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BERNAR

terme de dix ans parut trop long à l'Abbeffe & à la Coadju DINES DE trice, qui fans attendre qu'il fut expiré, fe dépoüillerent de leur qualité l'an 1619. & donnerent la démiffion de leurs Offices, après quoi on élut pour premiere Abbeffe Triennale, la Mere Marie de faint Bernard.

TART.

L'Evêque de Langres, qui avoit contribué à l'établiffement des Religieufes de Port-Roïal à Paris, & à leur Réforme, jugea à propos de procurer l'union des deux Maifons de Tart & de Port-Roïal, afin qu'elles vêcuffent de la même maniere & dans la pratique des mêmes Conftitutions. Il prit pour cela des mefures avec les Superieurs de PortRoïal, qui fouhaitolent auffi cette union avec empreffement. On convint que la Mere Jeanne de faint Jofeph, Réformatrice de l'Abbaïe de Tart, iroit à Paris avec une Compagne, & que la Mere Agnés Arnaud de Port-Roïal iroit réciproquement à Dijon avec une Compagne. Cette réfolution fut executée ; la Mere Agnés Arnaud arriva à Dijon au mois de Novembre 1629. & la Mere Jeanne de faint Jofeph en partit au mois de Janvier 1630. pour fe rendre à Paris, où peu de tems après fon arrivée au Monaftere de Port-Roïal,elle en fut élue Prieure, & Maîtreffe des Novices. Il y eut fix de fes Filles qui l'allerent trouver en divers tems. Il y avoit environ trois ans qu'on avoit commencé l'établiffement du nouvel Ordre de l'Inftitut du faint Sacrement, dont la Mere Angelique Arnaud avec trois Religieufes de Port-Roïal avoient jetté les fondemens, comme nous avons dit dans le Chapitre précédent. Les Superieurs de Port-Roïal, & les autres perfonnes qui prenoient foin de ce nouvel établissement, confiderant que la Mere Arnaud étoit fort infirme, qu'elle ne pouvoit réfister à tous les travaux, & s'acquitter exactement des fonctions de fa Charge, lui voulurent donner pour la foulager nôtre Réformatrice, dont ils connoiffoient le merite, ils la demanderent au Pape Urbain VIII. qui la leur accorda par une Bulle expreffe du 15. Janvier 1633. mais quelques autres perfonnes firent en forte auprès de l'Archevêque de Paris qu'elle ne fut point admife: ce qui fit que l'Evêque de Langres craignant que cela ne causât du trouble & de la confufion dans cette Communauté, lui ordonna de retourner à Dijon avec fes filles, où elles arriverent le 8. Septembre 1635. & fut éluë Abbesse

Triennale le 6. Avril 1636. elle fut continuée dans fa Su- BENARperiorité trois autres années, & fut encore éluë de nouveau en 1646. & continuée encore pendant trois ans.

Ce fut pendant ce Triennal qu'elle crut qu'il étoit tems de mettre la derniere main à fon ouvrage, & d'affermir le bien qu'elle avoit rétabli dans fa Communauté, par des Conftitutions qui fiffent observer à l'avenir toutes les chofes qu'elle y faifoit pratiquer, & qu'elle pratiquoit elle-même depuis près de trente ans. Ces Conftitutions furent approuvées par l'Evêque de Langres l'an 1650. & s'obfervent encore exactement dans ce Monaftere. Il fembloit que Dieu attendoit qu'elles fuffent achevées pour récompenfer les longs & pénibles travaux de fa Servante fidelle & prudente, à laquelle il avoit confié le foin de cette fainte Famille. Dès fon premier Triennal elle fut fujette à de grandes infirmités ; mais ses maux augmenterent en 1650. & ne lui donnerent aucun relâche jufqu'au 8. Mai de l'an 1651. qu'elle mourut, à l'âge de 60. ans, dont elle en avoit paffé dix dans l'Ordre de faint François, & trente-trois dans celui de Câteaux, avec toute l'eftime & la veneration poffible.

que

Ces Religieufes font habillées comme les autres Bernardines, & ont à peu près les mêmes Obfervances. Ce que celles de Tart ont de plus,c'eft qu'elles ne mangent ni beurre ni laitage pendant l'Avent & le Carême, ne fe fervant d'huile pour affaifonner leurs mets. Elles obfervent une exa&te pauvreté, & pour la pratiquer davantage, elles ne mangeoient ni buvoient au commencement de leur Réforme que dans du bois: mais l'Evêque de Langres modera cette aufterité,leur permettant de manger & boire dans de la faïance. Leurs cuëilleres font de buis, auffi-bien que les fourchettes: elles n'ont pour tous meubles dans leurs cellules qu'une petite couche, fur laquelle il n'y a qu'une paillaffe & une couverture, un benitier de terré, un crucifix de bois, quelques images de papier,& elles ne peuvent avoir ni caffettes ni coffres fermant à clef.

Vie de Madame de Courcelles de Pourlan, imprimée à Lyon en 1699. & Memoires communiqués par les Religieufes de ce Monaftere.

DINES TARI.

DE

RELIGIEUX
D'ORVAL.

CHAPITRE X L V I.

Des Religieux Bernardins Réformés d'Orval, avec la
Vie de Dom Bernard de Montgaillard leur Réforma-

teur.

L

E dernier fiécle a produit dans l'Ordre de Cîteaux trois célébres Réformes, qui par leur aufterité & leur exacte Obfervance ont eu plus d'admirateurs que d'imitateurs: ce font les réformes d'Orval, de la Trape & de Sept-fonds. La premiere eft dûë au zele de Dom Bernard de Montgaillard qui a été fi connu en France au tems de la ligue, fous le nom du petit-Feuillant. Il nâquit en 1562. de Bernard de Percin Seigneur de Montgaillard defcendu de l'une des plus illuftres & des plus anciennes Maifons d'Angleterre, où elle a poffedé long-tems les premieres Charges; & fa mere se nommoit Antoinette de Vellay. Dès l'âge de douze ans il eut achevé fon cours d'Humanités & de Mathematiques ; & à feize ans, aprés avoir étudié la Theologie, il entra dans la Congrégation des Feüillans, que Dom Jean de la Barriere venoit d'inftituer. A peine l'année de fon Noviciat fut-elle finie, qu'on le vit prêcher dans les villes de Toulouse, de Rhodés & de Rouen,& ce fut avec tant d'onction & de fuccès, que les pecheurs fe convertiffoient en foule à fes prédications: ce qui le faifoit regarder comme un prodige. Le Roi Henri III. & la Reine Catherine de Medicis.fa mere le firent venir à Paris, & l'aïant entendu prêcher aux Auguftins dans l'Affemblée folemnelle des Chevaliers du faint Efprit, leurs Majeftés voulurent qu'il prêchâr devant elles. le Carême fuivant à faint Germain l'Auxerrois. Les Sermons qu'il fit dans la fuite à faint Severin fur le Symbole des Apôtres opererent un nombre infini de converfions; & le firent paffer pour le plus habile Prédicateur de fon fiécle. Ces travaux Apoftoliques joints à la pauvreté & à l'aufterité de fa vie engagerent le Pape Gregoire XIII. à lui accorder une difpenfe pour prendre l'Ordre de Prêtrife à l'âge de dixneuf ans. La Reforme de fon Ordre, quoique très rigoureufe,lui paroiffoit encore trop douce. Il n'avoit pour lit que deux ais pour chemife qu'un cilice;il ne mangeoit ni viande,

dans

D'ORVAL.

ni poiffon, ni œufs, ni beurre: fes mets ordinaires étoient RELIGIEUX des legumes, & il ne prenoit qu'un peu de nourriture après le foleil couché. Heureux fi dans une vie auffi fainte & auffi penitente il avoit fçu se borner au service de fon Dieu & au falut du prochain, rendre à Cefar ce qui appartient à Cefar, refpecter fon Roi, & comme fujet lui être fidele & foûmis, quand bien même il auroit troublé la paix & le repos de fes fujets. Mais il eut le malheur de fe laiffer entraîner par le parti de la Ligue avec la plus grande partie des Catholiques, & il pouffa avec trop d'ardeur fon zele, autant temeraire & indifcret dans fon exécution qu'il pouvoit être jufte & pur fon motif, selon l'idée qu'il s'étoitformée des affaires du tems. Sur la fin des troubles,pendant lefquels il fut attaqué d'une maladie dont il ne guerit que par miracle, il fit un voïage à Rome où il fut trés bien reçu de Clement VIII. ce Pape le fit paffer de l'Ordre des Feüillans dans celui de Cîteaux, & lui ordonna de se retirer en Flandres. Il alla à Anvers oùt il ne fe fit pas moins admirer par fes prédications,qu'il l'avoit fait en France. Aprés avoir fejourné dans cette ville pendant fix ans,il fut appellé à la Cour de l'Archiduc Albert en qualité de Prédicateur ordinaire. On acouroit de toutes parts pour l'entendre, & le Docteur Stapleton venoit fouvent de Louvain à Bruxelles dans cette feule vûë. Dom Bernard aïant fuivi l'Archiduc en Allemagne, en Italie, & en Espagne, fut pourvû à fon retour de l'Abbaïe de Nivelle, & en 1605. de celle d'Orval. Son défintéreffement étoit connu, il avoit refufé en France les Evêchés de Pamiers & d'Angers, & l'Abbaïe de Morimond. Auffi n'accepta il celles-ci dont le temporel & le fpirituel étoient également ruinés, que pour s'appliquer à les rétablir,& y introduire uneRéforme auftere qui approche de celles que nous avons vû introduire de jours à la Trape & à Sept- Fonds. Il eut plufieurs difficultés à furmonter pour réüffir dans un fibon deffein. La calomnie lui livra plufieurs affauts: tantôt elle attaquoit fa charité,tantôt fa chafteté. On voulut le rendre coupable dela mort d'un de fes Religieux qui étoit tombé dans une forge, & on alla même jufqu'à l'accufer d'avoir confpiré contre l'Archiduc fon bienfacteur : mais ces impoftures qui fe détruifirent d'ellesmêmes, ne fervirent qu'à mettre fon inte grité dans un plus grand jour. La plus fenfible pour lui, fut celle qui le char

Tome V.

PPP

nos

RELIGIEUX gea d'être entré dans un attentat contre la perfonne d'Henri D'ORVAL. IV. Les Herétiques dont il étoit le fleau le plus redoutable, firent naître & fomenterent ces bruits injurieux. Cayet qui avoit été un de leurs Miniftres, & qui malgré fon abjuration n'a jamais paffé pour bon Catholique, ofa même inferer un récit de ce complot prétendu dans fa Chronologie Novennaire: & c'eft fur ce foible fondement que des Auteurs modernes en ont parlé; mais pour faire voir la fauffeté de cette accufation, il ne faut que leur oppofer la joïe que marqua Dom Bernard de Montgaillard à la converfion d'Henri IV. l'affront qu'il effuïa pour l'avoir publiée le premier,le témoignage avantageux que M. de la Boderie Ambassadeur de France à Bruxelles rendit à fa Majeftě du zele de Dom Bernard pour fa perfonne,& la résolution que le Roi avoit prise de le rappeller en France, où il feroit effectivement retourné, fi fa reconnoiffance pour les bontés de l'Archiduc ne l'en eût empêché, outre qu'on ne peut difconvenir qu'il faut avoir des preuves en main, & non des fables produites par gens fufpects pour noircir d'un crime fi odieux une vertu auffi reconnue & auffi épurée que celle de cet Abbé. C'est ainsi que l'un des Continuateurs de Moréri a fait l'Eloge & l'Apologie de Dom Bernard de Montgaillard que nous avons fidellement fuivi. Ce faint Abbé épuisé par fes aufterités & accablé de longues maladies, mourut à Orval à l'âge de foixante-cinq ans le 8. Juin 1628. aïant eu la confolation d'y voir refleurir la Difcipline Monaftique au milieu d'une Communauté de cinquante Religieux. Mais avant que de parler des Obfervances Régulieres, qui font encore en pratique dans cette Abbaïe & qui y attirent l'admiration de toutes les perfonnes qui y vont, nous rapporterons fon origine.

L'Abbaïe d'Orval, en Latin Aurea Vallis, fituée dans le Comté de Chini, au milieu des bois, à deux lieuës de Montmidi, & à fix de Sedan, fut fondée l'an 1070. par des Moines Benedictins Calabrois, qui fortirent de leur païs avec la permiffion de leur Abbé, pour venir prêcher la Foi de Jesus-Christ en Allemagne du tems de l'Empereur Henri IV. Comme ils alloient de Province en Province, étant arrivés au Duché de Luxembourg, ils trouverent à fon entrée un vallon fi agréable, & qui infpiroit tellement la foli

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