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L

CHAPITRE

XIII.

De l'ancienne Congregation de Fuldes en Allemagne.

'Abbaïe de Fuldes eft fans contredit la plus noble & la plus illuftre d' 'Allemagne, non feulement à caufe de ses grandes richeffes & du grand nombre d'Abbaïes & de Prieurés qui en dépendoient, mais encore à caufe des prérogatives accordées à l'Abbé de ce Monaftere qui eft Prince de l'Empire, Primat & Chef de tous les Abbés d'Allemagne,& Chancelier perpetuel de l'Imperatrice. Saint Boniface Archevêque de Mayence & Apôtre d'Allemagne, fut le principal Fondateur de cette fameuse Abbaïe. Če Saint qui s'étoit fervi de Religieux pour être fes coadjuteurs dans la Conversion d'une infinité de peuples en Allemagne,& qui fe fervoit auffi d'eux dans d'autres affaires, fouhaitoit y bâtir un celebre Monaftere pour les y établir. Il avoit déja fondé ceux d'Ordoff & de Friflar ; mais ils ne fuffifoient pas pour le grand nombre d'Ouvriers Apoftoliques qui le foulageoient dans fes travaux, faché de voir que faint Sturme l'un de fes Difciples, s'étoit retiré avec quelques Compagnons dans le défert d'Hersfeld, où ils étoient tous les jours expofés aux infultes des Saxons, il leur ordonna de s'établir dans un autre lieu. Ils en trouverent un plus commode proche la riviere de Fuldes dans le païs de Buchow, qu'on appelloit autrefois Grapfeld, entre la Heffe, la Franconie, & la Thuringe.

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Ce lieu qui s'appelloit Eiloba, appartenoit à Carloman Duc & Prince des François, que faint Boniface alla trouver pour le prier de le lui donner afin d'y établir une Communauté de Religieux: ce que perfonne n'avoit encore fait en ce païs. Non feulement Carloman le lui accorda avec une étenduë de quatre mille pas aux environs mais il exhorta encore les Seigneurs de fa Cour de contribuer à l'établiffement de ce Monaftere; ce que la plupart aïant fait, faint Sturme y conduifit fept Religieux l'an 744. & deux mois après faint Boniface y fit bâtir une Eglife avec le Monastere qui prit le nom de la riviere de Fuldes qui y paffoit. Saint Sturme en fut le premier Abbé. En peu de tems le nombre

CONGRE

GATION DZ

FULDES.

GATION DE

BULDES. des Religieux augmenta de telle forte, & les biens que l'on fit à ce Monastere furent fi confiderables, qu'il y eut plus de cinq cens Religieux qui y demeurerent du vivant même de faint Sturme. Saint Boniface pendant qu'on travailloit aux édifices de ce Monaftere, se retira fur une montagne voisine depuis appellée pour ce fujet le Mont de l'Evêque, & y paffa tout le tems qu'il y demeura, dans l'Oraifon & dans fa lecture des Saints Peres. Etant retourné à Fuldes, il exhorta les Religieux à bien pratiquer leur Regle, leur ordonna de ne prendre aucune boiffon qui pût enyvrer, & de fe contenter d'un peu de petite biére : mais la Communauté s'étant augmentée notablement, cette rigueur fut moderée du tems du Roi Pepin le Bref ; & dans un Concile il leur fut permis de boire du vin à caufe de ceux qui étoient foibles & infirmes. Il fe trouva néanmoins un grand nombre de Religieux qui ne voulant point se fervir de cette permiffion, ne bûrent point de vin tout le tems de leur vie.

Les bâtimens de Fuldes étant achevés, l'extrême defir que les Religieux avoient de bien obferver la Regle de faint Benoît, les fit réfoudre d'envoïer quelques-uns d'entr'eux aux grands Monafteres pour y remarquer la difcipline reguliere, & la pratiquer enfuite dans toute fon exactitude. Ils en parlerent à faint Boniface,qui approuvant leur deffein, choifit pour ce voïage faint Sturme qui alla au Mont-Caffin, où il demeura quelque tems, comme nous avons dit ailleurs, pour s'inftruire parfaitement de toutes leurs pratiques regu fieres. Saint Boniface remarquant que ces Religieux étoient pauvres & avoient peine à fubfifter, leur donna quelques terres, pour fubvenir à leurs befoins : & ce fut à la priere que Carloman augmenta encore le territoire de Fuldes de trois mille pas, de forte qu'il contenoit fept milles de tour. Ce Prélat pour affermir davantage cet établissement, obtint an Privilege du Pape Zacharie qui foûmettoit ce Monaftere: immediatement au Saint Siége: & pour marque de fon affe&tion, il y voulut être enterré. Ce Saint fut martyrifé par Frifons l'an 755. Son Corps fut d'abord enterré à Utrecht; mais les Religieux de Fuldes l'allerent chercher pour tranfporter dans leur Abbaïe, comme ce Saint l'avoit foûhaité.

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le

Après la mort de faint Boniface, faint Sturme ne pur

GATION DE

éviter la malignité de la calomnie. Saint Lulle avoit fucce- CONGRE dé à faint Boniface dans l'Archevêché de Maïence. On FULDES. prevint ce Prélat contre ce faint Abbé; il fe trouva des faux Freres dans fa Communauté, qui l'accuferent de n'être pas affectionné au service du Roi qui étoit alors Pepin le Bref, ce qui le fit releguer dans le Monaftere d'Unnedice, où plûtôt Jumieges, au Diocêfe de Roüen. Saint Lulle en fon abfence obtint du Roi que le Monaftere de Fuldes lui feroit foûmis, & y nomma pour Abbé un de fes Domeftiques appellé Marc. Mais les Religieux refufant de fe foûmettre à ce Pafteur, qui étoit étranger & qui ignoroit leurs usages & leurs loix, fortirent du Monaftere pour en aller porter leurs plaintes au Roi, qui leur permit de choisir un Abbé. Celui qu'ils élurent fut le venerable Prefzolde, qui aïant été difciple de faint Sturme dès fa plus tendre jeuneffe, chercha auffi-tôt les moïens de procurer le retour de fon maître, qui fut rappellé d'exil deux ans aprés par Pepin. Ce Prince ne se contenta pas même de le renvoïer avec honneur à Fuldes; il voulut encore qu'il fût rétabli dans fa dignité d'Abbé, il retira auffi ce Monaftere de la jurisdiction de l'Evêque de Mayence, & confirma le Privilege que le Pape Zacharie lui avoit accordé, en le foûmettant immediatement au Saint Siége. Il le prit de plus fous fa protection, & lui donna Omftat avec fes dépendances.

Annal. Be

Thomaff.

lib. 3. cap.

30. n.

Le Pere Mabillon rapporte tout au long ce Privileg du Mabillon, Pape Zacharie, afin que perfonne n'en puiffe douter, & fait nedict.Tom obferver enfuite, aprés le Pere Thomaffin, qu'avant ce II. p. 156. Pape il n'y avoit aucune Abbaïe qui fût foûmife immedia- Difcipl.Ec tement au faint Siége. Elles étoient pour lors reputées lors reputées ou clef. part. 12 exemtes de la jurifdiction de l'Evêque Diocéfain, ou soûmises au Metropolitain, ou aux Affemblées des Evêques qui étoient frequentes en ce tems là, ou au Patriarche par une condition tacite, quoique cela ne fût pas marqué precifément par le Privilege. Nous en rapporterons quelques exemples. Saint Theodore Siceote Evêque d'Anaftafiopole, aïant renoncé à l'Epifcopat, reprit la conduite des Monafteres qu'il avoit fondés, & dont il avoit été tiré quelque tems aprés fa retraite. Vers l'an 597. étant venu à Conftantinople, il obtint de grands privileges pour fes Monafteres, qui furent exemtés de la jurifdiction de tout autre Evêque, &

GATION DE

CONGRE foûmis feulement à l'Eglife de Conftantinople. Le Pape faint FULDES. Gregoire accorda l'an 598. un Privilege à l'Abbaïe de Claffe dans le Diocêfe de Ravene, par lequel entr'autres chofes il défendit à l'Evêque de prendre connoiffance des revenus de ce Monaftere, & d'en rien diminuer, de fouftraire aucun titre, d'ordonner aucun Clerc fans le confentement de l'Abbé, & d'en tirer aucun Religieux malgré lui pour gouverner d'autres Monafteres. Trois ans après le même Pape dans le Concile de Rome, où foufcrivirent vingt & un Evêques & treize Prêtres, fit une Constitution en faveur de tous les Moines, qui n'eft qu'une confirmation & une extenfion du Privilege accordé à l'Abbaïe de Claffe: car il défendit de plus aux Evêques de celebrer des Meffes publiques dans les Monafteres, d'y mettre leurs Chaires, ou d'y faire le moindre Reglement, à moins que ce ne fût à la priere de l'Abbé qui devoit toûjours avoir les Moines en sa puiffance.

Annal. Be

Les Monafteres fondés par les Empereurs tant d'Orient que d'Occident, étoient entierement exemts de la jurifdiction des Evêques & des Archevêques. Nous avons un exemple de cette exemption en Occident dans le Monaftere de Pescara au Roïaume de Naples, qui a été autrefois le plus Mabillon, celebre en Italie, qui fut même appellé la Maifon d'Or, tant nedict.Tom. à caufe de la magnificence de fes bâtimens que de fes reveIII. p. 132. nus immenfes. Il fut fondé par l'Empereur Loüis II. l'an 866. & lui fut entierement foûmis, & les Evêques de la Penna n'y prétendirent jamais aucune jurisdiction spirituelle avant l'an 951. que Jean Evêque de la Penna tenta, mais inutilement, de le foûmettre à fon autorité: & même les Re ligieux de ce Monaftere avant le Pontificat de Leon IX. ne s'étoient point adreffés à Rome pour avoir des Privileges, croïant que l'autorité de l'Empereur fuffifoit pour maintenir leurs immunités. Une des prérogatives dont jouiffoit l'Abbé de ce Monaftere, c'eft qu'il fe fervoit du Sceptre de l'Empereur Loüis, au lieu de bâton Pastoral, comme on le peut voir dans la figure que nous donnons d'un de fes anciens Abbés, que nous avons fait graver d'après celle, que le P. Mabillon a donnée dans le cinquième Tome de fes Annales Benedic rines. Les Rois de France ont prétendu auffi avoir le même pouvoir fur les Monafteres de leurs fondations, & le Doge

de

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