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pérament bilieux qui caractérife ordinairement l'efprit cauftique, je lui confeillerois de n'écrire jamais en Vers, parce qu'infailliblement un afcendant plus fort que lui, le détermineroit à la fatire, carriére délicate, toujours dangereuse, & dans laquelle le talent le plus fage, eft encore plus rédouté qu'il n'eft admiré. Il n'en va pas de même de ceux que le

ciel a doués d'une humeur égale, tranquille & liante, d'un tempéramment doux, d'un caractère d'efprit aimable & complaifant, d'un cœur ami de l'humanité, ces qualitez lorfqu'elles fe trouvent jointes à un génie facile & élevé, à une imagination brillante, à un jugement profond donnent droit à ceux qui les poffedent de

manier les crayons & les pinceaux d'Apollon. Indépendamment de l'écueil que je viens de marquer, il en eft mille autres dans la Poëfie qui doivent détourner tout homme fensé d'écrire en ce genre fans une vocation décidée (que l'on me paffe ce terme.) Il en coûte trop au bonheur pour exercer ce talent avec fupériorité, & la médiocrité n'y fut jamais permife. Je ne dis pas qu'un galant homme ne puiffe quelquefois pour s'amufer, ou pour amufer les autres, jetter fur le papier quelques Vers, rimer un fujet leger & badin; mais quant à des ouvrages de plus longue haleine, je fuis de l'avis des Espagnols, qui penfent qu'il faut être ftupide pour ne pas pouvoir faire deux Vers,

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& qu'il faut être fou pour en faire quatre. Quant à la Lecture des Poëtes,je la crois nonfeulement très-propre à former le goût, mais encore indifpenfable aux perfonnes qui font profeffion d'écrire & de parler. L'habitude de ne lire que de bons Vers car en ce genre il eft auffi impoffible que dangereux de vouloir tout lire ;) le choix des meilleurs Poëtes,tant anciens que modernes, accou tumoit infenfiblement un Ecrivain à répandre des graces, de la précision, de l'énergie & de la vehemence dans fon style, une Lecture réfléchie de Defpréaux, de Corneille, de Racine, de Voltaire, & de tant d'autres, fournit à l'efprit des tours brillans, ingénieux, fo

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Jides pour exprimer fes penfées. Mais pour arriver à ce point, il eft abfolument néceffaire de lire ces modeles avec fruit, & par confequent d'avoir des principes certains pour fçavoir dilcerner a propos les beautés des fautes dans lef quelles ils font tombés, pour apprendre à les tranfporter dans fes propres écrits, pour les égaler, pour les furpaffer mê.me s'il eft poffible; au moins pour en raifonner pertinemment & avec jufteffe. Tous les hommes, dit Ciceron, à l'aide du fentiment intérieur qui eft en eux, connoiffent, » fans favoir les regles, fi les productions des arts font de bons ou de mauvais ouvra"ges, mais l'homme de goût fe conduit par d'autres voyes:

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non content d'un fentiment confus, il cherche des lumiéres propres à l'éclairer lui-même, il veut des principes capables de convaincre les autres. On a tâché de raffembler la plûpart de ceux qui concernent la Poëfie dans les remarques fuivantes, où l'on a eu d'autant moins deffein d'avancer des paradoxes, que l'on eft plus perfuadé qu'en fait de goût, les opinions établies depuis longtems dans la Republique des Lettres font toujours préférables aux fingularités & aux pre ftiges de la nouveauté.

PRINCIPES

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