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Dieu purifie par le feu de l'affliction, jufqu'à ce que nous foyons aflez purs pour être mis devant lui ; & que nous fommes une pierre que Dieu taille pour nous placer dans la Jerufalem celefte; qu'il faut fouffrir le cifeau jufqu'à ce que nous ayons reçu la forme que nous devons avoir pour tenir la place qui nous est destinée: Que le chrétien a été prédestiné pour être conforme à Jefus-Chrift, & que cette conformité confifte à le fuivre ici bas dans fes fouffrances pour entrer avec lui dans la gloire.

Si la maladie devient dangereufe, & qu'on ait affez d'accès auprès du malade pour lui parler avec quelque liberté, il faut le faire penfer tout de bon à l'autre vie, & le porter à recevoir les facremens & à donner à les affaires tout l'ordre qu'un bon chrétien doit y avoir donnée avant que de mourir. Il ne faut pas tant craindre d'épouventer le malade en lui reprefentant le danger de mort où on le croit, qu'il faut craindre de le laiffer partir de ce monde fans être difpofé à la mort, parce qu'on lui aura déguifé jusqu'à la fin le peril de mort où il étoit.

Il faut furtout porter les malades à quatre choses. s'ils n'y ont point fatisfait dans la fanté, où dès le com mencement de la maladie. 1. A se réconcilier avec leurs ennemis, & à le faire publiquement, fi leur inimitié a été publique; ce qui fe doit faire en envoyant querir ceux qu'ils ont offenfé, pour leur demander pardon, ou ceux dont ils ont été offenfez, pour leur pardonner de tour leur cœur. Si l'ennemi ne veut ou ne peut pas venir, il faut que le malade lui écrive ou lui fasse témoigner par fes amis la difpofition de fon cœur.

2. Il faut exhorter le malade à réparer le tort qu'il a fait au prochain en fes biens ou en fon honneur. Quant à la reftitution du bien d'autrui, foit qu'il l'ait derobé fecrettement, foit qu'il l'ait ufurpé d'autorité, ou qu'il l'ait acquit par des voyes illegitimes, il doit faire cette reftitution à ceux mêmes à qui il a fait tort, & s'ils font mort, à leurs heritiers, s'il les connoit, & s'il eft impoffible de les connoitre, quelque recherche qu'on en puiffe faire, il faut le donner aux pauvres, ni ayant rien de plus pernicieux pour le malade que de laiffer

aux fiens ce qui n'eft point à lui, & pour les heritiers que de les enrichir d'un bien illicite, qui fera la cause de leur ruine, en leur faifant perdre à la fin, le bien même qu'ils pourroient pofleder legitimement.

On peut rapporter à cette reftitution le payement des dettes que le malade aura contracté. Il lui eft important de le faire par lui-même, avant que de mourir, fans laifler ce foin à fes heritiers. Dans ce payemenr il doit bien prendre garde qu'il peut avoir des dettes qui l'o. bligent en confcience à rendre plus qu'il n'a emprunté ou reçu. Car, fi par exemple, faute de payer un mat. chand il lui a fait fouffrir quelque perte confiderable, s'il eft caufe de la ruine de ce marchand, il ne doit pas croire en être quitte devant Dieu en lui rendant feulement la fomme dont il lui eft redevable depuis longtems: ce payement qui eut fuffi, lorfqu'il recevoit la marchandife qui lui a été livrée, peut ne fuffire plus & il doit réparer le tort qu'il a fait par fa dureté à ne pas payer, & relever le créancier ou fa famille de la ruine dont il reconnoit devant Dieu qu'il a été la caufe.

Ce que l'on vient de dire de la reftitution, fe doit en. tendre pareillement de tout le tort que le malade peut avoir fait à quelqu'un en fes biens, de quelque maniere que ce foit, foit par procès, foit par ufure, foit par concuffion, foit en bleffant & eftropiant quelque pau vre, auquel il aura ôté le moyen de gagner fa vie & celle de fes enfans; car il eft obligé en confcience de réparer le tort qu'il a fait de quelque maniere qu'il l'ait

caufé.

Secondement s'il a fait tort à quelqu'un en fon hon. neur par des medifances & par des calomnies, il lui doit faire fatisfaction, en réparant autant qu'il lui est poffible, l'honneur qu'il lui a fait perdre; reconnoi tre publiquement la fauffeté des calomnies qu'il a vomi publiquement contre lui, & s'il doure de la verité des chofes qu'il a avancé fur le raport d'autrui, il doit le declarer & reconnoitre la temerité avec laquelle il a jugé fans fondement du mal de fon prochain, & a fait faire aux autres le même jugement.

3. Il faut porter le malade à réparer le fcandale qu'il

peut avoir donné, & à le faire cefler s'il dure encore. S'il y a par exemple chez lui quelque perfonne de mauvaife vie, c'eft un fcandale qu'il doit faire celler en le chaffant, & s'il a porté quelques personnes au peché, c'eft un fcandale qu'il doit réparer, en leur avouant qu'il a failli, & en les exhortant à imiter fon repentir, comme ils ont imité fon crime. Ceux qui ont fait pro feffion de quelque emploi in fame, font obligés d'en fai re une deteftation publique. En un mot il faut détruire le fcandale qu'on a caufé, qu el qu'il foit, par quelque chofe qui marque la douleur qu'on ena, & qui édifie ceux qui ont été fcandalisés.

4. Enfin la quatriéme chofe qu'il faut recommander à une perfonne qui eft da ngereufement malade, c'eft de mettre ordre à fes affair es, & de les débrouiller le plus qu'il pourra, afin de ne point laiffer des femences de procès, & le plûtôt qu'il pourra, afin de n'avoir plus qu'à penser à Dieu, & d'être libre pour confacrer à la méditation de la vie future les dernieres heures de la vie prefente. Si le malade a un teftament à faire, il eft bon de lui apprendre les regles que l'on a miles dans l'article qui fuit, afin de le faire chrétiennement.

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Inftruction pour faire un teftament chrétien.

Elui qui veut faire un teftament chrétien doit recommander qu'on le faffe inhumer fans pompe, & que n'omettant rien des prieres & ceremonies inftituées par l'Eglife, on retranche tour ce qui n'a été inventé que par la vanité des hommes, & ne fert de rien au falut de celui dont on fait les obfeques.

S'il y a des legs à faire, qu'on fupofe toujours ne devoir être faits qu'aprés toutes dettes payées, il doit prendre garde de regler tellement le bien qu'il veut faire à quelqu'un, qu'il ne faflè tort à perfonne. Saint Auguftin loue beaucoup l'action d'un Evêque de Car thage, qui ne voulut point recevoir pour fon Eglife & pour les pauvres un legs qu'un pere lui faifoit en desheritant fon fils. Le Teftateur doit prendre garde de fuivre les loix dans la difpofition de fon bien, & de ne donner que ce qu'elles lui permettent de donner.

Entre ceux à qui on veut laiffer quelque chofe, il ne
Y iv

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faur pas oublier les domeftiques qui ont fervi avec fidelité.

Les parens pauvres doivent être preferés aux riches, & par cette preference non-feulement on garde l'ordre de la charité, mais on pratique encore une action d'humilité, oppofée à l'orgueil des riches qui ne veulent pas paroitre avoir des parens pauvres. Cet orgueil n'eft que trop commun. On en voit fouvent qui font des aumônes avec liberalité à des étrangers, & ne peuvent pas fouffrir que des pauvres qui leur font parens aflés pro· ches, mettent le pied dans leur maison. Ils doivent s'allurer que leur orgueil gâte leurs aumônes, & que les cris de leurs patens qu'ils méprifent, feront plus écoutés de Dieu, que les benedictions des étrangers qu'ils afiftent.

Dans les legs qu'on fait aux Eglifes, la charité bien reglee fera avoit égard. 1. A celles à qui le Teftateur eft le plus obligé de faire du bien. 2.A celles qui en ont plus de befoin. Il eft plus obligé à la Paroiffe qu'à toute autre Eglife. S'il a des terres à la campagne, & que la Paroiffe du lieu où il a du bien foit pauvre, la preference qu'il lui donnera a celle de la ville qui eft plus riche, fera dans l'ordre. A l'égard des Monasteres, il eft jufte de preferer les plus reglés & les plus pauvres.

S'il determine à quoi il veut qu'on employe ce qu'il donne aux Eglifes, il doit choifir ce qui eft le plus neceffaire à ces Eglifes, & défendre qu'on y mette fes ar mes, ou quelques autres marques qui fervent comme dune trompette pour publier fon aumône, puifque Je fus Chrift défend cette oftentation orgueilleufe, & qu'il affure que plus l'aumône fera cachée aux hommes, plus elle fera recompenfée de Dieu pour qui feul elle aura été faite.

Si on veut faire quelque fondation dans une Eglife, & qu'il n'y manque rien pour l'Office public, on y peut fonder quelques Catéchifmes ou autres Inftructions neceffaires à la Paroifle: & comme il n'y a ordinaire. ment qu'une même école pour les garçons & pour les filles, ce qui eft fujet à de grands inconveniens, ce leroit une très-bonne œuvre de fonder une école feparée

pour les filles. On peut auffi fonder quelques lits de malade ou quelque aumône pour les pauvres du lieu, ou pour les paffans.

Un malade qui fait un teftament felon ces regles doit fe fouvenir, que c'eft faire un peu tard ce qu'il auroit dû faire plutôt : qu'il lui eût été plus avantageux d'avoir donné à Jefus-Chrift pendant fon vivant ce qu'il lui laiffe en mourant, & de pouvoir faire dire de lui comme on a dit de Saint Auguftin: Il n'a point fait de teftament,parceque s'étant rendu pauvre pendant la vie, pour l'amour de Jefus Chrift, il ne lui reftoit rien à Îaifler aprés fa mort.

Pour reparer en quelque maniere la faute qu'il a faite en ne faifant pas le bien qu'il auroit pû faire à l'Eglife & aux pauvres pendant fa fanté, qu'il le faffe au moins pendant fa maladie, & qu'il leur donne ce qu'il avoit envie de leur laiffer par fon teftament. Il executera ainfi les legs par lui même, & il envoyera devant lui ce qui lui doit faire obtenir mifericorde, & trouver place dans le Tabernacle éternel. Sur tout qu'il n'oublie pas de racheter fes pechés par de grandes aumônes, s'il a le moyen d'en faire puifque les riches n'ont prefque que cette voye d'affurer leur falut, & que de tout ce que l'on peut faire pour le falut de fon ame, il n'y a rien de plus efficace que l'aumône. Saint Chryfoftome ne craignant pas de dire, que le pauvre eft un Autel préferable aux Autels mêmes de l'Eglife.

C'E

:

De la préparation à la mort.

'Eft une chofe furprenante de voir que nous ne nous apliquons qu'à nous mettre en repos pendant cette vie qui finira bientôt, & que nous penfons fi peu à nous affurer le repos de l'autre vie, qui ne finira jamais. Nous ne voulons pas nous occuper de l'idée de la mort, parceque l'idée de la mort, de ce qui l'accompagne & de ce qui la fuit, nous effraye, nous trouble & c'eft en voulant éviter ce trouble de peu mens, que nous nous expofons & que nous nous livrons à des troubles éternels.

de mo.

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Le moyen d'éviter les fuites terribles de la mort, c'eft d'y penfer ferieusement pendant la vie. La mort n'eft terrible qu'à celui qui n'y a point penfé: Car ce

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