Imágenes de páginas
PDF
EPUB

diftinguer l'émotion férieuse, qu'exciteroient les objets mêmes que nous voyons, de l'émotion fuperficielle & paffagere que l'imitation de ces mêmes objets excite dans notre cœur. La premiere pourroit y porter des impreffions triftes fàcheufes & quelquefois funeftes. La feconde au contraire n'eft pas fuivie des mêmes inconvéniens. Je m'explique par un exemple. Oedipe Parricide & Inceftueux, Oedipe défefperé & fe crévant les yeux eut êté pour nous un spectacle

d'horreur pour les Thébains, nous n'en aurions pû foutenir la vûe; il auroit fallu des mois & peutêtre des années pour nous dif traire des idées noires qu'un pareil événement n'eut pas

comme il le fut

manqué de nous infpirer. Les Tragédies de Sophocle & de M. de Voltaire, qui nous préfentent l'imitation de cet événement, nous touchent, mais fans laiffer en nous le germe d'une trifteffe durable, & qui puiffe nous devenir à charge, nous verfons des larmes, mais nous fentons un fecret plaifir à les verfer; nous nous reprocherions de n'en répandre pas, & bien-tôt elles font effuyées. La représentation du Médecin malgré lui, donnée immédiatement après celle d'Oedipe, excite nos ris, & les fait fuccéder rapidement aux pleurs que

nous verfions un moment auparavant; preuve que l'impreffion faite fur notre ame, par les imitations de la Poëfie, quoique vive par rapport au fenti

Lib. 10

ment n'eft que momentanée, & par confequent incapable de produire des fuites fâcheufos. Platon, le divin Platon dans ce Systême d'idées métaphifiques, qui compofent le plan de fa République, en ban- De Renit les Poëtes comme des Ci-publ toyens inutiles & même dangereux, parce qu'en voulant nous émouvoir,ilsaccoutument l'ame à fe livrer à des paffions qui bien qu'artificielles, ne laiffent pas que d'affoiblir à peu l'empire, que la raifon doit prendre fur les fens.

peu

A cette objection qui ne peut en impofer que par la célébrité du nom de fon Auteur, réponds avec un Ecrivain Moderne, que comme la » Poëfie eft auffi propre par "nature à peindre les actions

[ocr errors]

fa

Refle, qui peuvent porter les hommes aux penfées vertueuses, » que les actions qui peuvent

xiun critique fur la Poëfie

& fur la

Peinture fortifier les inclinations cor

Tom. I.

Sect. 5.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

00

[ocr errors]

rompuës; il ne s'agit que

[ocr errors]

pag. 48. » d'en faire un bon ufage. La peinture des actions vertueufes échauffe notre ame, elle l'éleve en quelque façon audeffus d'elle-même. Elle excite en nous des paffions loüables, telles que font l'a» mour de la Patrie & de la gloire. L'habitude de ces paffions nous rend capables » de bien des efforts de vertu » & de courage, que la raison feule ne pourroit pas nous faire tenter. En effet, le bien de la fociété exige fouvent d'un Citoyen des fervices fi difficiles, qu'il eft bon que les paffions viennent au fe

[ocr errors]

כ

[ocr errors]
[ocr errors]

دو

cours;

[ocr errors]
[ocr errors]

» cours du devoir, pour l'engager à les rendre. Enfin un bon Poëte fçait difpofer de maniere les peintures qu'il » fait des vices & des paffions க que fes Lecteurs en aiment » d'avantage la fageffe & la » vertu. « Or par la Poëfie, je n'ai jamais entendu que la Poëfie vertueufe & châtiée. Je ne mets au rang des Poëtes estimables que ceux dont Virgile a dit:

Quique pii vates & Phobo digna lo- Eneid, 6

cuti.

Le raifonnement de Platon ne fçauroit tomber fur eux, & s'il les concerne, ce n'eft plus qu'un fophifme.

de Res

publ.

L'attrait de la Poëfie, difent Plan encore fes adverfaires, eft dangereux & pour ceux-même qui

f

Lib. 3

« AnteriorContinuar »