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CONGRE. que dans cette Abbaïe, que le Pere Jean Dubois nous a GATION DE données dans fa Bibliotheque de Fleury, que l'on y faifoit

beaucoup d'aumônes. Le Jeudi Saint on chantoit une grande Meffe à l'Autel de fainte Croix,à laquelle devoient affifter cent pauvres, à chacun defquels on donnoit une hoftie nom confacrée, & après la Meffe on les faifoit manger. Ils devoient avoir deux pitances, l'une de féves, l'autre de millet. Après le dîné des Religieux, l'Abbé lavoit les pieds & les mains à douze pauvres, & leur donnoit du pain, du vin, deux harengs, & douze deniers ; & le même jour on donnoit encore du pain & du vin à tous ceux qui fe prefentoient. On faifoit aufli une aumône generale le jour de la Pentecôte: on donnoit encore à manger à cent pauvres, qui de voient avoir du pain, du vin, & de la viande ; & le jour de la Commemoraison des Morts, on faifoit auffi une aumône generale de bled. La maniere d'élire l'Abbé eft prefcrite dans ces anciennes Coûtumes, où il eft marqué que l'Abbé étant élu, pouvoit fe faire benir par tel Evêque que bon lub fembloit, excepté par l'Evêque d'Orleans & par l'Archevêque de Sens. Il y a de l'apparence qu'ils ne fe faifoient Fas benir par l'Evêque d'Orleans, à caufe des differends qu'ils avoient fouvent avec ce Prelat, qui prétendoit avoir Jurifdiction fur ce Monaftere; ni par l'Archevêque de Sens, à caufe qu'il étoit le Metropolitain. L'on trouve auffi après ces anciennes Coûtumes de Fleury, une taxe faite par l'Abbé Macaire fur tous les Prieurés & les Prévôtés de la dépendance de cette Abbaïe, pour avoir des Livres pour Bibliotheque; & il paroît que cette Abbaïe avoit pour lors trente Prieurés & Prévôtés, du nombre defquels étoient les Prieurés de la Riole, du Saux en Limagne, de Perrecy en Bourgogne, de Sancere, de Vailly-fur-Gien,de S. Briffon, de faint Agnan, d'Etampes, d'Anecourt, de la Cheze en Sologne, de Lauris, & de la Cour de Marigny. Mais il y a erreur en la date de cette taxe, que le Pere Dubois marque être des Calendes de Mars 1346. la dixième année de Louis Roi de France & Duc d'Aquitaine, puifque Philippe de Valois regnoit pour lors. Il y avoit auffi fans doute des Abbaïes qui dépendoient de Fleury, puifque le Moine Aimoin, dans la Vie de faint Abbon, Abbé de ce Monaftere, qui fut tué l'an 1004. dit que la douleur qu'on eut de fa mort,

la

GATION DE

augmenta par l'arrivée d'un grand nombre d'Abbés, qui CONGRE venoient pour la Fête de faint Benoît, qui fe celebroit au FLEURY. mois de Decembre, dont il y en avoit qui avoient été mandés pour pourvoir au bon ordre de la Congregation,& d'au tres qui étoient venus pour confulter faint Abbon, entre lefquels étoit faint Odilon, Abbé de Cluni ; & que le chagrin que ces Abbés firent paroître de ne plus trouver faint Abbon, renouvella la douleur de ces Religieux,d'être privés d'un tel Pafteur.

Les Calviniftes dans le feiziéme fiécle, n'eurent pas pour cette Abbaïe les mêmes égards qu'avoient eu les Normans, quoiqu'Infideles & Païens. Le Cardinal Odet de Châtillon, qui en étoit Abbé Commendataire, y envoïa après son apostasie, arrivée l'an 1562. fon Intendant avec des Soldats, pour en emporter les vafes facrés, & tout ce qui étoit dans le tréfor. Joubert,qui en étoit Prieur, obtint feulement de l'Intendant les Reliques de faint Benoît; mais la Châffe d'or qui les enfermoit fut brifée & emportée, auffi-bien qu'un Reliquaire d'argent où étoit un offement de la cuiffe de faint Sebastien, que le Chantre de cette Abbaïe sauva heureusement des mains facrileges de ces Heretiques. Les Satelites de ce Cardinal apoftat avoient laiffé les autres Reliques, qui étoient dans des Châffes de bois doré ; mais la même année le Prince de Condé étant à Orleans,envoïa derechef des Soldats à Fleury pour enlever ce que les gens du Cardinal avoient épargné. Les Reliques furent profanées & foulées aux pieds, tous les ornemens de l'Eglife furent pillés, & les Calviniftes firent le Prêche & la Cêne dans l'Eglife. Le Corps de faint Benoît fut neanmoins à couvert de leurs infultes, auffi-bien que la Relique de faint Sebastien: mais la plus confiderable perte que fouffrit ce Monaftere, (où l'on enfeignoit autrefois les Sciences) fut celle des manufcrits qui furent brûlés, déchirés ou difperfés, dont le nombre étoit très grand : ce qui n'eft pas difficile à concevoir, puifque fes Ecoles étoient en fi grande recommandation, qu'il s'y eft trouvé jusqu'à cinq mille Ecoliers, & que chacun d'eux donnoit par reconnoiffance deux volumes à la Bibliotheque.

S. BENI

GNE DE

A l'Abbaïe de Fleury ou de faint Benoît-fur-Loire, nous joindrons celle de saint Benigne de Dijon, & de la Chaife- DION.

S. BENI

GNE DE

par

CONGRE- Dieu. L'on ne peut gueres refufer le titre de Chef d'Ordre GATION DE à celle de faint Benigne, puifqu'outre les Prieurés qui en dépendoient, faint Guillaume, l'un de fes Abbés, préfidoit DIJON. fur plus de quarante Abbaïes qu'il réforma. Saint Benigne de Dijon fut fondé au commencement du fixiéme fiécle Gregoire Evêque de Langres, qui aïant trouvé les Reliques de ce faint Martyr, en fit la Tranflation, & bâtit autour de fon Tombeau une Eglife & un Monaftere, qu'il dota de fon propre bien, & de quelques terres de fon Evê ché. Gontran Roi de Bourgogne en augmenta confiderablement les revenus. Ce Prince aïant fondé l'Abbaïe de faint Marcel près de Châlons, voulut que cette Abbaïe, & celle de faint Benigne, fuffent affociées à celle de faint Maurice d'Agaune, dont il voulut qu'elles gardaffent les Coûtumes, tant à l'égard de la Pfalmodie continuelle, qu'à l'égard des autres Obfervances.

Les Moines de faint Benigne tomberent dans la fuite comme les autres dans le relâchement. A peine dès le neuviéme fiécle y restoit-il encore quelques traces des Observances Regulieres, qu'on y avoit autrefois admirées. Ils avoient même honte de porter le nom de Moines, & fe faifoient appeller Clercs, par un efprit de vanité. Herlogaud qui en étoit Abbé, y rétablit pourtant avec beaucoup de peine la Difcipline Reguliere l'an 819. & fit reparer l'E glife: mais fous le regne de Charles le Chauve, Roi de France, ce Monaftere fe trouvoit encore en fi mauvais ordre, que le grand nombre de Religieux qui y étoit autrefois, étoit prefque reduit à dix, qui vivoient dans un étrange déreglement. Ifaac, Evêque de Langres, le repara une feconde fois, & y fit venir des Religieux, plus reguliers & plus exemplaires, aufquels il permit d'élire un Abbé, conformément à la Regle de faint Benoît. Le relâchement s'y étant gliffé encore dans la fuite. Bruno Evêque de Langres, n'oublia rien pour faire retourner les Religieux dans leur premier état ; mais fes efforts aïant été inutiles, il s'adreffa à faint Mayeul, Abbé de Cluni, qui étant en ce tems-là le Restaurateur de la vie Monaftique, lui accorda douze Religieux d'une éminente pieté, pour remettre la Regularité & le bon ordre dans cette Maifon. Ils arriverent à faint Benigne le 25. Novembre de l'an 989. auquel comme on celebroit

S. BENIGNE

celebroit la Fête de la Tranflation de ce faint Martyr, ils CONGREaffifterent avec une pieté édifiante à l'Office de Matines. Les GATION DR anciens Religieux aimerent mieux abandonner le Monaftere DE DIJON que de se foumettre aux Obfervances Regulieres ; ceux de Ĉluni s'y firent admirer par la fainteté de leur vie ; & cette Abbaïe qui avoit été deshonorée par la corruption des mœurs de ceux qui y demeuroient, devint une Ecole de vertu par la fage conduite de ceux qui y étoient nouvelle

ment venus.

Saint Mayeul y nomma pour Abbé faint Guillaume, & jamais cette Abbaïe ne fut plus floriffante que fous fon gouvernement. Sa réputation fe répandit de tous côtés. Henri Roi de Bourgogne lui donna la conduite de l'Abbaïe de faint Vincent de Vergi, où il rétablit en peu de tems la Vie Reguliere, auffi-bien qu'à Beze, à Reomai, à S. Michel de Tonnerre, à Molome, & dans plufieurs autres Monaiteres qui le demanderent pour Superieur;comme ceux de Fecam, de S. Germain-des-Prez à Paris, de S. Arnoul de Metz, de faint Eure de Toul, de Gorze, du Mont faint Michel, de Jumiege, de faint Oüen, de Bernay, & plufieurs autres qu'il réforma pareillement ; fe trouvant en même tems Superieur de plus de quarante Monafteres, entre lefquels fur auiñ celui de Fructuaro en Piémont, qui avoit été bâti par fes parens fur leur Terre, ce Saint étant originaire de ce païs. Il est même furprenant qu'il ait eu un fi grand nombre de Difciples pour envoïer en tant de Monalteres, voulant qu'il y en eût toûjours dans celui de Dijon plus de quatre-vingt. Cette Abbaïe eut encore befoin de réforme dans la fuite; mais à prefent que les Benedictins de la Congre gation de faint Maur la poffedent depuis l'an 1651. l'on y voit revivre le veritable efprit de faint Benoît, auffi-bien que dans les autres Maifons qu'ils ont réformées, du nombre defquelles font celles de Fleury, de faint Benoît-surLoire, dont nous avons ci-devant parlé, & la Chaise-Dieu, dont nous allons rapporter l'origine..

Cette Abbaïe, qui a été encore regardée comme Chef LACHATS d'Ordre, eut pour Fondateur le Bienheureux Robert, Cha- DIZU noine de faint Julien de Brioude, qui fe retira l'an 1043dans un Ermitage pour y vivre dans la retraite, & feparé du commerce des hommes. Il étoit originaire d'Auvergne,

Tome Y.

N

GATION DE

DIEU.

CONGRE d'une Famille noble, qui étoit la même dont étoit forti le LA CHAISE Bienheureux Geralde, Comte d'Aurillac. Sa mere étant groffe de lui, & fe trouvant preffée des douleurs de l'enfantement, le mit au monde dans une folitude, comme par un préfage que celui qu'elle venoit de mettre au monde, devoit un jour aimer la folitude. Il fut élevé dans l'Eglife de faint Julien de Brioude, dont il fut Clerc, & enfuite Chanoine; mais voulant renoncer entierement au monde, il fe mit en chemin pour aller au Monaftere de Cluni, dans le deffein d'y prendre l'habit; mais fes amis & fes Domestiques aïant appris fon départ, coururent après lui, & le ramenerent: ce qui lui donna tant de chagrin,qu'il en tomba malade. Aïant recouvré fa fanté, il alla à Rome, & à fon retour voulant executer le deffein qu'il avoit toûjours confervé de se retirer, s'étant affocié deux jeunes Gentilshommes, ils allerent dans une folitude, & s'arrêterent auprès d'une Eglife à demi-ruinée. Ils obtinrent ce lieu de deux Chanoines du Puy en Velai, aufquels il appartenoit, le défricherent, & y bâtirent de petites cabanes. Robert encourageoit fes deux Difciples, & tandis qu'ils travailloient de leurs mains avoir de quoi fubfifter, il s'appliquoit à la lecture & à la priere,pour avoir de quoi les inftruire. Ils avoient neanmoins les heures marquées, tant de jour que de nuit, pour faire leurs prieres en commun dans un Oratoire. Les habitans des environs s'oppofant à leur deffein, les incommodoient beaucoup, & les chargeoient même d'injures & de ménaces: mais la patience & la charité de Robert & de fes Compagnons, adoucirent tellement ces efprits farouches, qu'il y en eut plufieurs qui fe joignirent à eux. Leur nombre s'augmentant, l'Obfervance Reguliere fe pratiquoit avec plus de ferveur en forte que ce lieu acquit en peu tems beaucoup de réputation, & qu'il falut y bâtir un Monaftere. Les fondemens en furent jettés l'an 1046. il fut promptement achevé par les liberalités de plufieurs perfonnes qui y contribuerent. L'an 1052. le Bienheureux Robert le fit ériger en Abbaïe, & il en fut le premier Abbé : cette Abbaïe devint en peu de tems fi recommandable, qu'il eut fous fa conduite jufqu'à trois cens Religieux; & il repara environ cinquante Eglifes abandonnées depuis long-tems. Ce Monaftere, qu'on nommoit dès-lors la Chaise-Dieu, en

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