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Auteur felon que la Piece l'a affecté, & fouvent au gré de fon caprice, fans fondement & fans caufe légitime.Un ouvrage eftil mieux traité à la Lecture? de mille Lecteurs un très petit nombre juge avec difcernement & en connoiffance de caufe, le refte décide fans goût, mais enfin il décide. Dans ces cercles où le tems ne fe confume point abfolument en amufemens frivoles, où pour varier les plaisirs on fait fucceder à une partie de jeu, la lecture des Poëfies fugitives & des autres nouveautés du tems, où la converfation s'engage infenfiblement fur les ouvrages. d'efprit, combien peu de perfonnes fcavent écouter avec fruit, & réprimer la démangeaifon qu'elles ont d'hazarder leurs

idées fur des matiéres qu'elles n'entendent fouvent pas? La plupart du tems, ce n'eft pas cet homme éclairé & judicieux, capable de fentir & de faire fentir aux autres les beautés & les défauts d'un ouvrage, ce n'eft pas lui qui prononce, ou s'il décide, c'eft avec modeftie, bienféance & prefqu'en tremblant. Il n'en eft pas ainfi d'un jeune homme idolâtre de fa figure, & qui en impofe aux femmes par des airs & par un jargon à la mode, avec une raillerie, un trait fatirique, une allufion maligne il décide fouverainement du fort d'un Poëme ou d'une piéce de Théâtre, il fixe le mérite des Auteurs, & leur diftribuë leurs places fur le Parnaffe. Incapable de difcuffion & de ren

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dre raifon de fes prétendus oracles, il entraine ainfi par préjugé les perfonnes qui ne cherchent qu'à fe difpenfer d'un examen toujours pénible, mais qui font néanmoins flattées du plaifir d'en porter leur jugement,quels qu'en foient les mo tifs & les fondemens.

Ce défaut eft fi commun par mi les jeunes gens de nos jours, que c'eft un bon office à leur rendre que de leur en faire fentir le ridicule. Quelle différence en effet entre ce triomphe momentané, entre la fauffe gloire qu'ils viennent d'acquerir dans ce cercle, où fans prin cipes & fans contradicteurs ils ont fait les Ariftarques & les Zoïles, & la honte dont ils feroient infailliblement couverts, s'ils ofoient débiter les mê

mes maximes dans ces affemblées où des hommes d'un goût fûr & délicat, cherchent à s'éclairer mutuellement par des réflexions folides & fenfées, où l'on difcute, où l'on examine, où l'on prononce rarement, & toujours avec équité, parce que la raison y porte le Aambeau devant la critique. Quelle humiliation pour eux que ce contrafte! quelle confufion d'entendre condamner par principes les mêmes endroits qu'ils avoient loué fans jugement, & louer avec raison, ce qu'ils critiquoient fans fu jet! mon deffein n'eft point ici de les infulter, mais s'il fe peut de les éclairer & de les inftruire. Laiffons les réfléchir un mo

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ment fur la conduite de ces hommes fenfés avec lefquels

je les fuppofe. Ils les entendront s'exprimer avec jufteffe & précision fur le mérite des ouvrages d'efprit. Ils y ver ront briller un grand difcernement, un jugement fain & lumineux. Ils ne trouveront point de décisions hazardées ni fans principes folides. S'ils veulent s'en convaincre encore davantage, qu'ils paffent à la lecture des Critiques qui fe font propofé d'apprécier le mérite des autres Ecrivains, ils reconnoîtront que cette partie de la littérature exige au moins une connoiffance générale des principes & des regles de l'Art. Vouloir juger des ouvrages d'efprit, fans avoir acquis ces lumiéres, c'eft voguer fans bouffolle fur une mer dont on ignore les écuëils. Ils ambitionnent

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