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CITEAUX.

QUATRIEME PARTIE, CHAP. XXXIII. 359 difpenfer felon leur confcience,de l'abftinence de viande, ORPE PE en cas de neceffité,toutes & quantes fois que befoin feroit,les perfonnes Religieufes de cet Ordre qui demanderoient cette difpenfe. La feule neceffité avoit contraint cet Abbé de demander cette difpenfe, & il ne la demanda que pour autant de tems que dureroit la néceffité, efperant qu'on pourroit reprendre la premiere Obfervance lorfqu'il y auroit lieu de le faire. Il ne fut pas plûtôt retourné de Rome avec cette Bulle, qu'il fut importuné de plufieurs particuliers & même par des Communautés entieres, qui demandoient la difpenfe de l'abftinence, fous le pretexte de la neceffité. Peu de tems aprés il fit un fecond voïage à Rome où il mourut. Dom Jean de Cirey qui lui fucceda, pour fe délivrer des importunités qu'il recevoit de tous côtés au fujet de la difpenfe, fit affembler le Chapitre General en 1481. où la Bulle du Pape Sixte IV. aïant été examinée, on renvoïa à la confcience, jugement & difcretion des Abbés particuliers, Vifiteurs & autres Superieurs, le pouvoir accordé par cette Bulle, de difpenfer fans fcrupule de l'abftinence de la viande les Religieux quand ils en auroient befoin.

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Mais le Chapitre General qui avoit commis les Abbés particuliers pour accorder cette difpenfe, reconnut bien-tôt qu'elle n'étoit qu'une fource de broüilleries qui cauferoient beaucoup de fcandale & qui pourroient aller à la ruine de l'Ordre car quelques Abbés trop indulgens accordoient trop facilement cette difpenfe ; d'autres trop rigoureux la refufoient absolument Communautés ; ce qui excitoit beaucoup de murmures. & cependant traitoient mal leurs Dans un même Convent, les uns mangeoient de la viande, les autres du poiffon, des œufs, & des legumes: & cette diverfité engendra parmi eux des haiñes, des divifions, des partialités & des ligues. C'eft pourquoi afin d'ôter la fource d'un fi grand mal, contraire à la charité & à l'union fraternelle, aprés le rapport qui en fut fait felon les formalités ordinaires aux Préfident, & Deffiniteurs Generaux de ce même Chapitre, aprés une meure deliberation, ils ordonnerent par un Decret de l'an 1485. que dans tous les Monafteres de l'Ordre de l'un & l'autre fexe, l'on garderoit à l'avenir l'uniformité, tant dans le vivre que dans les habits, & que pour le vivre, on ferviroit de la viande trois fois la fe

CITEAUX.

ORDRE DE maine pour la refection, fçavoir le Dimanche, le Mardi & le Jeudi & qu'à cet effet on bâtiroit en chaque Monaftere un lieu féparé du Refectoire ordinaire.

S'il n'y avoit eu que ce déréglement dans cet Ordre, il y auroit eu lieu d'efperer qu'après cette Ordonnance, le scandale auroit fini, la paix & l'union y auroient regné, & qu'ainfi à l'exemple de leurs premiers peres ils feroient devenus la bonne odeur de Jefus-Chrift: mais il y avoit des Monasteres, où les Religieux vivoient d'une maniere fi licencieuse, que l'on pouvoit leur attribuer ces paroles du Pfalmifte, qu'ils s'étoient mêlés avec le monde, dont ils avoient pris toutes les manieres, qu'ils idolâtroient leurs mêmes paffions, & qu'ils en étoient devenus le scandale, enforte que les Souverains, dans les Etats defquels ils étoient fitués, ne pouvant fouffrir de tels déréglemens, folliciterent le Pape Innocent VIII. de les fupprimer: d'autres fe contenterent de demander à ce Pontife qu'il les fît reformer. C'est ce qui obligea ce Pape l'an 1487. d'ordonner aux Superieurs qu'aprés la tenue du Chapitre General, ils euffent à vifiter exatement tous les Monafteres de cet Ordre & à les réformer: mais ce Pape ne fut pas obéï. Le mal augmentant tous les jours, Charles VIII. Roi de France fit de nouvelles inftances auprés du Pape, pour l'obliger à emploïer de plus puiffans moïens que les ordinaires,pour reformer cet Ordre, & à ne pas s'en rapporter aux Chapitres Generaux & aux vifites ordinaires des premiers Abbés. Le moïen qu'on trouva pour lors, fut de convoquer une Affemblée extraordinaire des Abbés de l'Ordre à Paris. Elle fe tint au College des Bernardins l'an 1493. & on y dreffa des Articles de reforme, qui portent entre autres chofes, que les Abbés quitteroient la vanité & la pompe féculiere avec laquelle ils marchoient, les fuperfluités & les excès de leur train & de leurs habits, & qu'ils ne pourroient plus poffeder deux Abbaïes de l'Ordre fans la permiffion du Chapitre General: Qu'on ne donneroit plus à chaque particulier fon pain, fon vin & fa pitance; mais que tous mangeroient en commun dans le refectoire que chaque Abbé, quinze jours aprés fon retour en fon Monaftere, fous les peines portées contre les proprietaires, ôteroit à tous fes Religieux, ce qu'ilspoffedoient en propre, foit en beftiaux ou en vignes, en terres,

jardins

res,

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jardins ou granges, foit qu'ils les euffent à ferme, ou leur ORDRE DE vie durant, & que toutes fortes de revenus feroient appliqués à la bourfe commune. Que les portes des Monafteres en feroient exactement fermées aux heures marquées, pour empêcher les forties & les entrées, à des heures peu convenables à la regularité & au bon exemple. Qu'il n'entreroit plus de femmes dans les lieux Reguliers, à moins que ce ne fuffent de grandes Dames ou de vieilles femmes, pour avoir foin de la baffe court & des laitages. Que les Religieux ne marcheroient plus dans le païs qu'avec leurs habits Reguliers, ou au moins avec un manteau & un chaperon deffus qu'ils ne frequenteroient plus les fêtes publiques, les fpetacles & les cabarets ; & ne porteroient plus d'armes offenfives, & s'il en étoit befoin pour fe défendre des chiens, que ce feroit des armes qui reffentiffent la gravité Religieufe. Qu'aucun Religieux ne pourroit tenir les enfans fur les Fonts de Baptême, ni avoir des comperes & des come& ne pourroit proferer des fermens ou paroles deshonnêtes. Que fuivant les Ordonnances du Pape Benoît XII. toutes les cheminées des chambres à feu qui font dans les Dortoirs feroient ruinées, & qu'à l'avenir ils n'auroient plus de lits de plume,de matelats,de draps de toile,ni de chemises de lin, mais feulement de ferge. Quant à l'abitinence de la viande, qu'ils fe conformeroient à l'usage introduit dans la plupart des Monafteres, où l'on ne mangeoit point de viande les Lundis, les Mercredis, les Vendredis & les Samedis de chaque femaine. La confirmation & l'execution de ces Articles furent renvoïées au premier Chapitre General qui fe tiendroit à Cîteaux ; mais bien loin qu'ils fuffent reçus, quelques Religieux firent fous main donner un Arrêt par le Parlement de Dijon, fur les remontrances du Procureur Général de ce Parlement, par lequel ces Articles furent caffés, comme aïant été faits à Paris au préjudice des ftatuts de l'Ordre, & des Arrêts de cette Cour, qui veulent que les Affemblées Générales de l'Ordre fe tiennent à Câteaux. Ainfi ces Articles demeurerent fans effet & la réforme générale de cet Ordre ne se fit que fous le Pontificat du Pape Alexandre VII.

Cependant plufieurs Monafteres qui ne fouhaitoient que la Regularité & le bon ordre, eurent recours à la puiffance Zz

Tome V.

ORDRE DE des Princes, pour s'exemter de la Jurifdiction des premiers CITEAUX. Abbés de l'Ordre ; tels furent ceux des Provinces de Tof

cane & de Lombardie, qui par l'entremise de Louis-Marie Sforce Duc de Milan, firent une Congregation feparée l'an 1497. à l'exemple de celle de Caftille: d'autres les imiterent dans la fuite. Dom Jean de la Barriere, Abbé de NôtreDame de Feüillans en France,commença en ce Roïaume la réforme qui a pris le nom de cette Abbaïe. Dom Denis l'Argentier, Abbé de Clairvaux, établit auffi en France une autre Réforme fous le nom d'étroite Obfervance. Il s'en eft encore formé plufieurs autres, que nous rapporterons en particulier dans la fuite de cet Ouvrage.

Nous croïons avoir fuffifamment parlé jufqu'à prefent de tout l'Ordre en General, qui pendant plus d'un fiécle fut fi puiffant, qu'il gouverna prefque toute l'Europe pour le fpirituel & pour le temporel. Il a auffi rendu de grands fervices à l'Eglife, par les grands Hommes qui en font fortis. Ces Religieux furent emploïés par le Pape Innocent III. pour la converfion des Heretiques Albigeois. Arnaud, Abbé de Cîteaux, avec Pierre de Châteauneuf & Raoul, furent Legats de ce Pape dans la Croifade que l'on fit contre les Heretiques. Foulques, Archevêque de Toulouse, qui étoit Religieux de cet Ordre, y fit paroître fon zele auffi-bien que Gui, Abbé de Vaux-Cernai.

Quelques Auteurs difent qu'il en eft forti fix Papes;mais on auroit bien de la peine à en trouver d'autres qu'Eugene III. & Benoît XII. Il y a eu auffi environ quarante Cardinaux, un grand nombre d'Archevêques, d'Evêques, & d'illuftres Ecrivains, dont on peut voir les noms dans Ange Menriqués & Charles Vich, qui en ont donné le Catalogue. Plufieurs Rois & Reines ont préferé l'habit de cet Ordre à la Pourpre & au Diadême. Plufieurs Princes & Princesses les ont imités; & dans le feul Monaftere de Trebnitz en Silefie, l'on compte plus de quarante Princeffes de Pologne qui y ont pris l'habit. Ce qui rend encore cet Ordre recommandable, font les Ordres Militaires de Calatrava, Alcantara, & Montefa en Espagne, d'Avis & de Christ en Portugal, qui lui font foûmis.

L'Abbé de Cîteaux eft feul Chef, Superieur General, & Pere de l'Ordre de Câteaux, qualité qu'on lui a difputée

Novice de

habit de Choeur

de Gisteaux

en

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