: 3°. par le lieu de la capture.

Il faut obferver que la compétence du Juge criminel, dépend de la maniere dont la plainte eft libellée, & non de la dépofition des témoins, qui d'ailleurs dans leurs récolements, peuvent dépofer d'une maniere conforme à la plainte; attendu qu'ils peuvent ajouter à leurs dépofitions.

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Mais il n'en eft pas de même de la compétence établie la qualité des parties. Celle-ci, à la vérité, fe regle d'abord par la plainte; mais fi elle eft contestée, il faut la prouver par témoins, ou autrement.

SECTION PREMIERE.

De la Compétence des Juges, par rapport au lieu du délit.

1o. La connoissance des crimes appartient aux Juges des lieux où ils ont été commis; & l'accufé y doit être renvoyé, fi le renvoi en eft requis. C'est la difpofition précise de l'article 1. da titre i de l'Ordonnance de 1679.

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Les Juges dont il eft parlé dans cet article de l'Ordonnance font les Juges ordinaires; comme font les Juges de Seigneurs, les Prévôts, Vicomtes, Châtelains, & autres qui ont la connoiffance du criminel; & non les Juges extraordinaires, comme font les Lieutenants de Police, &c.; fi ce n'eft dans quelques cas dont la connoiffance leur eft attribuée. Cet article ne regarde pas non plus les Juges qui n'ont la connoiffance que du civil; & c'est par cette raifon que les Lieutenants-civils des Bailliages & des Sénéchauf fées, n'ont pas la connoiffance des délits qui fe commettent dans les prifons, quoiqu'ils aient la connoiffance de la Police de ces mêmes prifons, fuivant l'article 21 de l'Arrêt du premier Septembre 1717, fervant de réglement pour les prifons du reffort du Parlement de Paris. Voyez auffi ce qui a été dit à ce fujet au titre De la Compétence des Juges en matiere criminelle, n. 83.)

Cette connoiffance des crimes, attribuée ici par l'Ordonnance au Juge du lieu du délit, eft conforme à l'Ordonnance de Moulins du mois de Février 1566, art. 35, qui porte que la connoiffance des crimes appartiendra aux Juges des lieux où le délit a été commis, quoique le délinquant n'ait pas été pris au lieu du flagrant délit. Ce qui eft auffi conforme à la Novelle 69 & à la L. 7, S. pen. & ult. D. de accufationibus, qui portent que les crimes doivent être punis dans la province où ils ont été commis ; & cela a été ainfi établi, afin que la punition du crime fe faffe, pour l'exemple, dans le lieu où il a été commis; & auffi afin de faire plus facilement & à moins de frais, la preuve du crime.

L'article 19 de l'Ordonnance de Rouffillon du mois de Janvier 1563, exigeoit le concours de deux conditions pour établir la compétence du Juge par rapport au lieu du délit; fçavoir, 1°. que le crime y eût été commis. 2°. Que l'accufé y eût été arrêté; mais cette difpofition a été changée par l'article 3.5 de l'Ordonnance de Moulins qui vient d'être citée.

La connoiffance dont parle ici l'Ordonnance, donne nonfeulement au Juge le droit d'inftruire pour raifon du crime; mais auffi le droit de confommer cette procédure, en jugeant définitivement ce crime, & en infligeant à l'accufe la peine qu'il mérite.

Il faut cependant obferver que cette connoiffance n'est point attribuée au Juge du lieu du délit, par exclufion & privation à tout autre Juge; mais feulement par prévention. L'effet de cette pré

vention, eft de donner au Juge du lieu du délit, le droit de requérir le renvoi de l'affaire à tout autre Juge qui en feroit faifi, & qui pourroit d'ailleurs en connoître fans cette revendication ou renvoi; par exemple, au Juge du domicile, ou à celui de la capture, dans le cas où ce dernier peut en être juge, ainfi qu'il fera dit ci-après, n. 27. Et c'est ce qui réfulte évidemment de ces termes Si le renvoi en eft requis, portés en l'article 1 du titre de l'Ordonnance de 1670; qui prouvent que fi le renvoi du crime n'est pas requis, un autre Juge que celui du lieu du défit, pourra alors en connoître; v. g. le Juge du domicile de l'accufé, ou de fa capture, comme on le verra ci-après. 6. 2°. Si l'on ignore l'endroit où le délit a été commis, & qu'il y ait à ce fujet conflit entre deux Juges voifins; ou s'il y a contef tation fur le lieu de la jurifdiction, il faut avant tout, que celui qui requiert le renvoi, prouve que le crime a été commis en fa jurifdiction; finon, celui qui aurà prévenu,sera préféré. (Voyez la Coutume de la Marche, ch. 3, art. 21 ; & celle d'Auvergne, titre des renvois, art. 9; Ita etiam, Baldus in L. fi vero, §. quod fi ex mediano, D. de his qui ejec. vel offend. & in L. 2, Cod. ubi de crimine agi oporteat ; Ita etiam Jul. Clarus, qu. 38, n. 11; & Farin. qu. 7, n. 51.)

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3° . Si le délit eft commis fur une riviere qui fépare deux jurifdictions, quelques-uns prétendent que c'eft au plus diligent des deux Juges, à en connoître. Ita, Pontanus fur l'article 17 de la Coutume de Blois ; Tronçon fur l'article 68 de la Coutume de Paris; & Bafnage fur l'article 13, titre 1 de la Coutume de Normandie, page 66; Ita etiam Bartolus in L. 1, Cod. de Claff. L. 11; Boerius, conf. 24, n. 14; & Decianus in tractatu criminum, tom. 1, lib. 4x cap 17, n. 29; où ces Auteurs difent, que fi un crime eft commis fur la mer, ce fera au Juge du lieu le plus proche, adjacent à l'endroit où le crime a été commis, qui en doit connoître. Il en eft de même des noyés trouvés fur le rivage; c'est au Juge ordinaire de l'endroit où eft trouvé le cadavre.

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Quand un homme eft trouvé mort fur les confins de deux jurif dictions, quelques-uns prétendent que la connoiffance en appar tient au Juge dans la jurifdiction duquel eft la tête; parce que c'est la principale partie du corps humain, & d'autres, que c'eft au Juge du lieu où les pieds du cadavre font fitués. Mais il paroît

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plus naturel en ce cas, de dire que c'est celui qui a prévenu, qui doit en connoître.

4°. Si le crime a été commis en deux Justices différentes; comme dans le cas de celui qui, étant dans le territoire d'une juftice tireroit un coup de fufil, & tueroit une perfonne qui feroit dans une autre jurisdiction, alors les deux Juges en peuvent connoître concurremment, & celui qui prévient, eft préféré. ( Ita Jul. Clar. qu. 38, n. 9; Farin. qu. 7, n. 46; d'Argentré fur la Coutume de Bretagne, art. 12, note 2, n. 1 ; & Legrand fur la Coutume de Troyes, art. 2, gl. 4, n. 24 & 25.)

Pour moi, il me femble que ce doit être le Juge du lieu où la perfonne eft tuée, qui doit connoître du délit, à caufe de la vifite, du cadavre, qui ne pourroit être faite par le premier Juge hors fon reffort; ou du moins qu'il y a lieu au renvoi devant le Juge du lieu où eft le cadavre, fi ce renvoi est requis.

5°. Dans les crimes fucceffifs; comme par exemple, fi quelqu'un bleffe une perfonne dans l'étendue d'une justice, & qu'enfuite il la pourfuive & la tue dans une autre Juftice; ou qu'après l'avoir liée dans l'étendue d'une Justice, il aille la dépouiller & voler dans une autre ; alors chacun des deux Juges en pourra connoître. (Ita, Farin. qu. 7, n. 45.)

De même, dans le crime de rapt, l'opinion commune est que tous les Juges, tant celui de l'enlevement, que ceux des différents lieux par où paffe le raviffeur avec la perfonne ravie, font en droit d'en connoître. (Ita Farin. qu. 7, n. 7; d'Argentré fur la Coutume de Bretagne, art. 12, note 2, n. 1 ; & Legrand fur la Coutume de Troyes, art. 2, gl. 4, n. 24 & 25. C'eft ainfi que s'en explique M. Puffort fur l'article 1 du titre 1 du Procès-verbal de l'Ordonnance de 1670, pag. 6. Voyez auffi la Loi 1, in fine, Cod. de raptu virginum, & Balde, in L. fi quis non dicam rapere, col. 5, Cod. de Epifcop. & Cler.)

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Cependant il paroît plus régulier (à ne confidérer la compétence que du côté du lieu du délit), de dire que c'eft au Juge du Heu de l'enlevement, ou du moins à celui du viol ou de la féduction consommée, à connoître du crime; & non aux différents Juges des lieux par où le raviffeur a paffé. C'est ainfi que le pense Farinacius, quæft. 7, n. quæft. 7, n. 45. Voyez 45. Voyez auffi d'Argentré fur la Coutume de Bretagne, art. 12, note 2, n. 1.) Ce qui doit

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cependant s'entendre en ce fens, que le Juge du lieu de l'enleve-ment ou du viol, a la prévention fur les autres Juges des lieux par où le raviffeur a paffé, qui peuvent à la vérité en connoître, mais feulement au défaut du premier. (Ainfi jugé par Arrêt de la Toupnelle du 5 Mars 1724.)

6°. Dans les crimes commis fucceffivement par deux ou plufieurs perfonnes, comme dans un mandat exécuté; v. g. fi l'on donne commiffion dans un lieu pour tuer une perfonne dans un autre, la regle générale eft que c'eft le Juge du lieu où le mandat reçoit fon exécution, qui en doit connoître; ro, parce que le crime du mandant & celui du mandataire ne forment ici qu'un feul & même délit, qui eft celui commis par le mandataire : 2o. parce qu'il eft vrai de dire que le lieu du délit, eft celui où se fait l'homicide, & non celui où fe fait le mandat; puisque le mandat nie fait pas le crime, & qu'il marque feulement une intention de le commettre; au-lieu que la confommation du délit, eft l'exécution de la volonté, qui attire tout ce qui précede l'effet, & qui par conféquent rend, non-feulement le mandataire, mais encore le mandant, fujets, pour raifon de ce délit, à la jurisdiction du lieu où il a été commis.

Farinacius, (qu. 7, n. 49, diftingue fur cette question, fi le crime est du nombre de ceux qu'on appelle atroces, & qui méritent d'être punis d'une peine extraordinaire, quand même ils n'auroient point été fuivis d'exécution. Il penfe que dans ce cas le mandant & le mandataire peuvent être punis l'un & l'autre dans le lieu où le mandat a été donné.

Si le crime eft du nombre de ceux pour lefquels le fimple mandat & la fimple volonté font punis de la peine ordinaire, quoique non fuivis d'exécution; comme dans les crimes de leze-majefté d'affaffinat prémédité, &c. cet Auteur prétend pareillement que le mandant, & le mandataire qui a accepté le mandat, peuvent être punis par le Juge du lieu du mandat; parce que relativement à la peine, il eft vrai de dire que le délit a été commis dans le lieu du mandat, fans confidérer fi ce mandat a été fuivi, ou non, d'exécution.

S'il s'agit au contraire de crimes pour lefquels le fimple mandat & la fimple intention ne font point puniffables de la peine ordinaire, lorfque cette volonté, ou ce mandat, n'ont point été fuivis d'exécution, Farinacius prétend que dans ce cas, fi le mandant eft fujet à la jurisdiction du lieu où le mandat a été donné, il pourra

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