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16. Il faut être doux, affable, patient, fecourable envers tout le monde.

Soyons doux & affables à l'égard de tout le monde: ne nous laillons jamais aller au moindre mouvement de colere ne difons jamais rien, quand nous nous fentons émus : réparons fur le champ les moindres fautes que nous avons commifes contre la douceur.

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Suportons avec patience la groffiereté, la mauvaile humeur, & les autres imperfections du prochain. La cha rité ménage les imparfaits pour les gagner à Dieu.

On fait aifément une generofité éclatante à un enne mi declaré pour se faire honneur devant les hommes, mais c'est une chose bien rare de parler avec bonté, avec douceur, avec cordialité à une perfonne dont l'humeur ne revient pas à la nôtre, ou dont nous avons reçu quei. que déplaifir.

Soyons prompts à fecourir tous ceux qui implorent notre affiftance; eftimons comme un grand avantage de pouvoir être utiles aux autres. Obligeons plus volontiers. les perfonnes qui nous reviennent le moins, & dont nous n'attendons aucune reconnoiffance, & Dieu fera luiméme notre recompenfe.

Aimons nos ennemis mêmes; faifons leur tout le bien, que nous pourrons, afin que Dieu nous faffe mifericorde. Ne fongeonsjamais à nousvanger de quelque maniere que ce foit,& ne nous plaignons point de ce que l'on ditou fait contre nous, puifque nous devons être perfuadé que les perfonnes qui nous caufent de la peine, font la caufe de notre falut. Voyez ce qui a déja été marqué fur ce fujet dans la premiere Partie de ce Livre, pag. 57. 17. Il faut aimer les emplois vils & humilians le filence & la retraite, & marcher en la presence de Dieu.

Aimons les emplois qui font bas, confiderant que rien n'eft au deflous d'une perfonne qui a offenfé Dieu, & qui fe dit ferviteur d'un Dieu anéanti, & qu'il y a moins de danger & plus de mérite, où il y a moins d'amour propre.

Aimons le filence, puifque ceux qui parlent beaucoup s'expofent à faire beaucoup de fautes.

Aimons la retraite, c'eft à dire, à être seul, car l'ef

prit de Dieu ne fe communique pas dans le tumulte. On apprend a fe connoitre, on travaille efficacement à fe cor riger, on entend Dieu, & on lui parle dans la retraite.

Soyons fidelles à marcher en la prefence de Dieu. Le moyen de lui être toujours fideles, c'eft de l'avoir toujours en vue, marcher devant Dieu, tendre toujours à Dieu, lui rapporter tout comme à notre fin, n'avoir d'autre but que de lui plaire, d'autre crainte que de lui déplaire, le regarder en tout lieu & en tout tems comme le juge & letemoin de nos actions, de nos paroles, de nos pensées : c'cft le prefervatif le plus sûr contre tout peché, le remede le plus efficace contre toute tentation, le moyen court pour arriver à une fainteté digne de lui. 18. Il faut éviter toute dépense fuperflue, faire un bon usage. de la pauvreté des richeffes.

Conduifons nos affaires temporelles avec le plus d'or. dre que nous pouvons, ayant un grand foin de ne faire aucune dépenfe fuperflue, afin d'être toujours en état de ne rien devoir à perfonne : ou fi nous avons quelque dette, d'y fatisfaire promptement, & de pouvoir attendre & donner du tems à ceux qui nous doivent : car c'eft une injustice criante de fe mettre par un défaut de conduite dans l'impuiflance de payer ce que l'on doit, & c'est manquer de charité d'exiger avec dureté ce que les autres nous doivent.

Si nous fommes pauvres, eftimons-nous heureux d'être exemts des dangers du falut qui accompagnent les richeffes, & d'être dans un état plus conforme à celui de Jefus Chrift. Ayons l'efprit de pauvreté, c'est-à-dire, ne rougillons point de notre pauvreté: au contraire foyons bien aifes de paroitre pauvres : fouffrons volontiers les incommodités de la pauvreté : ne defirons pas d'être riches fur la terre. C'eft dans ces difpofitions que confifte la pauvreté d'efprit abfolument neceffaire pour poffeder les richefles immenfes du Ciel.

Si nous fommes riches, ne confiderons les richeffes que nous poffedons que comme des moyens que Dieu nous a donné pour gagner le Paradis, en les employant à de bonnes œuvres. Veillons toujours fur nous mêmes, de peur que notre cœur ne s'y attache & ne fonde fon repos & fon

efperance fur elles, ou de peur qu'elles n'enflent notre e prit d'orgueil, qui eft le ver ordinaire des richeffes. Re gardons-les comme le bien des pauvres, dont Dieu nous a confié l'adminiftration & dont nous ne fommes que les œconômes & les difpenfateurs.

Dieu veuille que ce ne foit pas la dureté de notre cœur plutôt que notre impuiffance, qui nous fait tous les jours renvoyer les pauvres avec ce compliment: Dieu vous affifte: Nous les renvoyons à la providence, & c'est la providens ce qui nous les envoye.

La plupart du tems on affifte les pauvres par un fentiment naturel de compaffion. Un bon payen en feroit bien autant, & les Turcs le font. Mais il faut regarder JesusChrift dans la perfonne des pauvres, fi nous voulons que notre aumône foit chrétienne, & que Jefus-Chrift reçoive comme fait à lui-même ce que nous faifons aux pauvres. Cette vue doit nous porter à affifter les pauvres avec zelo, avec empreffement, avec joye, avec tendreffe, fachant que nous devons tout cela à Jefus-Chrift, & devant nous eftimer trop heureux de trouver l'occafion de le fervir & fecourir. Or nous fommes affurés par la foi que Jefus Chrift refide dans les pauvres : il faut donc reveiller notre foi, en regardant Jefus-Chrift dans la perfonne des pauvres.

19. Il faut avancer dans la vertu✪ craindre toujours, faus nous repofer fur ce que nous faifons de bon, ni fur les louanges qu'on nous donne, ni fur nos belles lumieres.

Ayons une grande ferveur à avancer de plus en plus dans la vertu. Si nous n'avançons dans la perfection, nous retournerons en arriere; & Dieu nous rejettera.

La perfection de cette vie confifte à connoitre notre Imperfection & à nous humilier. Par confequent il n'y a point de gens moins parfait que ceux qui s'imaginent l'être, ni de plus en danger que ceux qui croyent n'avoir rien à craindre. Tout manque à celui qui croit que rien ne lui manque : parce que l'humilité, qui eft le fonde. ment de tout, lui manque. Faifons beaucoup moins d'at tention au bien que nous faifons qu'à celui que nous negligeons, & prenons garde de ne nous pas laiffer endor. mir au bruit agreable d'un monde flateur qui loue une

perfonne de la moitié de fon devoir qu'elle fait, pendant que Dieu la condamne pour l'autre moitié qu'elle ne fait pas.

Prenons bien garde que ce n'eft point dans la connoiffance, mais dans la pratique, que confifte la pieté; & la connoiflance dont on ne fait pas ufage, ne fervira qu'à la condamnation. Mon Dieu, qu'il y a loin de l'efprit au cœur & de la fpeculation à la pratique ! Unefprit tout brillant de lumieres, plein de belles idées fur la Religion, dont il fe fait honneur, fouvent n'eft que tenebres dans le cœur, & tout de glace pour l'observation de la loi de Dieu.

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Autres avis importans touchant le petit nombre des fauvés le grand nombre des damnés.

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Uoique tous les hommes ayent été tirés du néant & mis au monde pour être éternellement heureux avec Dieu dans le Ciel; néanmoins il y en aura peu de fauvés, comme Jesus-Christ qui est la verité même, nous en aflure.

Il nous eft très-important de favoir d'où vient qu'il y en doit avoir fi peu de fauvés & un fi grand nombre de damnés, afin que nous aprenions avec foin & travaillions avec courage à éviter ce qui pourroit nous damner.

1. Une des principales caufes de la damnation de tant d'ames eft l'indifference effroyable qu'on a pour fon falut. On eft plein d'ardeur pour la moindre affaire de la terre, & on n'a que du dégour pour tout ce qui regarde Dieu, la Religion, nos ames & le Ciel. On prend des affurances & des mefures infinies pour la moindre affaire de cette vie ; & on marche au hazard dans l'affaire de fon falut, ne daignant pas feulement regarder à quoi doit aboutir ce qu'on va faire, fi cela nous avancera vers le Ciel ou vers l'enfer.

2. Une autre caufe de la damnation d'un fi grand nombre, eft qu'on ne fait aucun ufage des moyens du falut; on rend inutiles, ou on tourne en poilon les remedes, ou on abufe des chofes les plus faintes.

Premierement on n'aime pas la priere, qui eft abfolument neceffaire au falut, puifque c'eft le grand moyen d'obtenir de Dieu fes graces: & ceux même qui recitent

beaucoup de prieres,ne prient pas,parce que les fentimens de leur efprit, les affections de leur cœur, leur conduite & leur vie,dementent les paroles de leur bouche: de fort que leurs prieres font plutôt des menfonges & des hipo. crifies continuelles, qui au lieu de leur attirer les gracet de Dieu, leur attirent fa malediction.

Secondement on écoute la parole de Dieu, comme fi c'étoit la parole d'un homme qui nous l'annonce : on l'é coute avec un efprit de curiofité & de critique, ou avec dégout & ennui, fans un vrai défir de connoitre les vo lontés de Dieu & de les accomplir: 'on ne prend aucun foin de faire fructifier cette parole, on fe laiffe emporter par les embaras & les inutilités de cette vie.

Troifiémement on affifte au faint facrifice de la Messe par coutume, fans aucune difpofition, fans aucune con. noiffance de ce grand & terrible facrifice, fans faire l'ulage que l'on doit faire de cette divine hoftie, qui y eft immolée. On y affifte fans reflexion, fans regret d'avoir offenfé Dieu, fans refolution de changer de vie, fans adorer Dieu, fans le remercier de fes graces, fans offrir au Pere éternel fon Fils Jefus Chrift pour obtenir de lui, par les merites de cette divine offrande, les graces de la converfion, de la penitence & de la perfeverance dans l'amour de Dieu, & la bonne vie.

Quatrièmement on fe contente de recevoir les Sacrémens de Penitence & d'Euchariftie, fans fe mettre en peine des facrileges qu'on commet en les recevant mal. Or on les reçoit mal, quand on fe contente de dire qu'on a regret d'avoir offenfé Dieu, & qu'on ne veut plus l'offenfer à l'avenir; lorfque non feulement on n'a pas éprou vé li ce regret & cette volonté font fincerès, mais que même on refufe de prendre le tems & les moyens de les rendre tels qu'on feroit faché de trouver des directeurs éclairés qui nous obligeaflent à quitter pour toujours le peché & les occafions du peché, à faire de dignes fruits de penitence & à nous acquitter fidelement de tous nos devoirs : & qu'on aime mieux en trouver qui nous laif. fent mener une vie molle, feculiere, vicieufe. C'est une des caufes des plus ordinaires de la perte des ames, que les Confeffeurs ignorans ou relachés, qui souffrent tout au

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