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notre état, de notre emploi, les pertes de bien, les maľadies, les peines de corps & d'efprit, les injures, les mau vais traitemens, la mauvaise humeur & les autres défauts des perfonnes avec qui nous vivons, & tout ce qui nous arrive contre nos défirs & contre nos inclinations. Ce font autant de penitences que Dieu nous envoye, que nous devons recevoir avec foumiffion, & que nous devons menager avec foin. Ne murmurons ni contre l'injuftice de ceux qui nous haiffent, ni contre la mauvaise humeur de ceux avec qui nous vivons: ils ne font les uns & les autres que les inftrumens dont Dieu fe fert pour nous châtier comme un bon pere, pour nous rendre di gnes de l'heritage qu'il nous prépare.

Aimons les fouffrances, les regardant comme de glorieufes parcelles de la croix de Jefus-Chrift, & des fources. de graces, comme un don de l'amour de Dieu & le fondement de notre efperance. N'écoutons pas les plaintes. de notre chair & de notre amour propre, mais écoutons Jefus Chrift qui nous invite à le fuivre chargés de notre croix; regardons dans cette vue tous les fujets d'affliction qui nous arrivent.

Il faut mortifier notre chair par un travail proportionné à nos forces, par une vie penitente : & encore plus mortifier notre efprit, notre volonté propre, notre propre fens, notre humeur, nos inclinations.

Apliquons-nous à retrancher l'amour & la jouiffance des créatures, à faire mourir l'amour de nous-mêmes, à bannir de notre conduite mille amusemens & bagatelles qui nous enlevent un tems deftiné à des occupations plus ferieufes : à nous reduire à la fimplicité des habits felon notre état & notre condition, & autant qu'une prudence & une bienséance chrétienne le permettent.

Il faut en ufer de même à l'égard des ameublemens, de la table, des bâtimens, des domeftiques, des équipa ges, & de tout ce qui eft dans l'ufage ordinaire.

Il n'y a point de caractere & de marque plus propre. d'une vertu vraiement chrétienne, que d'aimer à n'avoir tien de fuperflu, & de fe paffer de tout ce qui n'eft pas ab. folument neceflaire, dit faint Chrisoftome.

Jo. Dans la perfecution il faut beaucoup de charité, d'humi. lité, de courage, de patience, de pureté de cœur, de fidelité, de défiance de foi-même.

La perfecution eft un jugement terrible de Dieu à l'é. gard de ceux qui la font, & une finguliere mifericorde à l'égard de ceux qui la fouffrent C'eft pourquoi ceuxà qui Dieu daigne faire la grace de fouffrir pour la juftice & pour la verité, doivent toujours avoir un grand fenti ment de compaffion à l'égard de ceux qui les perfecutent prier beaucoup pour eux & avoir auffi une profonde humilité & une fincere reconnoiffance à l'égard de notre Seigneur Jefus Chrift, en confiderant la grace qu'il leur donne de fouffrir pour la même caufe, pour laquelle il a eu tant de zele de fouffrir, qu'il a pris un corps mortel & paffible comme le nôtre,& qu'il s'est réduit à un état d'anéantiflement, comme dit l'Apôtre. Il faut encore qu'ils fe propofent ce divin Sauveur pour modele: qu'en imitant la douceur & fon humilité, ils foient pleins de courage & de confiance: qu'ils ayent une patience qui n'ait rien de lâche ni de foible,& un courage qui n'ait rien de fuperbe ni d'amer. L'humilité fans le courage eft une baffeffe: & le courage fans l'humilité eft une présomption. Le courage fans la patience eft accompagné d'amertume & de colere mais la generofité chrétienne eft toujours humble & modefte, & l'humilité chrétienne est toujours genereufe & forte. Cette generofité eft patiente & tranquille, & cette humilité eft noble & élevée. C'eft l'amour de Dieu qui fait le courage & la force des Chrétiens; c'eft pourquoi ce courage faint eft accompagné de la patience, de la douceur & de l'humilité : au lieu que c'eft l'amour du monde qui fait le courage des mondains: c'eft pourquoi il eft accompagné de l'orgueil, de l'aigreur & de l'impatience.

Pour nous preparer à la perfecution & nous rendre capables de fouffrir chrétiennement, il faut nous apliquer par une priere affidue & avec une vigilance & une exactitude extraordinaire à purifier notre cœur, nos déúrs, nos affections, nos intentions, nos pensées; à n'avoir rien que de pur, , que d'édifiant, que de chrétien, que de faint dans nos paroles & dans nos œuvres ; à nous déga

ger de tous les interêts, de toutes les prétentions de cette vie, de tout ce qu'il y a de plus imperceptible & de plus fubtil dans les differentes cupidités. Le don de la fouffrance qui vient de Jefus-Chrift,comme le don della foi, demande tant de pureté de cœur, tant de fidelité, tant de renoncement à foi-même, tant de défiance de fes propres forces, tant de vigilance fur l'engagement où l'on eft de fouffrir, & fur la conduite que l'on doit tenir en fouffrant, que la moindre impureté de cœur, la moindre infidelité, le moindre attachement à foi même, la moindre vanité, la moindre prefomption, le moindre relâchement, la moindre negligence, le moindre refpect humain eft capable de rendre ce don defectueux & languif. fant, de lui ôter la meilleure partie de fon merite, & de nous le faire perdre tout à fait.

Il faut que nous foyons preparés à fouffrir de telle forte que nous nous offrions à Dieu, pour accepter tout ce qui peut imaginer de plus fâcheux, de plus violent & de plus cruel.

Ne regardons rien de fâcheux en cette vie que de perdre Dieu, que Dieu difpofe de tout le refte comme il lui. plaira. Il fait la raifon de ce qui nous arrive, lui qui eft le maitre de notre vie. Craignons feulement de faire quelque chofe qui foit indigne d'un Chrétien. Il fait par quelle voye il doit nous mener pour nous faire aller au Ciel : s'il a choifi pour nous celle des fouftrances, foumettons-nous à fa volonté & ufons de nos peines de telle forte, que nous les faffions fervir à purifier notre ame & à la rendre capable de jouir bientôt de lui.

La perfecution ne décourage point un veritable Chré. zien. Il fait que l'honneur des vales d'or n'eft point de ce monde que cette vie eft le tems d'être fous le marteau & le cifeau des afflictions & des oprobres. Il ne peut être exilé fur la terre, parce qu'il regarde toute la terre comme un exil où il eft né,& qu'il peut tendre vers fa patrie en tour lieu, parce qu'il trouve Dieu & fe met fous la protection. en tout lieu.

Si nous avons à combattre, fouvenons-nous toujours que c'eft fous Jefus Chrift que nous combattons: qu'il eft notre chef, notre deffenfe, notre force : que c'eft lui qui combat & qui furmonte en nous.

Biv

11. Il faut defirer ardemment de nous réunir à Jesus-Chrift dans le Ciel, mourir de bon cœur.

Ayons un grand defir de nous réunir à Jesus-Chrif dans le ciel Levons fouvent les yeux vers cette celeste patrie Meprifons les biens, les honneurs & les plaifirs de ce monde : Détachons notre cœur de tout ce qui finit, & afpirons fans ceffe a la bienheureuse éternité.

Qui a toujours été fur la terre comme dans un exil, regarde la mort comme un rapel de grace & de mifericorde, il foupire aprés le moment où il doit fortir des miferes de cette vie & entrer dans le bonheur éternel.

Nous fommes obligés d'exciter continuellement es nous ce defir de la mort. Saint Auguftin dit qu'on ne peut être Chrétien fans ce defir. En effet on n'est point Chrétien fans la foi; or quelle foi a un homme qui craint de quitter une vie, pendant laquelle il eft à chaque moment en danger de perdre la grace de Dieu, & de faire une chute irréparable; & qui fouhaite que le moment qui pouroit le faire jouir de Dieu, s'éloigne toujours de lui. Faifons une ferieuse attention à cette verité fi peu con. nue de la plupart des Chrétiens, & voyons où nous ea fommes. Repaflons fouvent dans notre efprit ces paroles du même faint Auguftin : Que celui qui ne gemit pas fur la terre comme un exilé, n'aura jamais part à la jove des citoyens du Ciel.

Il faut à l'exemple de Jefus-Chrift notre Chef, que notre vie ne nous foit point arrachée comme par violence, mais que nous la rendions de bon cœur à Dieu qui nous l'a donnée: c'eft une hoftie, il faut qu'elle foit volontai⚫ re: c'eft un hommage, il doit être plein de foumiffion: c'est une restitution, il faut la faire avec l'amour de la juftice: c'eft une fatisfaction, elle doit être humble.

12. Il faut reprendre le prochain avec charité

avec prudence.

Reprenons charitablement & prudemment le prochain, nous fouvenant que la correction fraternelle eft un devoir, mais que c'en eft un auffi de la faire d'une maniere utile,& d'éviter tout ce qui la peut rendre infru. ctueufe & même domageable, comme font les manieres dures, élevées, indifcretes, publiques & autres manieres choquantes.

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S'il ne veut pas profiter de nos avis charitables, couvrons fes fautes à ceux qui peuvent y remedier; & fi -nous ne sommes pas en état d'y remedier ni par nous ni par d'autres, prions au moins Dieu qu'il lui ouvre les yeux & qu'il lui touche le cœur, afin qu'il reconnoiffe fa faute, qu'il s'en corrige, & qu'il en faffe penitence. 13. Il faut écouter avec docilité & reconnoiffance les

avertiffemens qu'on nous donne.

Ecoutons avec docilité les avertiffemens qu'on nous donne touchant nos fautes & nos defauts: humilions. nous-en fincerement; travaillons fortement à nous en corriger, & ayons de l'amour & de la reconnoillance pour les perfonnes qui nous reprennent.

14. Il faut regarder les chutes des autres avec compassion avec humilité.

Ayons beaucoup de compaffion des chutes des autres, humilions-nous fincerement à la vue des graces que Dieu nous a faites, & des pechez où nous tomberions s'il ne nous foutenoit. Adorons la mifericorde de Dieu fur nous, efperons-la pour les plus grands pecheurs prions pour eux; craignons pour nous; ils peuvent fe relever & fe fauver,nous pouvons tomber & nous perdre.

Saint Moyfe folitaire aprés avoir été un voleur, un homicide, un impudique, devint un grand Saint; au lieu que beaucoup de Chrétiens dont la vie eft exemte de ces grands crimes, feront peut-être exclus du royaume de Dieu. La caufe de ce malheur vient fouvent de ce que femblables aux Juifs nous comptons fur une juftice & (ur des vertus exterieures', comme fi elles venoient de nous. Nous admirons la puiffance de la grace de Dieu qui convertit les voleurs, les homicides & les impudiques, & nous ne penfons pas que c'eft cette grace qui nous a empêché de l'être.

15. Il ne faut pas juger temerairement ni mépriser,
ni railler les autres, ni en médire.

Gardons-nous bien de faire des jugemens temeraires, d'avoir du mepris pour les autres, & d'en faire des railleries. Gardons-nous fur-tout de la médifance, dont on fe rend coupables en tant de manieres, comme il est marqué ci-aprés dans l'article IX, de l'examen inftructif fur le huitiéme Commandement de Dieu.

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