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RELIGIEU SES FEUIL

LANTINES.

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L

CHAPITRE XXXIX.

Des Religieufes Feuillantines.

pour

Inftitu

Es Religieufes Feüillantines ont auffi eu teur Dom Jean de la Barriere. La vertu de ce faint Abbé commençant à être connue, plufieurs perfonnes le voulurent avoir pour le Guide & le Directeur de leur conscience. Une pieufe Dame, dont la demeure n'étoit éloignée de l'Abbaïe de Feüillans que de quatre lieuës, fut des prémieres à contracter une liaison fpirituelle avec lui. Elle s'appelloit Anne de Polaftron de la Hilliere, & étoit femme de Jean de Grandmont, Seigneur de Sauvens. Elle demeuroit ordinairement au château de Sauvens, près de la petite ville de Muret: & toutes les fois. que l'Abbé de Feüillans alloit prêcher à Touloufe, la pieté de cette Dame l'engageoit à paffer par fa maison pour s'y entretenir avec elle des chofes de Dieu, l'animer à la vertu, augmenter en elle le mépris des vanités du monde, & l'amour de celui qui feul peut faire le bonheur de l'homme en cette vie & en l'autre.

D'autres Dames, qui malgré les attachemens qu'elles avoient au monde, fe plaifoient à entendre parler de fpiritualité, pouffées par un fecret mouvement de la grace de Dieu, s'y trouvoient auffi pour avoir le plaifir d'entendre les difcours fpirituels de Jean de la Barriere. Mais Dieu qui par un effet de fa bonté & de fa mifericorde avoit choifi ces ames mondaines pour en faire de faintes Penitentes, donna tant de force aux paroles de cet Inftituteur, qu'ouvrant leurs cœurs à la grace, elles changerent l'eftime qu'elles avoient eue jufqu'alors pour le monde en un fi grand mépris, que leur devenant odieux, elles prirent la refolution de le quitter, & penserent aux moïens de fe confacrer entierement à Jefus Chrift. Mais ne pouvant encore executer ce pieux deffein, & profitant de la facilité que leur donnoit Madame de Sauvens, elles fe contenterent pour lors de rendre leurs entretiens fpirituels plus frequents : & commencerent à imiter la folitude & les aufterités des Feüillans aurant qu'il leur étoit poffible. Madame de Sauvens animoit & foutenoit de fi beaux commencemens par fes pieufes exhortations, & par les fervices fpirituels & corporels qu'elle rendoit à cette fainte troupe. Elle prévoïoit fort bien que

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tous ces fervices ne ferviroient qu'à la priver plûtôt de leur RELIGITU compagnie, puifqu'ils ne faifoient que folliciter leur entrée SES FEUILen Religion, où elle ne pouvoit pas les fuivre à cause de son engagement dans le mariage. Mais fa charité pour ces nouvelles Epoufes de Jefus-Chrift l'emportant fur le plaifir dont elle joüiffoit dans leur fainte compagnie, elle ne negligea rien pour mettre la derniere main à ce pieux ouvrage, refoluë pour lors de laiffer cette fainte troupe fous la conduite de Marguerite de Polaftron fa fœur, qui fe trouvant veuve du Seigneur de Margeftand, étoit en liberté de fe confacrer en Religion; ce qu'elle fit en effet, accompagnée d'une de fes filles, qui lui étoit très chere, à cause de fes grandes vertus. Cette illuftre veuve entreprit d'obtenir de Dom Jean de la Barriere de vivre fous fa direction, & dans les mêmes Obfervances que l'Abbaïe de Feüillans. Elle lui fit connoître fon fentiment & celui de fes compagnes. Une telle propofition étonna autant le faint Abbé qu'elle le réjoüit. Après en avoir rendu graces à Dieu, il loüa leur zele: mais afin de leur faire voir l'importance de ce qu'elles demandoient, il leur fit une description de toutes les aufterités qu'on pratiquoit à Feüillans: ce genre de vie qui auroit été capable de rebuter des cœurs moins animés de l'efprit de Dieu,ne fervit qu'à encourager ces amantes de la Croix de JesusChrift, & à leur faire demander avec plus d'inftance ce qu'elles fouhaitoient avec tant d'ardeur. Dom Jean de la Barriere voulut cependant les éprouver, craignant que le tems ne rallentît leur zele. Il les laiffa dans cette volonté pendant deux ou trois ans, les vifitant quelquefois,les animant par fes difcours, & les exhortant à ne point abandonner leur entreprife; & comme fes prédications lui attiroient un grand nombre de perfonnes qui fe mettoient fous fa direction, entre lefquelles il y en avoit qui vouloient embraffer l'état Religieux, il eut le moïen d'augmenter le nombre de celles qui vouloient embraffer la vie des Feuillans.

Aïant envoïé à Rome deux de fes Religieux pour y faire approuver la Réforme, & le Pape Sixte V. comme nous avons dit dans le Chapitre précédent, aïant fait refter dans cette ville ces Religieux, & donné ordre à l'Abbé de Feüillans d'y en envoïer un plus grand nombre, ils furent logés dans une petite Maifon de l'Ordre de Cîteaux, appellée

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SES FEUIL

RELIGIEU-San-Vito. Durant le féjour qu'ils y firent, ils remarquerent LANTINES. que fept ou huit filles vêtues de blanc, & portant fur la tête un voile de même couleur, à la maniere des Religieufes de Câteaux, venoient tous les jours prier dans l'Eglife de ce Monaftere. Cette nouveauté les furprit, & s'en étant informés, on leur dit que ces bonnes filles avoient la volonté d'être Religieufes; mais que faute d'argent pour entrer en Religion, elles vivoient ensemble fous la protection de faint Bernard.

Dom Jacques de la Rochemoufon, l'un de ces Religieux, voulut aider ces bonnes filles dans leurs faints defirs, & tout étranger qu'il étoit, fans biens, fans appui, & prefque fans aucune connoiffance à Rome, dans le tems même qu'il ne devoit fonger qu'à l'établissement de fa Congregation, il entreprit de leur procurer une Maison. Il étoit d'une Famille noble d'Auvergne,& il avoit fait profeffion dans l'Abbaïe de la Chaize-Dieu. Sa naiffance, fon merite, & fa grande capacité, le firent connoître au Roi Charles IX. qui voulut qu'il exerçât la Charge de Vicaire Général au fpirituel & au temporel de Charles de Valois fon fils naturel Grand-Prieur de France, & Abbé de la Chaize-Dieu. Dom Jacques s'acquitta de cet Emploi avec honneur: mais enfin aïant eu occafion d'aller à l'Abbaïe de Feüillans, il fut fi touché de la vie auftere des faints Religieux qui y demeuroient fous la conduite de Dom Jean de la Barriere,qu'il le pria de le recevoir au nombre de fes Difciples. Le faint Abbé te reçut avec joïe, & après qu'il eut fait profeffion de cette Réforme, il alla prêcher quelquefois à Sauvens. Il eut lieu par ce moïen de connoître la ferveur de ces Dames, qui s'y difpofoient pour embraffer auffi la réforme des Feuillans. Aïant été enfuite envoïé à Rome, il entreprit de fecourir les faintes filles dont nous venons de parler, qui s'affembloient dans l'Eglife de San- Vito pour y faire leurs prieres, & il s'en préfenta peu de tems après une occafion favorable. Car le Cardinal Rufticio, Protecteur de l'Ordre de Cîteaux, faifant rebâtir l'Eglife de fainte Sufanne,qui étoit fon titre, fans autre deffein que de fatisfaire à l'obligation que fa pieté lui avoit infpirée; Dom Jacques qui vifitoit fouvent ce Prélat, comme Protecteur de l'Ordre, lui perfuada de joindre à ceue Eglife un Monaftere de faintes Vierges, & lui parla

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