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voit voir comme lui, que fa deftinée ne dépendoit pas uniquement de l'Em- 1527. pereur, & qu'il falloit auffi fe rendre l'armée favorable ; il fçut mettre dans fes intérêts le fameux Moron qui étoit le confeil de tous les principaux Chefs; il donna l'Evêché de Modene à fon fils; il lui promit à lui-même des fommes confidérables.

Il ne fe comporta pas moins adroitement à l'égard de fon furieux ennemi le Cardinal Pompée Colonne. Ce Prélat étoit vena lui rendre vifite au château Saint-Ange, foit par bienféance, foit pour jouir de fon humiliation; le Pape fçut tirer parti de fa vanité ; il s'avoua vaincu, il reconnut qu'il n'appartenoit qu'aux Colonnes, & fur-tout à Pompée, d'abaisser & de relever le Saint-Siege à leur gré; les titres qu'il lui prodigua de Dompteur des Papes, d'appui ou de fléau du Saint-Siege, d'Arbitre de la Chrétienté, flatterent ce cœur ambitieux, & diffiperent infenfiblement fa haine. Le Belcar. 1. 19 Pape le voyant ébranlé, n'épargna ni n. 43. prieres, ni larmes pour le fléchir; Colonne s'enivra de la nobleffe du per

fonnage qu'il pouvoit jouer, il devint 1527. F'ami du Pape & fon protecteur auprès de l'Empereur & de l'armée ; il crut que le Pape, remis en liberté, fe fouviendroit du bienfait, & oublie roit les outrages.

Il étoit temps que l'Empereur relâchât le Pape, s'il ne vouloit pas qu'il lui fût arraché. Lautrec avançoit toujours fans obftacle. L'Empereur envoya de nouveaux ordres pour faire mettre le Pape en liberté aux conditions, difoit-il, les plus agréables à ce Mém. de du Pontife. Migliau voyant que le Traité Bellay, 1.3. alloit être conclu, ne voulut point y prendre part, & crut devoir fe retirer à Naples. Le Général des Cordeliers s'empreffa d'exécuter les ordres de l'Empereur, & Moncade fe laffant de perfécuter le Pape, fans motif & fans intérêt, Serenon fon Secretaire fit tout ce qu'on voulut.

Belcar. 1. 19.

8. 44.

On convint donc que le Pape feroit mis en liberté, fans rançon, dans le fens qu'on a expliqué plus haut, mais en payant 67000 ducats aux Allemans, 35000 aux Efpagnols, avant que de fortir de Rome; en donnant

encore une pareille fomme aux Allemans, quinze jours après, & en ache- 1527. vant la fomme de trois cens cinquante mille ducats dans le terme de fix mois.

A l'égard des Places de fûreté, on Guicciard convint que l'Empereur refteroit en 1. 18. poffeffion d'Oftie & de Civita Vecchia qu'André Doria lui avoit remifes depuis le premier Traité, après avoir été payé des quatorze mille ducats qu'il demandoit; & que de plus on remettroit à l'Empereur Forli & Civita Caftellana. On donna d'abord en ôtage Hyppolite & Alexandre de Medicis, en attendant que des ôtages moins précieux au Pape, les Cardinaux Pifani, Trivulce & Gaddo, qui devoient être les véritables ôtages, fuffent arrivés de Parme où ils étoient alors; le Pape fut obligé encore de livrer les Cardinaux Céfis & des Urfins, mais il fut obligé à quelque chofe de bien plus dur pour remplir les funeftes engagemens qu'il venoit de contracter. Ses befoins les plus preffans n'avoient pu le faire confentir à mettre en vente la dignité de Cardinal, quoique fon Confeil l'y eût fouvent exhorté, en

alléguant l'exemple de ses prédécef1527. feurs, qui n'avoient pas eu le même fcrupule. Guichardin attribue même principalement les malheurs de ce Pontife au refus opiniâtre qu'il fit d'employer cette reffource, refus dont on doit encore plus louer fa religion qu'on n'en doit blâmer fa politique. La religion céda enfin à la néceffité : l'infortuné Pontife, pour trouver le prix de fa liberté, vendit, en gémiffant, la Pourpre Romaine à des hommes qui s'en montrerent d'autant plus indignes qu'ils confentirent de l'acheter. Il accorda autant de décimes fur le Clergé que Charles-Quint en demanda, il fui permit même d'aliéner les biens Eccléfiaftiques pour payer les Lanfquenets Luthériens. Le gouvernail étoit forcé dans fes mains, on ne pouvoit plus lui rien imputer.

Enfin le jour arriva qui devoit lui rendre fa liberté; c'étoit le neuf de Décembre. Les Efpagnols devoient le conduire ou à Orviete, ou à Spolete, ou à Pérouse, mais le Pape les Mém. de du prévint. Le malheur avoit aigri fes déBellay, 1. 3. fiances; il connoiffoit, il s'exagéroit

peut-être les mauvaises intentions du Viceroi, tout lui étoit fufpect, il ne voulut fe fier qu'à lui-même & aux

1527.

fiens. A l'entrée de la nuit du 8 au 9 Guicciard, Décembre, il fortit du château Saint- 1. 18. Ange déguifé en Marchand (1); une troupe d'Arquebufiers qui l'attendoit dans la prairie, l'efcorta jufqu'à Montefiafcone; il gagna enfuite Orviete, où il arriva de nuit prefque feul & fans être accompagné d'aucun des Cardi

naux.

Tout affoibli, tout épuifé qu'il étoit, & dépouillé de prefque tous fes Etats, à peine eut-il recouvré fa liberté qu'il parut avoir recouvré fa puiffance & fa gloire, comme un aftre après avoir été quelque temps éclipfé, reparoît dans tout fon éclat: « Preuve fenfible, » dit Guichardin, du refpect des Prin

ces Chrétiens, & de la vénération > des peuples pour la Majesté Pontifi∞ cale.

(1) En Marchand, dit Guichardin; en Valet, dit Beaucaire. Servi habitu... dispensatoris fui Minif= trum mentitus.

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