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GATION DE
SAUVE-

Fétourné à Corbie, que les Religieux de faint Vincent de CONGRELaon le demanderent pour Abbe, à la place de celui qui venoit de mourir, lequel étoit frere de nôtre Saint: il y MAJOUR fut donc envoïé: & comme ces Religieux s'étoient éloignés des Obfervances Regulieres,& étoient tombés dans un grand relâchement, fi-tôt qu'il y fut arrivé, il mit toute fon application à les exciter à la pratique des vertus,afin de rétablir la Regularité:il tâcha de les gagnerpar fon humilité & fa douceur. Il étoit le premier à tous les exercices,pour leur donner exemple: mais voïant qu'il avoit affaire à des gens incorrigibles ; il les quitta,& alla fe renfermer à Soiffons dans le Monaftere de faint Medard, où il fut Abbé quelque tems après.

Saint Arnoul gouvernoit alors ce Monaftere: on l'y avoit fait Superieur malgré fa resistance, à la place d'un Ufurpateur & faux Moine nommé Ponce.Ce faint Homme fe voïant inquiété par les Officiers du Roi Philippe I. au fujet de quelques droits qu'on vouloit exiger de fon Monaftere, il fut obligé de quitter l'Abbaïe, & Gerard fut choisi à sa place. Mais Ponce Ufurpateur vint à Soiffons avec quelques Soldats en la compagnie de la Reine Berthe, qui le foûtenoit, & joignant la violence à l'authorité du Roi, il chassa Gerard de l'Abbaïe, qui aïant cedé à la force, seretira avec quelques Religieux de ce Monaftere, qui ne voulurent pas le quitter, & alla fous les ordres de la Providence chercher quelque folitude dans ce Roïaume, où il pût vivre inconnu & fans trouble dans la penitence.

Après avoir fait fes dévotions à faint Denis en France, à fainte Croix d'Orleans & à faint Martin de Tours, il paffa la Loire & entra dans le Poitou. Il fe préfenta à Guillaume VII. Comte de Poitiers & Duc de Guienne, qui prit plaifir à entretenir Gerard fur les vûës qu'il avoit de fervir Dieu dans un lieu entierement feparé du monde, & inconnu aux hommes ; & comme ce Prince témoignoit un grand desir qu'il s'arrêtât & fe choisit une folitude dans fes Etats, un des affiftans nommé Raoul, qui étoit Prevôt de la ville ou de l'Eglife de Bourdeaux, dît à ce Prince qu'il y avoit un lieu propre à retirer des Solitaires dans un bois du Diocéfe de cette ville. Le Duc chargea Raoul du foin d'y conduire le Saint avec fes Compagnons. Ce lieu s'appelloit SilveMajour ou grande Forêt,à présent Sauve-Majour, à fix

Tome V.

Tt

CONGRE- lieues ou environ de Bourdeaux dans le païs qu'on nomme GATION DE des deux mers. Gerard s'y rendit l'an 1077. & par les liberaMAIOUR. lités du Duc de Guienne, il y bâtit un Monaftere, qui fut

SAUVE

en état d'être habité l'an 1079. Il y reçut un grand nombre de Difciples, à qui il fit fuivre la Regle de faint Benoît. Plufieurs perfonnes y venoient auffi pour recevoir de lui des inftructions, & après les avoir entendus en Confession, il leur impofoit à tous de jeûner le Vendredi & de s'abstenir de viande le Samedi : ce qui fait voir que l'ufage de l'Eglife d'aujourd'hui au fujet de l'abstinence, n'étoit pas encore établi pour lors en Guienne.

Son Monaftere n'étant pas affez grand pour recevoir ceux qui fe préfentoient pour vivre fous fa Difcipline, il en fonda d'autres en plufieurs endroits qui dépendoient de celui de Sauve-Majour, entre lefquels il y en avoit quatre en Arragon & un en Angleterre. Entr'autres pratiques qu'il établit dans fes Monafteres, ce que l'on devoit obferver à la mort des Religieux, eft remarquable. Lorfque c'étoit un Religieux de l'Abbaïe de Sauve-Majour, qui étoit decedé, l'on devoit diftribuer aux pauvres tous les jours pendant un an du pain & du vin. Les Religieux pendant trente jours, devoient chanter l'Office des morts en commun, auffi-bien que fept Meffes confecutives. On devoit fonner toutes les cloches: chaque Prêtre devoit dire fept Meffes ; ceux qui n'étoient pas Prêtres trois Pfeautiers : ceux qui n'étoient pas déftinés pour le Choeur feptPfeaumes pendant trente jours: ceux qui ne fçavoient pas lire, fept fois Miferere: ceux qui ne le fçavoient pas, fept Pater: & lorfque quelqu'un mouroit hors le Monaftere, on devoit faire à Sauve-Majour la même chofe que s il avoit été préfent, excepté que mône du pain & du vin devoit être diftribuée au Prieuré dont il étoit de famille. Il y avoit auffi à ce fujet une espece de filiation ou focieté entre les Monafteres de cette Congrégation & plufieurs autres, non feulement de l'Ordre de faint Benoît, mais auffi de celui des Chanoines Réguliers, & même des Eglifes feculieres qui tous faifoient réciproquement des prieres les uns pour les autres. Enfin faint Gerard après avoir gouverné fa Congrégation pendant seize ans, mourut le 5.Avril 1095. & non pas l'an 1050. comme Bucelin a marqué dans fon Menologe.

l'Au

GATION DE
SAUVE-

Pierre 11. Abbé de Sauve-Majour obtint du Pape Ale- CONCRE xandre III. l'an 1169. la confirmation de toutes les Eglifes & des biens qui dépendoient de ce Monaftere : ce qui fut MAJOUR confirmé par le Pape Celeftin III. l'an 1197. Il y avoit environ trente Prieurés qui dépendoient de cette Congrégation,outre un grand nombre de Paroiffes. L'Abbaïe de Sauve-Majour appartient préfentement aux Benedictins de la Congrégation de faint Maur, qui y entrerent l'an 1660. La plupart des Prieurés qui en dépendent ne font préfentement que des Benefices fimples, & celui d'Arbanetz eft en la poffeffion des Jefuites. Il y avoit de ces Prieurés dans les Diocéfe de Paris, de Bourdeaux & de Sens, quatre en Arragon, & un en Angleterre, comme nous avons dit. L'Abbaïe de faint Denis en Hainaut étoit auffi de la dépendance de Sauve-Majour,& elle fut toûjours fous la jurifdiction de l'Abbé de ce Monaftere jufqu'en l'an 1426. Le P. Papebroch dit felon l'ancienne Tradition de l'Abbaïe de Sauve-Majour, faint Gerard y établit auffi des Religieufes : ce qui se prouve, à ce qu'il prétend, par une mailon présentement habitée par des Séculiers,où elles demeuroient anciennement, laquelle a encore la forme de Monaftere, & par d'anciennes chartes de cette Abbaïe, dans l'une defquelles on lit qu'une femme nommée Oregonde, méprifant les vanités du fiécle, vint à ce Monaftere, où elle fe donna avec tous fes biens, & reçut l'habit de Religion des mains de faint Gerard ; & que dans une autre charte on lit la même chofe d'une autre nommée Agnès de Mont-Primlau. Mais c'étoit fans doute de ces données Converses ou Oblates qui fe donnoient au service d'un Monaftere, comme nous avons dit en plufieurs endroits.

que

Voiez Bolland, 5. Aprilis. Baillet, Vie des SS. Mabillon y Act. SS. Ord. S. Bened. fæcul. 6. Tom. z.

CONOREGATION

D'HIRSAU

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La

CHAPITRE X X X I I.

De la Congregation d'Hirfauge en Allemagne.

'Abbaie d'Hirfauge en Allemagne a été autrefois Chef d'une floriffante Congregation, qui commença vers l'an 1080. par le zele de faint Guillaume qui fut le reftaurateur de la difcipline Monaftique en ce païs. Cette Abbaïe fituée dans le Diocéfe de Spire reconnoît pour Fondateur le Comte Erlafride. Il étoit pere de Noting Evêque de Vercel, qui aïant apporté dans fa Cathedrale le Corps de faint Aurelius Evêque de Rediciane en Armenie, en voulut ensuite enrichir la patrie, en le portant fecretement en Allemagne. II. n'y avoit pas loin du Château de fon pere un Oratoire dedié à faint Nazaire:c'étoit dans ce lieu que Norting vouloit faire repofer ces faintes Reliques, mais dans le chemin un aveugle aïant recouvré la veuë par l'interceffion de faint Aurelius, le Comte Erlafride touché de ce miracle fit bâtir un Monaftere au lieu même où le miracle étoit arrivé, & en jetta les fondemens avec fon fils Ermenfride l'an 830. Mais comme il vouloit le rendre un des plus fuperbes & des plus magnifiques de l'Allemagne, il ne fut achevé que fept ans après, l'an 837. ou 838. On y mit douze Religieux qui furent tirés de l'Abbaïe de Fuldes, aufquels on donna pour Abbé Luitperd. Pour lors l'Eglife fut confacrée par Otgar Archevêque de Maïence en préfence d'un grand nombre de Prélats & de Seigneurs qui avoient été invités à cette ceremonie par le Comte Erlafride, & l'on transfera dans l'Eglife qui fut dediée à faint Pierre & à faint Aurelius le Corps de ce faint Evêque qui avoit été confervé jufqu'alors dans l'Oratoire de faint Nazaire. Le Comte Erlafride fit en même tems donation folemnelle de ce Monaftere entre les mains de l'Abbé Luitperd, à condition que la Regle de faint Benoît feroit obfervée, & laiffa la liberté aux Religieux de pouY voir élire leur Abbé, & de choisir un Advoüé ou defenfeur de ce Monaftere.

La Difcipline Réguliere y fut maintenue dans toute fa vigueur jufqu'en l'an 988. que l'Allemagne, après avoir été affligée d'une grande famine,fe trouva dans une plus grande

GATION

défolation par une maladie contagieufe qui fuivit cette fami- CONGRE ne & qui enleva un grand nombre de perfonnes dans toutes D'HIRSA les Provinces. Soixante Religieux de l'Abbaïe d'Hirfauge en G. aïant été attaqués moururent avec leur Abbé : & il n'en refta que douze, qui ne purent s'accorder fur le choix de fon fucceffeur. Les plus fervens & les plus zelés pour la regularité élurent Conrad, qui fut confirmé dans cette dignité par l'Evêque de Spire. Les autres plus portés au relâchement élurent Eberhard Cellerier de ce Monaftere. Mais trois Religieux de fon parti l'aïant abandonné pour reconnoître leur legitime Superieur, il se retira avec deux autres vers le Comte de Calve ennemi de ce Monaftere, qui profitant de cette occasion, y vint à main armée & en enleva tout ce qu'il put, qu'il diftribua à fes Soldats fous prétexte de conserver les biens du Monaftere pour enfuite les remettre entre les mains d'Eberhard leur legitime Abbé, prétendant que Conrad étoit un ufurpateur.

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Conrad cependant demeuroit à Hirfauge avec huit Religieux, & y vivoit dans des inquietudes continuelles, apprébendant à tout moment quelque chose de funeste de la part de fon perfecuteur. Ses craintes n'étoient pas mal fondées ; car Eberhard ne pouvant fouffrir de fe voir plus long-tems privé de l'Abbaie d'Hirfauge, y vint de nuit la feconde année de fon élection, avec des Soldats, dans le deffein d'enlever l'Abbé Conrad, qui en aïant été averti s'étoit retiré. Eberhard faché d'avoir manqué fon coup, fe contenta de piller le Monaftere fans faire aucun mal aux Religieux, & Te retira plus chargé de crimes que de dépouilles. Conrad fut deux ans errant de côté & d'autre, jufqu'à ce que fon competiteur étant mort, il retourna à fon Monaftere, où avec le

peu de Religieux qu'il y avoit ; il vêcut dans une grande regularité, nonobftant les perfecutions que lui fufcita le Comte de Calve, qui après la mort autant par haine que par avidité,s'empara entierement du Monaftere qu'il réduifit dans une fi grande défolation qu'il fut abandonné des Religieux & qu'il refta ainfi jufqu'en l'an 1065.

Dès l'an 1049. le Pape Leon IX. étant en Allemagne & allant à Mayence,logea, à ce que l'on prétend, chez A telbert fon neveu Comte de Calve, & aïant été avec lui à Hirfauge, il ne put voir fans douleur les ruines de ce Monaftere

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