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appelle Souchet, la Pierre qui eft au-deflous du dernier banc dans les Carrieies; c'eft la moindre des Pierres, & quelquefois elle n'eft que comme de la terre & du gravois : On appelle Souchever, lorfqu'on la tire pour faire tomber les autres bancs du deflus.

La Pierre de Taille fe vend à la Voye à Paris : à chaque Voye il y a cinq Carreaux, c'est-à-dire quinze pieds de Pierre ou environ: on les appelle Carreaux de Pierre quand il n'y en a que deux ou trois à la Voye: quand il n'y en a qu'un, on dit Quartier de Pierre: & quand il y en a plus de trois, on dit Libes ou Libage: les Libages font encore differens des Carreaux de Pierre, en ce que les Libages fe font du ciel des Carrieres, on ce font de gros Moüellons, ou du moins de bons morceaux de Pierres dont on ne peut pas faire une Pierre de Taille: il y a ordinairement fix ou fept Pierres de Libage à la Voye, & on les employe pour les fondemens des grands Ouvrages; car pour les petits on fe contente de Moüellons. On achette auffi les Pierres de Taille au pied, felon l'appareil, c'eft à-dire felon leur groffeur & leur épaiffeur.

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On fait tirer la Pierre en Eté, principalement celle qui eft fufceptible de gelée, afin qu'étant expofée au Soleil, la chaleur diffipe toute l'humidité qui fait que la Pierre gele. Celle qui fort la plus duie des Carrieres elt la meilleure; quand elle eft poreufe, elle doit être rejettée comme d'un trèsmauvais ufage. Il faut fe fervir de celle dont on eft le plus à portée; & pourvû qu'elle foit dure, elle eft toûjours bonne.

Lorfqu'on fe fert des Pierres qu'on tire des Carrieres. & qu'on l'achete des Carriers, il faut prendre garde qu'ils n'y laiffent point de Bouzin. C'est une tromperie fur laquelle il eft bon de veiller pour n'y pas tomber. Le Bouzin n'est autre chofe qu'un lit ou une couche de terre três mal petrifiée qu'on remarque fur les Pierres forties nouvellement des Carrieres, & qu'il faut que les Carriers abattent avant que de la livrer, autrement on en achete une plus grande quantité de pieds qu'on ne doit, ils deviennent inutiles lof qu'il les faut mettre en œuvre, & par confequent c'eft de l'argent perdu, outre que le Bouzin eft fouvent caufe de la ruine des Bâtimens où il eft employé, parce qu'il n'a point de confiftence.

A l'égard du Moüellon, le meilleur et celui qui eft le plus dur & qui fe tire du plus profond des Carrieres; il doit être ferme, âpre, plat & de bonne affiette.

Les Pierres de Roche font auffi fort eftimées pour la Maffonnerie; les Cailloux en doivent être rejettez comme Matereaux peu liants, & par confequent très mauvais pour bâtir au-deffus de terre, mais on peut fort bien s'en fervir dans les fondemens.

On appelle les menues Pierres de Maffonnerie, du Blocage.

Une toife de Pierres fait trois toifes de mur à deux pieds de large, & une toise cube de Moüellon en fait autant à dix-huit poûces d'épaiffeur. Pour une toife quarrée de mur, dont la face de devant foit de Pierre de Taille & le derriere de Moüellon, il faut quarante-huit pieds de Pierre, parce que pour les bien lier avec le Moüellon on met quatre Pierres à chaque aflife, dont chacune doit avoir deux pieds de long, deux d'icelles étant en face, & les deux austres en boutifle alternativement, comme je l'expliquerai au Chapitre fui

vant. Il faut pour une toife d'un pied & demi d'épaiffeur, le tiers d'un poinçon de Chaux, trois tombereaux de Sable & cinq de Moüellon ou Blocage; pour une toise de deux pieds d'épaiffeur, un demi poinçon de Chaux ou peu moins, avec quatre tombereaux de Sable & fept de Moüellons ou Blocage; ainfi en augmentant à proportion de l'épaiffeur du mur : on a pourtant experimenté qu'un muid de Chaux fuffit pour faire vingt-cinq ou trente toifes de muraille de Moüellons de dix-huit poûces & demi d'épaiffeur..

De la Chaux, du Sable & du Mortier.

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La Chaux fert à lier les Ouvrages de Maçonnerie; & ce n'eft autre chofel de la Pierre très dure ou du Marbre qu'on a calciné, c'eft-à-dire qu'on: que a fait cuire à grand feu dans des fours bâtis exprès. La Chaux Vive eftcelle qui fort du fourneau ; & la Chaux Eteinte eft celle qu'on délaye avec de l'eau dans un baffin, & qu'on referve pour en faire après du Mortier. La meilleure Chaux eft celle qu'on éteint au fortir du fourneau ; & plus la Pierre dont on la fait eft dure, plus la Chaux eft graffe & glutineuse.

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On connoît que la Chaux eft bonne, quand la cendre qui en tombe étant : mêlée avec de l'eau en maniere de boüillie, elle fe lie au bâton avec lequel on la remuë: au contraire quand cette cendre ainfi battuë ne fait point corps, c'est une marque que la Chaux eft mauvaise. D'autres eftiment que la plus pefante eft la meilleure ; d'autres veulent que ce foit celle qui fonne quand on la frappe. On la croit encore bonne quand en la moüillant il en fort une fumée épaiffe qui s'éleve auffi-tôt en l'air.

Pour fe fervir de la Chaux, il eft neceflaire de la détremper ; & comme il eft conftant qu'elle n'eft jamais meilleure que lorfqu'elle eft infufée & gardée quelque temps, on la détrempe d'abord avec de l'eau fans y mettre de Sable, prenant garde de ne la point noyer ni d'y mêler trop peu d'eau ; ce dernier défaut la deffeiche trop & lui fait perdre une partie de fa force: la Chaux étant ainfi détrempée, on la ramaffe en monceaux, on la couvre d'un peu de Sable & on la laisse ainfi jufqu'à ce qu'on en ait affaire; pour lors on la détrempe de nouveau avec Sable & eau, le tout mis à dofe raisonnable. D'autres détrempent la Chaux fi-tôt qu'elle eft hors du fourneau, y mêlent un peu de Sable & d'eau, & en font une maffe pour garder; & quand ils veulent la mettre en œuvre ils y ajoûtent encore du Sable & la rebroyent à force de bras avec le rabot ; ils prétendent que cette methode vaut mieux que la premiere, mais felon les plus experts en Maçonnerie en voici une meilleure.

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Prenez de la Chaux lorfqu'elle fort du fourneau, mettez-la fur une aire de terre bien propre & bien unie, à la hauteur de deux à trois pieds, de telle longueur & largeur que vous voudrez; enfuite couvrez cette Chaux de bon Sable de Terre ou de Riviere, d'environ un pied ou deux d'épaiffeur, également par tout; jettez de l'eau par-deffus, de maniere que le Sable en foit fi mouillé, que la Chaux puiffe infufer deffous fans fe brûler; fi le Sable fe crevaffe en quelque endroit par la fumée qui s'exhale de la Chaux, recouvrez le auffi tôt pour empêcher que cette vapeur ne forte; laiffez ainfi cette Chaux pendant quelque temps, & vous en fervez après; elle aura fait un corps mou & gras comme un fromage, que vous couperez pour l'employer

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après l'avoir broyé à l'ordinaire avec bon Sable; cette Chaux amortie de la forte fe garde dix ans, fans rien diminuer de fa vertu, & confomme beaucoup de Sable, parce qu'elle eft extremement glutineufe & liante.

Aux Ouvrages qui fe font dans l'eau, il faut employer la Chaux toute chaude & fortant du fourneau, avec Cailloux & Sable de Riviere, ou Ciment fait de Tuileaux caffez qui eft encore meilleur : car avec le temps ce Mortier fe conglutine.fi fort avec la Maçonnerie, que le tout ne fait plus qu'une

maffe.

Il y a bien des endroits où on appelle Chaux Fufée, celle qu'on a détrem-pée ou qui s'eft détrempée d'elle-même à l'air fans y mettre de l'eau: ce n'eft plus qu'une cendre blanche qui n'eft bonne à aucun Ouvrage, parce que tour le feu & les efprits en font diffipez.

Les Maçons appellent Laittance, de la Chaux qui étant détrempée fort clairement, reffemble à du lait : on en blanchit des murailles, des plafonds, & d'autres chofes, principalement dans les lieux où il n'y a pas de Plâtre. Les Maçons difent auffi que du Mortier eft trop gras, lorfqu'il y a trop

de Chaux.

La mesure de la Chaux, eft la même que celle du Plâtre cuit, dont on parlera ci-après.

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Quant au Sable, il y en a de fi bon, qu'on employe cinq & jufqu'à fept fois plus de Sable que de Chaux; il y en a au contraire de fi mauvais, qu'il faut autant de Chaux que de Sable. On diftingue deux fortes de Sable, celui de Riviere & celui de Terre, qu'on appelle autrement Sable Terrain, Sable de Sabloniere ou Sable de Cave, parce qu'il faut caver dans la Terre pour l'avoir.

Celui de Riviere, felon quelques.uns, eft le meilleur ; d'autres eftiment plus celui de Terre lorfqu'il fonne en le faifant fauter dans la main, & qu'il eft mêlé de gros grains femblables à de petits Cailloux qui compofent avec Ja Chaux un très-bon Mortier: les Sables mêlez de terre ne valent rien, & fouvent on les défend dans les devis. On voit des Sables de diverfes couleurs, les uns blancs ou jaunes, les autres rouges cu noirs; mais la couleur n'y fait rien pourvu qu'ils foient bons; & on les connoît pour tels, lors qu'étant moüillez l'eau n'en eft point tachante & qu'ils ne faliffent point les mains, ou bien lors qu'en les mettant fur une étoffe, ils ne la faliffent point & n'y demeurent pas attachez comme de la terre.

Le Sable Terrain ou de Sabloniere ne confomme oordinairement qu'un quart de Chaux, au lieu qu'il en faut un tiers à celui de Riviere.

Un tombereau, qui eft la mesure du Sable, a deux pieds de haut, deux pieds de large & quatre pieds & demi de long, & vingt-quatre tombereaux mediocrement chargez de Sable ou de Terre, font une toife cube: au reste pour détremper la Chaux & le Sable, & faire de bon Mortier, il ne faut fe fervir que d'eaux de Riviere, de Puits, de Fontaine ou de pluye, parce qu'elles Lont fubtiles; au lieu que celle de Mer ou de Marais n'y valent rien & ne lient pas les Materiaux, les unes étant trop chargées les unes étant trop chargées de fels, & les autres trop groffieres.

Ainfi la Chaux étant bien amortie comme on a dit, bien détrempée avec ben Sable & bien paitrie, ou comme difent les Ouvriers bien corroyée

avec le rabot à force de bras, & fans la laiffer noyer d'eau, comme ils ont coûtume de faire pour avoir plûtôt fait, le Mortier qui en eft compofé ne peut qu'il ne lie parfaitement bien les Pierres & Moüellons, & que par confequent la Maçonnerie ne foit de durée. C'eft ce qui manque bien fouvent à la Campagne, pour ne pas fçavoir bien choifir & bien employer les ma-tieres dont on vient de parler: ce qui vient fouvent de la faute du Proprie. taire qui léfine en bâtiffant; fouvent auffi de la faute du Maçon même qui fait un mauvais Mortier, ou qui execute & diftribuë mal fon Ouvrage ; & plus fouvent encore de la part de l'Entrepreneur qui veut gagner fur les Materiaux, fur les Matieres, fur le temps, fur la façon & fur le falaire même des Ouvriers qu'il met en œuvre.

Le Mortier n'eft autre chofe que de la Chaux détrempée avec du Sable, du Ciment ou du Pouzzol qui eft un Sable particulier au Terroir de Pouzzol en Italie, qui s'endurcit même dans l'eau & penetre & blanchit les Caildoux. Nôtre Mortier ordinaire eft de Chaux & de Sable; mais quand ce Mortier féche trop, il n'eft pas de durée. Il faut auffi en l'appliquant difcontinuer le travail plus ou moins de temps, felon que le Mortier eft plus long-temps à fécher & à fe conglutiner, fuivant la faifon & le Païs, afin que l'Ouvrage ait le loifir de s'affermir & de prendre corps avant que d'être furchargé.

Du Ciment.

Le Ciment eft de la Tuile concaffée & réduite en poudre groffiere; il eft merveilleux, fur tout pour les Ouvrages de Maçonnerie qui fe font dans l'eau, & il n'eft pas furprenant qu'il refifte à cet Element, puifqu'ayant la glaife pour origine, il en retient la tenacité quand il eft employé comme il faut. Le Ciment de Tuile eft plus eftimé que celui de Brique; il faut qu'il foit bien battu; on le détrempe avec la Chaux à l'aide du rabot, & plus il est remué, meilleur il eft: il entre dans une toife un feptier de Ciment & un minot de Chaux.

Ceux qui voudront en faire la dépenfe, pourront faire un Ciment éternel avec des Tuiles ou Briques pilées, du Verre, du Charbon de Pierre, du Sable bien lavé, de l'écaille de fer qui tombe fous le marteau, & de la Chaux Vive bien broyée, le tout diffous en vin ou en eau commune.

Du Plâtre.

Le Plâtre est une Pierre foffile trés- commode pour bâtir. On l'y employe erû & cuit: le Plâtre crû, autrement dit la Pierre de Plâtre fert pour les fondemens; il fe conferve entier auffi-bien que le Moüellon: on employe plus fouvent le Plâtre cuit; il fert aux enduits à lier les Pierres, à garnir les murs, les cheminées, & il s'employe délayé avec de la Chaux: on en fait auffi toutes fortes d'Ouvrages au moule. On appelle Plâtre au Sac, celui qui est fort menu & paffé par le tamis.

Le Plâtre dont nous avons ici befoin pour les murs & les enduits de nos Bâtimens, eft du Plâtre cuit & mis en poudre avec une batte.

Pour qu'il faffe un bon Ouvrage, il doit être employé, s'il eft poffible, at fortir du four & tout chaud. On le donnera bien de garde de le mettre dans des

lieux humides ou trop aërez, ni dans des endroits où le Soleil puiffe l'échauffer: il fera mis auffi à couvert de la pluye; l'humidité en affoiblit la force, le Soleil le defféche, & le grand air en diffipe les efprits; de maniere que lorf qu'il eft battu ce n'eft plus qu'une cendre fans aucuns fels, dans lefquels confifte fa bonté. Il faut le moins qu'on peut l'employer pendant l'Hyver, parce qu'alors le froid qui vient le faifir, glace l'humidité de l'eau avec la quelle il eft gâché, ce qui cause au Plâtre un préjudice confiderable; c'est ce qu'on remarque tous les jours dans les Ouvrages qui en font faits dans cette faifon; ils tombent par éclats quand ce font de gros murs, & ils fe fendent quand ce font des enduits. Foüetter le Plâtre, c'eft le jetter contre le mur ou contre une cloifon avec le balai.

Le Plâtre cru fe vend à la toife, & le cuit au muid qui contient trentefix facs & quatre boiffeaux à chaque fac, ou fouvent il n'y en a que trois & demi, les Plâtriers ne donnant jamais la mefure; on compte ordinairement le Plâtre à la voie qui eft de douze boiffeaux, en forte que trois voïes... font le muid, & le muid fait trois toifes de mur de quinze à feize poûces d'épaiffeur, qui eft l'épaiffeur qu'on donne ordinairement à Paris.

De la Terre.

Il eft affez ordinaire à la Campagne de fe fervir de Terre Glaife ou forte au lieu de Sable, pour faire du mortier avec de la Chaux ou fans Chaux : le premier peut s'employer pour des murs de clôtures & qui n'ont point de charge, pourvû que la Chaux qu'on y mêle ait été bien amortie & bien détrempée; cet Ouvrage dure affez pour qu'un homme en puiffe joüir, souvent auffi manque-t-il lorfqu'on y penfe le moins: pour la Terre feule c'eft un très mauvais mortier, parce qu'il n'a point de liaifon, & on ne doit point s'étonner fi dans les Villages on voit tant de maisons tomber en ruine en peu de temps; en cela quelques-uns courent à l'épargne lorfqu'ils pourroient mieux faire, & ils fe trompent eux-mêmes; il n'y a d'excufables que ceux : qui ne font pas dans un état ou dans un Païs où l'on puifle faire mieux. Souvent auffi la Terre fert confiderablement à faire des murs de Bauge, foit de Pierrailles ou de fimple Torchis, comme je le dirai au Chapitre fuivant. Du Badigeon.

Le Badigeon est un Mortier qui fe fait de recoupes de Pierres de Taille, dont on enduit & on colore le Plâtre des murailles pour le faire reflembler à des Pierres de Taille. On croit fouvent que des Chaines, des Murailles, des Tableaux, des Croifées font faites de Pierre., & ce n'eft qu'un enduit. de Plâtre coloré avec du Badigeon. Les Sculpteurs en Pierre ont auffi leur Badigeon, qui eft du Plâtre mêlé avec de la même Pierre dont leur Figure eft faite, que l'on met en poudre & que l'on détrempe pour remplir les trous des Figures, & en reparer les défauts.

Ainfi le Badigeon fert pour parer des endroits brutes que le Proprie taire voudra cacher ou embellir: il fert auffi quelquefois à tromper groffie-. rement ceux qui prennent la couleur pour la réalité.

Nous donnerons ailleurs la maniere de contrefaire le Marbre fur toutes fortes de matieres.

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