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parer encore de ces Monafteres. Ainfi périt en Angleterre CONGRE l'Ordre Monaftique, & en particulier celui des Benedictins FLEURY ou Moines Noirs, dont la Congregation étoit compofée de quarante Abbaïes, de quatorze Prieurés, & de fept Eglifes Ĉathedrales, dont les Prieurs affiftoient aux Chapitres Generaux, qui étoient ceux de Cantorberi, de Durham, de Wilton, d'Ely, de Winceftre, de Conventry & de Rochefter. De ces Monafteres il y avoit vingt-quatre Abbés, & le Prieur de Conventry,qui étoient Pairs du Roïaume,& qui avoient voix & féance dans le Parlement. Dans l'efpace de deux cens ans, il y eut en ce Roïaume trente Rois & Reines qui préfererent l'habit Monachal à leurs Couronnes,& qui y aïant fondé de fuperbes Abbaïes, y ont fini leurs jours dans la retraite & la folitude. Il eft forti auffi de ces Monafteres un grand nombre de Saints & de Bienheureux, d'Archevêques, d'Evêques & de celebres Ecrivains, entre lefquels ont été Bede, Moine de Jarrow, Matthieu Paris,Moine de faint Alban, Alcuin, Moine de l'Eglife d'Yorck, Matthieu, Moine de Westminster, & plufieurs autres.

Voïez Monafticon Anglicanum, Tom. I. Bulteau, Abregé de l'Hiftoire de faint Benoît. Jean Mabillon, Annal. Benedict. Yepés, Chronic. Gener. de la Ord. de S. Ben. Bucelin, Annal. Bened. & Menolog. ejufd. Ord. Clement Regner, Apoftolat. Benedict. in Anglia. Afcag. Tamb. de Fur. Abbat. Tom. II. Arnold Wion, Lign. vita. L. Aug. Alleman. Hift. Monaft. d'Irlande. Fleury, Hift. Ecclef. Tom. XI. & XII.

CHAPITRE X.

Des anciennes Congregations de Fleury, ou de faint Benoîtfur-Loire, de faint Benigne de Dijon, & de la Chaife

Dieu.

I l'on regarde les Abbates de Marmoutier, de faint

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en France; du Mont-Caffin, de Cave & de Cluze en Italie; de Fulde, d'Hirfauge, de Bursfeld en Allemagne, & plufieurs autres, comme autant de Chefs d'Ordre, par rapport aux Monafteres qui en dépendoient, & qui formoient avec leur Chef comme une efpece de Congregation : à plus forte

Tome V.

M

CONGRE- raison on a dû regarder l'Abbaïe de Fleury ou de faint GATION DE Benoît-fur-Loire comme un Chef d'Ordre; non feulement

FLEURY.

par rapport aux Monafteres qui lui étoient foûmis; mais
encore à cause de la prééminence, qui lui a été accordée
les fouverains Pontifes au deffus de tous les autres Mo-
par
nafteres; Leon VII. l'aïant appellé le premier & le Chef de
tous les Monasteres: Caput ac primas omnium Canobiorum;
& Alexandre II. aïant donné la qualité de premier des
Abbés de France à l'Abbé de ce Monaftere, qui a en effet
l'avantage de poffeder les facrées Reliques de faint Benoît,
Patriarche des Moines d'Occident.

L'on ne peut pas marquer pofitivement dans quelle année cette celebre Abbaïe fut bâtie; il est néanmoins certain que ce fut au commencement du regne du jeune Clovis, fils de Dagobert, qui donna par échange le village de Fleury fur Loire pour la terre d'Attigny à Leodebold Evêque d'Orleans qui fit bâtir à Fleury deux Eglifes & un Monastere dont il donna le gouvernement à Rigomar, qui en fut premier Abbé. La premiere & la principale de ces Eglifes fut dédiée à faint Pierre ; ce qui fit que ce Monaftere en prit le nom, & la feconde fut confacrée fous le titre de la fainte Vierge mais le corps de faint Benoît aïant été tranfporté du Mont Caffin dans cette derniere, elle devint dans la fuite la principale Eglife & prit le nom de faint Benoît.Nous avons ci-devant parlé de cette tranflation qui fe fit l'an 653. par l'Abbé Mommol qui fucceda à Rigomar : & depuis ce tems-là, la France a toûjours poffedé ces faintes Reliques.

:

L'Obfervance Reguliere fut long-tems en vigueur dans ce Monaftere. On y enfeignoit les fciences divines & humaines on y formoit les enfans à tous les exercices de la pieté, la plus exacte; & cette maison qui portoit bien loin la bonne odeur de Jefus-Chrift, étoit en grande veneration dans toutes les Provinces voifines; mais la fureur des Normans qui défoloient toutes les côtes de la Loire obligea les Religieux d'enfortir pour échapper à leur cruauté, & d'emporter avec eux le Corps de faint Benoît,qui étoit l'objet le plus fenfible de leur pieté & dont la présence animoit un chacun à la pratique de tant de vertus qu'il avoit pratiquées pendant fa vie. Ces Barbares y vinrent l'an 865. & le trouvant abandonné, ils ne fe contenterent pas d'emporter ce

qu'ils purentsils mirent encore le feu aux bâtimens, presque tout fut renversé, l'Eglife fut réduite en cendres : & les Ĥlâmes aïant seulement épargné une partie du Dortoir,les Religieux y retournerent,le firent fervir d'Oratoire, &y mirent les reliques du S.en attendant que l'on eût rebâti une autre Eglife.

GATION DE
FLEURY.

Les Normans étant retournés à Fleury l'an 878. les Religieux qui eurent avis de leur marche, s'enfuirent à Matrini dans le Gatinois, où ils crurent être en fureté, aïant emporté avec eux tout ce qu'ils avoient de plus précieux, dont ils chargerent quantité de chariots. Ces Barbares n'aïant trouvé à Fleury que les quatre murailles, fuivirent les Religieux à la pifte des chariots,dans le deffein de les maffacrer & d'emporter tout ce qu'ils avoient fauvé de leur Monaftere. Mais l'Abbé Hugues qui avoit été chercher quelque fecours en Bourgogne, étant furvenu comme ces Barbares fe difpofoient pour attaquer les Religieux, les chargea fi brufquement avec Girbord Comte d'Auxerre qui s'étoit joint à lui avec les troupes, que les Normans furent tous taillés en piéces. A peine en refta-t-il un pour porter aux autres la nouvelle de leur défaite, & l'Abbé Hugues avoüa qu'il avoit vû dans le combat faint Benoît, qui d'une main tenoit les rénes de fon cheval, & de l'autre fon bâton Paftoral dont il avoit tué un grand nombre d'ennemis. Diederic Moine d'Hersfeld en Allemagne qui avoit demeuré longtems à Fleury, rendant compte à Richard Abbé d'Amer bach de ce qui avoit donné lieu de celebrer le quatre Decembre, la Fête de l'Illation ou du retour de faint Benoît, dit que ce fut le retour folemnel de ces Reliques qui furent apportées à Fleury, après avoir été quelque tems dans l'Eglife de faint Agnan à Orleans, pour les mettre à couvert de la fureur des Normans, dont il rapporte une femblable défaite proche d'Angers par le Comte Giftolfe, Advoüé de cette Abbaïe, après que ces Barbares l'eurent encore pillée & tué foixante Religieux, mais il y a lieu d'en douter.

Les mêmes Normans eurent plus de refpect pour ce lieu dans la fuite; car fous l'Abbé Lambert l'an 909. Raynaud qui commandoit une flotte de ces peuples qui étoient encore infideles, parcourant tous les rivages de la Loire, où il mettoit tout à feu & à fang,étant arrivé à Fleury,& trouvant le Monastere abandonné de tous les Religieux qui s'étoient

CONGRE- retirés, après avoir encore emporté avec eux le de FLEURY. faint Benoît; comme ce General dormoit dans le dortoir des

GATION DE

corps

Freres, l'on prétend que faint Benoît s'apparut à lui,& que l'aïant frappé de fon bâton, il le reprit feverement de ce qu'il inquiettoit fes Religieux, & lui dit qu'en punition de fes cruautés il mourroit bien-tôt, ce qui arriva en effet peu de tems après. Rainaud étant éveillé fit au plûtôt fortir fes Soldats du Monaftere, & Rollon Duc des Normans aïant sçu ce qui étoit arrivé à son General, non feulement épargna ce Monaftere lorfque peu de tems après il alla faire une incurfion en Bourgogne ; mais encore en confideration de faint Benoît, il empêcha que fes gens ne fiffent aucun tort au païs d'alentour.

Il étoit impoffible au milieu de tant de défordres que les Religieux pratiquaflent les Obfervances Regulieres. Ils tomberent infenfiblement dans le relâchement, qui dans la fuite s'augmenta de telle forte, que l'ap 930. on ne trouvoit plus à Fleury aucun veftige de ces pratiques de Religion fi faintes & fi fages, qu'on venoit autrefois admirer dans ce Monaftere. Les Religieux, que la crainte des Normans avoit obligés de füir & d'aller de côté & d'autre, étoient à la verité retournés à Fleury; mais quoiqu'ils fuffent unis de corps, ils étoient bien divifés d'efprit & n'avoient rien de commun que le vice. Chacun étoit propriétaire, on ne fçavoit plus ce ce que c'étoit que l'abstinence de la viande, on ne connoiffoit plus le filence; ils vouloient tous commander,perfonne ne vouloit obeïr, & on se mettoit peu en peine de la Regle de' faint Benoît.

Tel étoit l'état déplorable de cette Maifon, lorfque le Comte Elifiard animé du zele de la maifon de Dieu obtint cette Abbaïe du Roi Rodolphe ou Raoul, dans l'intention de la réformer & d'y rétablir la Difcipline Reguliere, ne pouvant plus fouffrir que des Moines qui ne portoient pas Teulement l'habit de l'Ordre de faint Benoît, vêcuffent plus long-tems dans le déréglement. Mais ne pouvant pas de luimême corriger ces abus, il en commit le foin à faint Odon Abbé de Cluni, qui étoit pour lors au Monaftere d'Aurillac Auvergne, que le Bienheureux Gerard avoit fait bâtir il n'y avoit pas long-tems. Le Comte Elifiard aïant pris avec lui deux autres Comtes & deux Evêques,accompagna faint

en

GATION DE

Odon à Fleury: mais les Religieux à leur arrivée s'arme- CONGRErent comme s'ils euffent eu encore à combattre les Nor- FLEURY. mans ou des païens. Ils fe barricaderent & monterent sur les toits, d'où ils jetterent une grêle de pierres fur ceux qui voulurent approcher : d'autres armés d'épée & de boucliers défendoient les avenues de l'Abbaïe en proteftant qu'ils mourroient plûtôt que de recevoir un Abbé d'un autre Monaftere. Trois jours fe pafferent ainfi, lorfque faint Odon infpiré de Dieu & contre le confeil des Évêques & des Seigneurs dont il étoit accompagné, qui lui perfuadoient de ne pas s'exposer à la fureur de ces mutins, monta fúr fon âne, & alla droit au Monaftere, où par une efpece de miracle, ceux qui s'oppofoient le plus à fon entrée, vinrent au devant de lui, & plus doux que des agneaux le reçurent avec beaucoup de foûmiffion.

Mais lorfque l'on propofa de retrancher l'usage de la viande & de bannir la proprieté, les murmures recommencerent. Il y eut de nouvelles difputes beaucoup plus fortes & plus animées. Il n'y eut que la conftance du faint Abbé qui pût mettre à la raifon ces défobéïffans & Dieu par un miracle, fit connoître combien l'abftinence de la viande lui étoit agréable.Car un jour de faint Benoît que le poiffon manqua, les Religieux en trouverent abondamment dans un marais voifin, où il n'y avoit jamais eu que des grenouilles. Enfin ils reprirent les Obfervances Regulieres, qui furent obfervées dans ce Monaftere avec tant d'exactitude, que l'on y vint de plufieurs endroits & même d'Angleterre, chercher des Religieux pour les enfeigner à d'autres Monafteres, comme à faint Pierre de Chartres, à faint Vincent de Laon, à Saumur, à faint Pierre de Sens, à faint Eure de Toul & à quelques autres, tant en France, qu'en Angleterre. Mais quoique cette Abbaïe eût été reformée par un Abbé de Cluny, elle ne lui fut pas pourtant foûmife, non plus que plufieurs autres qui furent auffi réformées par des Religieux de Cluny. Le Comte Elifiard voïant la Difcipline Reguliere bien établie à Fleury, fe mit lui-même fous la conduite de faint Odon l'an 641. & prit l'habit Monaftique dans ce Monaftere, auquel il donna une terre confiderable qu'il avoit dans le Gatinois.

Il paroît par les anciennes coûtumes qui étoient en prati

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