de bruit il n'y a pas long-tems. Aujourd'hui l'on penfe, l'on écrit en Vers, fi les chofes plaifent, qu'importe du titre qu'on leur donne: La brievété & le fel font les deux pigram- principaux caracteres de l'Epigram

De l'E

ane.

me.

Art L'Epigramme plus libre en fon tour plus

Poët.

Chant 2,

borné,

N'eft fouvent qu'un bon mot de deux rimes orné.

Par la brièveté j'entens non-feulement le nombre des Vers qui ne doit jamais excéder celui de douze ou de quatorze au plus, mais encore une précision de ftyle qui rejette tout ce qui pourroit être languiffant ou fuperflu. Le fel dont l'Epigramme doit être affaifonnée, ne se borne pas uniquement aux traits plaifans ou Satyriques, à ce qu'on nomme communément un bon mot: il s'étend en général à toute pensée vive délicate ou brillante qui rit à l'imagination; car outre la Satire, elle a encore

pour objet la loüange, la morale,
la galanterie. Les Poëtes Anciens
& Modernes qui fe font le plus
diftingués en ce genre, Catulle
& Martial parmi les Latins, Marot,
Maynard & Rouffeau parmi nous,
ont embraffé tous ces genres. Rien
n'eft plus ingénieux ní plus délicat
que ce diftique de Virgile à la
louange d'Augufte, tout le mon-
de en fçait le fujet :

Nocte pluit totâ, redeunt fpectacula manè :
Divifum imperium cum jove Cafar

habet.

Celle de Martial fur la générofité, exprime un fentiment bien noble avec toutes les graces de la Poëfie.

Callidus effractâ nummos fur auferet arcâ.
Profternet patrios impia flamma Lares.
Debitor ufuram pariter fortemque negabit,
Non reddet fterilis femina jacta feges.
Difpenfatorem fallax fpoliabit amica.
Mercibus extructas obruet unda rates.
Extrà fortunam eft quidquid donatur
amicis.

Quas dederis folas semper habebis opes.

Lib. V.

On fçait que ce Poëte a beaucoup plus fait d'Epigrammes badines & Satiriques que d'autres. Je n'en citerai que deux très-courtes. L'une eft contre un mauvais Lecteur.

Lib. 1. Quem recitas meus eft, o fidentine, libellus,

Liv. VI.

Sed male cum recitas, incipit effe tuus.

L'autre eft contre un Critique & feroit, je crois, fort difficile à rendre en auffi peu de Vers François.

Laudat, amat, cantat noftros mea Roma libellos.

Meque finus omnis, me manus omnis habet.

Ecce rubet quidam, pallet, ftupet, ofcitat odit.

Hoc volo: nunc nobis carmina noftra placent.

toutes heureuses: plufieurs fe terminent par des penfées fauffes, & quelquefois triviales; écueil ordinaire des Auteurs qui négligent la jufteffe pour courir après l'efprit; & ce qui donne encore une idée moins avantageufe de Martial, c'eft qu'il fait baffement fa Cour à Domitien. Nos Epigrammatiftes dont j'ai déja parlé, ont fait auffi quelques piéces foibles, quoique la plupart foient bonnes & quelqu'unes admirables. Celles qu'on va lire font de M. Rouffeau, je les ai choifies relativement aux différens objets que fe propose l'Epigramme. On verra qu'à cet égard nous ne le cédons point aux An

ciens :

Les Dieux Jadis vous firent pour tributs
Deux de leurs dons d'excellente nature
L'un avoit nom Ceinture de Venus,
Et l'autre étoit la bourfe de Mercure.
Lors Apollon dit, par forme d'augure,
De celle-ci largeffe elle fera;

De l'autre, non; car Jamais créature
De fon vivant ne la poffedera,

Eloge.

Ce monde ci-n'eft qu'une œuvre Comique
Où chacun fait fes roles différens.

Là fur la Scene en habit dramatique
Morale. Brillent Prélats, Miniftres, Conquerans
Pour nous vil peuple affis aux derniers

rangs,

Troupe futile & des grands rebutée
Par nous d'en bas la piece eft écoutée,
Mais nous payons, utiles spectateurs;
Et quand la farce eft mal représentée,
Pour notre argent, nous fiflons les A&teurs.

Prêt à defcendre au manoir ténébreux Galan- Jà de Caron j'entrevoyois la barque terie. Quand de Caliste un baiser amoureux, Me rendit l'ame & vint frauder la Parque, Lors de fon livre Eacus me démarque, Et le Nocher tout feul l'onde passa. Tout feul je faux. Mon ame traversa Le fleuve noir; mais Caliste, Caliste En ce baiser dans mes veines gliffa, Part de la fienne, avec quoi je fubfifte.

A fon portrait certain rimeur braillard Dans un logis fe faifoit reconnoître ; Satire, Çar l'ouvrier le fit avec tel art,