Du ftile que lité d'un ftyle bas, ils fe font per fuadés fauffement qu'ils avoient trouvé l'art d'écrire avec cette molle aifance, avec ce badinage délicat dans lequel Marot a excellé, & que très-peu d'autres ont atteint depuis lui, comme nous l'allons voir dans la remarque fuivante. Clément Marot Valet de ChamMaroti bre du Roi François I. eft celui de tous nos anciens Poëtes qui a le mieux poffédé le ftyle fimple & naïf, auquel on a donné depuis le nom de ftyle Marotique. Ses ouvrages font entre les mains de tout le monde, & quoique tous ne foient pas de la même force, on y reconnoit néanmoins par tout un air de liberté, un génie aifé qui les tire du pair, & auquel on peut exactement appliquer ce mot d'HoUt fibi quivis ArtPoët. ch, 249, race; Speret idem, fudet multum, fruftraque laboret aufus idem. Rien n'eft en effet plus naturel; un exemple fuffira pour vous en convaincre; Marot avoit été volé fon Valet qui étoit, dit-il: par Gourmand, ivrogne, & affeuré menteur, Epitre Pipeur, larron, jureur, blafphemateur, au Roi Sentant la hart de cent pas à la ronde, Au demeurant le meilleur fils du monde. Il raconte enfuite agréablement au Roi comment ce fripon lui avoit enlevé fon argent, fes habits & fon cheval, & ajoûtant qu'il ne veut rien demander à ce Prince, il continue de la forte: Je ne dis pas fi voulez rien prêter pour avoir été volé. Que ne le prenne. Il n'eft point de prêteur Ibid, A vous payer, fans ufure, il s'entend, 1 Quand vôtre los & renom ceffera. La maniere dont il termine fon Epitre n'a pas moins de délicatef fe, que ce que vous venez de lire, Ibid. Roi, amoureux des neuf Muses, Roi en qui font leurs fciences infuses, Roi plus que Mars d'honneurs environné, Roi, le plus Roi qui fut onc couronné, Dieu tout-puiffant te doint pour t'eftrenner Les quatre coins du monde à gouverner. Cette aimable fimplicité eft bien au-deffus des preftiges de l'Art & des vaines fubtilités du bel efprit. Depuis deux fiécles, à peine compte t'on trois ou quatre perfonnes qui ayent excellé dans ce genre, tant il eft difficile d'y réuffir: l'exem-ple de la Fontaine & de Rouffeau, montre cependant qu'il n'eft point inimitable; on en jugera mieux par la comparaison. Le premier dans le conte intitulé Belphegor décrit de la forte ce que c'eft qu'un In tendant ou un Maître d'Hôtel : Belpheg. Et j'oubliois qu'il eut un Intendant, Un Intendant? Qu'est ce que cette chose? Qui comme on dit, fçait pêfcher en eau Et plus le bien de fon Maître va mal, Je m'abftiens de faire des réfléxions fur la reffemblance parfaite de ce ftyle avec celui de Marot pour citer un Poëte plus moderne héritier des graces de ces deux prédéceffeurs. C'est M. Rouffeau connu par fes malheurs autant que par fon génie. Voici comme il commence fon Epitre à Marot. Ami Marot l'honneur de mon Pupitre, Epitre 3. Mon premier Maître, acceptez cette Epitre Qui fur Parnaffe a pris vôtre écuffon, Vint chez vous feul étudier la rime. Il eft fâcheux que ces trois Poëtes ayent fouillé par des obfcenités une plume qu'ils fembloient tenir de la main des graces: mais en condamnant l'abus qu'ils ont fait de leurs talens; il faut convenir que perfonne ne les a égalé en fineffe & en légéreté, fi ce n'eft peut-être Mr. de Voltaire dans quelques-unes de ces piéces fugitives. Des perfonnes d'un mérite reconnu n'ont pas difcerné précifément, comme nous l'avons déja vû, le ftyle Marotique du genre burlesque. On en prodigue encore tous les jours le nom à des ouvrages qui ne le méritent nullement, Des Auteurs s'imaginent avoir |