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des danfeurs de corde; car comme ces gens-là expofent tous les jours leur vie auffi bien que leur ame pour diver tir les autres, il s'enfuit de là qu'on ne peut en confcience niles admirer ni même les regarder.

Des mauvaises chansons.

N parlera encore ici des mauvaifes chanfons & des

gereux, où l'innocence fait ordinairement naufrage.

Pour ce qui eft des mauvaifes chanfons, les mondains qui en jugent par les préjugés du monde, les regardent comme un amufement innocent, comme un moyen de fe délaffer & de fe défennuier: mais les Chrétiens qui en jugent par les regles de l'Evangile y trouvent un poifon fubtil, qui s'attache, pour ainfi dire, à la fubftance de l'ame, & qui corrompt les bonnes mœurs par les mauvaises impreffions que ces chanfons laiffent dans le cœur des perfonnes qui en font une partie de leur divertiffement & de Jeur joye.

S'il n'eft pas aifé de perfuader cette verité aux gens du monde, il est aifé de les en convaincre : car ces chanfons mêmes qui paflent pour les plus honnêtes, bleffent ou la verité par de fauffes louanges & par des flatteries plei nes de menfonge, ou la charité par des malignes railleries & par des calomnies, ou la temperance par des invi. tations à la débauche, ou la pudeur par des maximes d'amour. Or il eft certain que la flatterie, la raillerie malı. gne & la médifance font défendues, de quelque maniere qu'on en ufe. Saint Paul qui met l'ivrognerie au rang des pechez qui excluent du royaume de Dieu, n'auroit pas permis aux Chrétiens de fe faire un jeu de s'y inviter les uns les autres par des chanfons bachiques. Pour ce qui eft des chanfons d'amour, elles font encore certainement plus contagieufes, car rien ne fait plus de ravage dans les bonnes mœurs, parce que rien n'eft plus propre à allu mer dans le cœur le feu de l'amour impudique, & à y fai re entrer le venin de cette paffion détestable.

Ces chanfons d'amour font autant de leçons de galan terie, dont elles inspirent le goût & le fentiment. Leur effet le plus ordinaire eft d'accoutumer au libertinage, d'être un des principes des mauvailes mœurs qui desho.

C

norent la focieté, & de devenir par là une tentation qui dure toute la vie. Ces chanfons renferment de mauvaises femences qui germent peu à peu,& produifent enfin des fruits de mort.

L'ardeur fi paffionnée pour le plaifir, les invitations à jouir du beau tems de la jeuneffe, la crainte de voir paf fer le moment prefent d'une felicité paflagere, les foupirs fi souvent réiterés pour la poffeffion d'un objet frivole, toutes ces expreffions licentieufes qui retentiffent par tout dans les chanfons mondaines,font indignes des Chrétiens. Le faint Esprit les a foudroyé de fes anathêmes dans ces impies, dont parle le livre de la Sagefle.,, Employons, difent-ils, le moment prefent à fatisfaire nos fens, goutons tout ce que les créatures ont de charmes & de dou,, ceur, & hâtons-nous de jouir de tous les plaifirs que la jeuneffe peut fournir. Voilà le langage des impies, die le faint Efprit même.

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C'est une illufion de dire,qu'on peut s'occuper du chang fans penfer au fens des paroles,ni aux mouvemens qu'el. les peuvent exciter : car c'eft là précilement le danger, qui eft que pendant qu'on eft enchanté par la douceur de la melodie, ces mouvemens naiffent fans qu'on y penfe & plaisent presque fans être aperçus. Le feul ufage de la voix digne d'un Chrétien,eft de chanter des Pfeaumes & autres Cantiques fpirituels, compofez à l'honneur de Dieu & des Saints: c'eft pourquoi faint Jerôme écrivant à une Dame Romaine fur l'éducation de fa fille, lui recommande 1. qu'on ne lui enfeigne aucune chanfon profane. 2. qu'on l'accoutume au chant des Pfeaumes. Les peres & meres & tous ceux qui font chargés de l'éducation des enfans doivent leur inculquer que Dieu qui ne nous a pas donné des pieds pour danfer, comme dit faint Chrifoftome, ne nous a pas non plus donné la voix pour chanter des chanfons mondaines, mais pour chanter fes louanges: qu'une bouche qui a été ou qui doit être confacrée par la divine Euchariftie ne doit pas être fouillée par des paro les lafcives: que des oreilles deftinées à recevoir les inftructions de la foi ne doivent pas être proftituées à des airs qui infpirent la diffipation & la molleffe: & que chanter les cantiques du démon dans le temple du faint

Efprit, tel qu'eft un Chrétien, c'eft une abomination.

R

Des mauvais livres.

Ien n'eft plus dangereux pour le falut que la lecture

le bon air du monde, la pureté de la langue & le moyen de fe divertir à peu de frais, étouffent l'esprit de pieté, aprennent les vices les plus grands, font commettre une infinité de pechez, & enfin font la cause de la damnation de ceux qui les ont lus.

On entend parler ici des livres de galanteries, tels que font les romans, les comedies, certains recueils de con. tes, de lettres & de piéces de poefies, où le vice eft reprefenté avec des agrémens qui lui ôtent fa laideur & le ren. dent aimable, & où on enfeigne les moyens de plaire, d'infpirer & de donner de l'amour : en un mot, toutes ces hiftoires galantes qui ont un cours fi libre dans le monde & qu'on peut apeller des hiftoires qui aprennent à pécher, comme dit Horace.

Quel que foit un roman, l'amour en eft l'efprit dominant, c'eft cette paffion qui y regne par tout. Comme cette lecture attache beaucoup & qu'on y pafle infenfiblement d'une intrigue amoureufe à une autre, & qu'un evene. ment merveilleux eft fuivi d'un autre également furprenant, ce qui n'eft que fabuleux dans le roman, devient très-réel dans l'efprit de ceux qui s'apliquent à le lire.

Les jeunes gens qui fuivent leur penchant fans précau tion, prennent fans s'en apercevoir les fentimens des heros & des heroines des romans, & après s'être remplis de la morale doucereufe qu'ils y ont aprife, ils cherchent à la mettre en pratique, & n'en ont que trop fouvent les occafions & les moyens: ainfi ce qui n'étoit d'abord qu'une lecture amusante; aboutit à former des paffions dont on devient effectivement l'esclave.

Les livres où l'on employe fans ménagement des paro les fales & équivoques,ne plaifent qu'à des libertins declatés ; mais ceux où l'on ne met en œuvre que des expreffions honnêtes, ne laiffent pas que de féduire & de corrompre quand l'amour en eft le fujet, & qu'il eft repre fenté fans en infpirer en même tems une vive horreur.

On pourroit raporter ici plufieurs exemples qui prou.

Event la verité qu'on avance; mais pour ne pas trop groffir ce Livre, on raportera feulement celui de fainte Therefe, laquelle raconte qu'ayant lu des romans lorfqu'elle étoit jeune, ne croyant pas qu'il y eut du mal à lire ces fortes de livres, cette lecture produifit en elle le dégout de la pieté, la tiédeur dans la priere, la négligence dans tous les exercices fpirituels, l'empreffement de fe montrer, l'amour des parures & la recherche des modes; en forte que peu à peu la dévotion se rallentit & la grace s'affoiblit dans fon ame. Dans quel excez ne fut - elle pas tombée, fi Dieu par une grace finguliere ne l'eut arretée fur le bord du précipice, & ne lui cut ouvert les yeux pour lui faire voir l'abime où elle étoit prête de tomber?

Gardons-nous donc bien de lire aucun livre de galanteries, & fuions-les comme la pefte des bonnes mœurs. Ne difons pas que nous en prendrons ce qui fera bon, & que nous en laifferons ce qui en fera mauvais : car la lecture d'une page nous tirera infenfiblement à lire la fuivante, & nous aprendra des chofes qui feront la caufe de notre perte.

L

Du luxe des habits.

Es habits font fait pour couvrir notre corps & pour nous défendre des injures du tems, il feroit jufte d'en demeurer là pour suivre l'ordre de la nature qui eft celui

de Dieu.

Mais fupofant même qu'il foit permis de paffer plus loin pour s'accommoder à l'usage du pays l'on eft, & pour ne pas faire crier tout le monde contre nous, cela ne peut aller qu'à fuivre les perfonnes les plus modeftes de notre état. Voilà jufqu'où on peut condescendre à la foibleffe des hommes.

On ne veut donc point ici obliger les perfonnes à se faire taxer de fingularité parmi les méchans, & on veut bien fouffrir qu'il y ait quelque diftinction entre l'habil lement des veuves & celui des perfonnes mariées, ou qui font dans le deffein de l'être ; mais au moins on ne peut douter que ce qui va au de-là de cette forte de bienféance ne vienne du mal, & on doit convenir que les perfonnes qui pallent ces bornes, font portées à ce luxe par le défir de paroitte riches & élevées au deflus des autres : c'eft l'or,

gueil & la vaine gloire, c'est le défir qu'on nous loue& qu'on nous eftime, c'eft l'enflure de notre cœur, c'est le défir de fe rendre agréable à ceux qui ont la même vanité que nous, en nous diffimulant que nous irritons Dieu dans la crainte de déplaire à des infenfez.

Tous ces motifs qui nous portent à dépenser plus qu'il ne faut pour notre habillement, étant mauvais par eux. mêmes, n'ont garde de juftifier notre luxe ; & les dépenfes que nous faifons pour cela, ne fauroient manquer d'être condamnées de Dieu, quand elles ne feroient qu'inutiles. Car fi Dieu punit jufqu'aux paroles inutiles, quel compte ne nous demandera-t-il pas des dépenses auffi superflues que font celles que l'on fait pour se parer?

Mais outre l'inutilité de ces dépenfes, elles caufent fouvent bien des défordres ; car combien de perfonnes qui fe ruinent par ces folles dépénfes, & qui ruinent ceux qui leur ont prêté, les marchands qui leur ont fourni des étoffes, les ouvriers qui ont travaillé pour eux : com. bien cela fait-il fouvent de mauvais ménages entre les maris & les femmes, entre les peres & meres & leurs enfans ?

On demeure ailément d'accord que les dépenfes qui produisent de fi mauvais effets font visiblement criminel. les ; & plut à Dieu néanmoins qu'elles ne fuflent pas fi communes. Mais ceux mêmes qui ne dépensent point au de-là de leurs biens fe croyent-ils innocens ? n'autorifent-ils pas par leur exemple ce qu'ils avouent être crimi. nel, & n'en font-ils pas eux-mêmes la caufe? Car qu'eftce qui engage ceux qui ont peu de bien à faire des dépenfes exceffives pour s'habiller? Ce n'eft ordinairement que le défir de ne paroitre pas au deffous de ce que font tels & tels qui font de la même condition. Si donc ceux qui ont de grands biens font de grandes dépenses pour s'habiller ils font coupables de la ruine de ceux qui par un faux point d'honneur s'efforcent de les imiter, & font une des principales caufes de leur crime.

Mais ce n'eft pas moi, dites-vous, je n'aporte point de nouveau luxe & de nouvelle mode, je ne fais que fui vre le train des autres & le commun de ma condition. C'est-à-dire, qu'on veut fuivre la voye large par laquelle

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