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cependant cette facilité de juger comme un de ces talens qui fervent à chaffer l'ennui, & à se faire honneur dans la fociété. La difficulté du travail les épou vante,tout ce qui a l'air d'étude les rébute; en un mot ils s'imaginent qu'il en coûte trop pour s'orner l'efprit.

J'avoue que s'il falloit débrouiller les principes confus d'un art encore naiffant, former des regles à force de réflexions, confulter & comparer ensemble un grand nombre d'Auteurs, enfin s'ouvrir des routes nouvelles dans un païs inconnu, on devroit être decouragé à la veuë des travaux à entreprendre & des obftacles à furmonter : mais dans des arts bornés tels que l'Eloquence & la Poëfie, tout est découvert,

les regles font établies, & comme elles font toutes fondées fur la nature; avec une attention médiocre, on peut en acquerir en peu de tems une connoiffance affez étenduë & affez exacte pour former fon goût. Nous avons raffemblé dans un traité particulier celles qui con cernent l'éloquence; celui-ci renfermera les Principes de la Poëfie tant pour la compofition, que pour la lecture des Poëtes; non pour inspirer le talent, nous l'avons déjà dit, il dépend entiérement de la nature, mais pour former le goût des jeunes gens en les accoutumant à difcerner, en confequence des regles, les beautés & les défauts des Auteurs. Ces Principes ainsi réünis en un feul corps formeront ce

qu'on appelle communément lá Poëtique; Ouvrage dont on a tellement reconnu la néceffité. dans tous les tems, que les Anciens & les Modernes ont également concouru à nous en donner une. La plus célébre, & la fource, pour ainfi parler, de toutes les autres, eft celle d'Ariftote. Ce Philofophe né pour crayonner la marche & les progrés de l'efprit humain dans la compofition des ouvrages deftinés à perfuader les hommes, à les toucher ou à les amufer, ce Philofophe, dis-je, développa par ses réflexions fur la pratique les vrais Principes de la Poëfie, comme il avoit expliqué ceux de l'Eloquence. Vivant dans un fiecle où tous les beaux Arts qui regnerent dans la Grece étoient à leur

plus haut période, il n'eut pas befoin de fortir de fon Païs, ni prefque de fon fiécle pour trouver dans les principaux genres de Poëfie, des modeles fi grands que fi on les a quelquefois atteints depuis, au moins ne les a t'on jamais furpaffés. En effet c'eft fur les Poëmes d'Homere qu'il établit les regles de la Poëfie Epique, & même felon quelqu'uns celles du Poëme Dramatique; mais je ferois plus porté à croire que comme il trouva les regles de l'Epopée par fes réflexions fur l'Iliade & l'Odiffée, il débroüilla l'Art du Théâtre, par fes obfervations fur les Tragédies d'Efchile, de Sophocles & d'Euripide, & fur les Comédies d'Eupolis, d'Ariftophane & de Menandre, Car c'est à des

remarques fur la nature de ces grands Poëmes & à quelques principes généraux applicables à tous les autres genres de Poëfie, que fe borne la Poëtique d'Ariftote qui devient à cet égard un ouvrage imparfait foit que la mort ait empêché l'Auteur de l'achever, foit que l'injure des tems nous en ait enlevé une partie considérable : Quoiqu'il en foit, les Sçavans en rendant juftice d'une part au mérite de l'ouvrage, reconnoiffent de l'autre qu'il n'eft pas par-tout également clair, qu'il y a même des endroits très-obfcurs; de là, tant de commentaires où le partage des opinions, n'a fait qu'augmenter l'incertitude. Les Lecteurs qui cherchent à s'inftruire n'ont fouvent ni le loifir, ni le cou

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