Doute encore de fa vie & croit voir les enfers. J'ouvre les yeux enfin ; mon trouble diminué : Deux amis feulement frapent alors ma vuë, Tous les autres fuyoient un ami condamné: Le fort d'un malheureux eft d'être aban donné. Dans ce cruel moment je fens couler mes larmes ; Mon épouse éplorée augmente mes allarg image D'une famille en pleurs que la Parque ravage. Si d'un fimple mortel les deftins rigoureux Pouvoient fe comparer à des revers fameux: Tel fut le défefpoir des habitans de Troye, Lorfque du fils d'Achille ils devinrent la proye. Cependant la fraîcheur & le calme des airs Répandoient le fommeil fur le vafte Uni vers. L'Aftre brillant des nuits pourfuivoit fa carriere. Je vois à la faveur de fa douce lumiere Ces colomnes, ces tours, ces portiques altiers, Formidables voifins de mes humbles foyers. Lieux protegez du ciel, féjour de notre Maître, Fortunés habitans de ce riche Palais, Temple, Autels, que mes yeux ne rever ront jamais, Toi, fleuve, dont Ovide illuftra les ri vages, Recevez mes adieux, & mes derniers hom mages. Il n'eft plus de remede aux maux que je reffens, J'offrirois à Céfar des régrets impuissans; Mais vous, Dieux immortels, modérez fa vengeance; Qu'il ne confonde point le crime & l'imprudence. Vous le fçavez, grands Dieux, fi j'ai crû le trahir! Qu'il Qu'il me puniffe, hélas! du moins fans me hair. Mon épouse à ces mots, tombe à mes pieds mourante, Elle remplit les airs,de fa voix gémifsante; De nos lares facrés embraffant les Autels, Elle implore à la fois les Dieux & les mortels. Inutiles tranfports! c'eft en vain qu'elle efpere D'un malheureux époux, adoucir la mifére: Mais déja vers le Pole, où l'ont placé les Dieux, L'aftre de Califto difparoit à nos yeux. Rome, il faut pour jamais renoncer à tes charmes : C'eft le dernir moment qu'on accorde à mes larmes. L'aube éclaire tes murs le Silence a ceffé, J'entens le Citoyen, l'étranger empreffé. » Où courez vous, difois-je, & quel soin vous agite? , Arrêtez, Rome feule eft digne qu'on l'habite. Funefte aveuglement! Je vois naître le jour, Et crois pouvoir encore prolonger mon féjour, Tome 1. M Trois fois je veux partir, & trois fois ma Malgré moi de mes pas interrompt la viteffes Je fufpends, je finis, je reprends mes dif cours, J'embraffe, je m'éloigne, & je reviens toujours. Eh pourquoi me hâter? je vais dans la Scythie; Sans efpoir de retour je quitte ma patrie: De mon cœur éperdu chere & tendre moitié, Et vous dont mes malheurs excitent la pitié, Seuls amis que le ciel fouffre encor que j'embraffe, C'en eft fait; je jouis de fa derniere grace: Je ne vous verrai plus, vivez heureux, je pars; Cependant l'horifon brille de toutes parts; L'étoile du matin cede au flambeau du monde, Et fes premiers rayons fortent du sein de l'Onde. Je fuis en gémiffant, mais mon cœur déchiré Revole vers les lieux dont il s'eft féparé.. De mes tristes amis, de ma femme éperduë, Les cris & les fanglots percent mon ame émuë: Je n'ofe m'arrêter, elle court fur mes pas, Bientôt autour de moi je fens fes foibles bras. Non, cruel, non, ta perte entrainera la mienne, Pense tu loin de toi que Rome me re tienne? Compagne de tes pas comme de tes mal+ heurs Au bout de l'univers j'irai fecher tes pleurs Céfar t'a condamné, ton épouse eft prof crite. Céfar veut ton exil, & l'amour veut ma fuite... Je te fuis... mais hélas malgré tous les efforts, Un rigoureux devoir m'arrache à fes tranf ་་་་་་ ports. Défolé, l'œil en pleurs, & la vûë égarée. Entre le bras des fiens je la laiffe éplorée, Elle tombe & j'ai fçu qu'en ces affreux inftans, Les ombres de la mort la couvrirent long Stemma 7 Elle revoit le jour pour fouffrir davantage, |