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y remettre au moindre mouvement qu'elle fait; elle eft fort fujette d'en ecrafer fous fes pieds, & ils font fi tendres qu'il ne les faut manier que quand on ne peut pas s'en difpenfer.

Il faut leur donner très- fouvent à manger & à boire; car ils font d'un naturel fort gourmand, & fi on les laiffuit avoir faim ils tomberoient dans une langueur qui les feroit mourir : on leur donne d'abord pour nourriture des aufs- durs hachez bien menu; il y en a qui n'en prennent que le moyeu qu'ils mêlent avec de la mie de pain blanc, ces deux nourritures font également bonnes; on ne leur en donne que pendant cinq ou fix jours après ce temps on commence à prendre des feuilles d'orties qu'on hache auffi-bien menu avec ces œufs durs ; fix autres jours après, on leur ôte les œufs & on ne leur donne plus que les orties hachées & détrempées avec un peu de fon & de lait caillé; & de temps en temps, pour leur éguifer l'appetit, on leur jette un peu de millet ou de l'orge boüilli. Pour peu qu'on voye qu'ils languiffent, il les faut prendre & leur tremper le bec dans du vin pour leur en faire un peu boire & leur faire prendre des forces. Cette langueur provient auffi quelquefois d'une caufe inconnue, foit qu'ils ayent le cœur attaqué de quelque malignité qui les fait mourir fubitement, ou que ce foit le froid qui les furprenne; mais de quelque maniere que cela arrive, fi-tôt que vous Vous appercevez qu'ils ne mangent point, prenez du poivre en grain, blanc ou noir, & faites-en avaler un grain à chacun de ceux que vous trouverez malades, ils feront foulagez.

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Quoique la nature ait donné aux animaux un inftinct particulier pour fçavoir prendre leur nourriture, cependant les jeunes Dindons ne mangent jamais mieux que lorfqu'on la leur prefente avec la main; c'est à manquent point ceux qui les fçavent gouverner, en les appellant à haute voix & toûjours de même maniere; Ces Dindons accoûtumez au cri courent auffi-tôt, & viennent manger ce qu'on leur donne dans la main avec plus d'avidité que s'ils le prenoient à terre. On juge que ces animaux ont befoin de manger lorfqu'on les entend piailler; & à mesure qu'ils crois fent & fe fortifient, on les nourrit d'orties hachées groffierement & mêlées feulement de fon; les fruits pourris & ceux que les vents abattent font encore propres pour les nourrir, mais il les leur faut hacher par gros morceaux.

Les Poulets d'Inde font toûjours d'un naturel fort goulu; c'eft pourquoi quand ils font grands, ils avallent aifément ces fruits qui les maintiennent en bonne chair.

Lorfque les Dindons font affez forts pour le pouvoir paffer de leur mere, on ne leur donne plus à manger, parce qu'ils en vont eux-mêmes chercher; & quand il y en a un troupeau raifonnable, on leur donne pour les garder un Dindonnier ou une Dindonniere depuis quatorze jufqu'a vingt ans, robufte pour refifter aux injures du temps, aufquelles il eft exposé en gardant fon troupeau, alerte, éveillé, matineux & vigilant pour qu'aucun de les Dindons ne s'égare ou ne lui foit enlevé par le loup ou le Renard; il fera fidele & exact à verifier fon nombre tous les matins & à voir s'il n'y en a point quelqu'un de boiteux ou malade, afin d'y remedier comme nous avons dit pour les Poules communes.

Le Dindonnier doit faire fortir fon troupeau fi-tôt que le Soleil eft levé,

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ne le jamais abandonner, & le conduire tantôt d'un côté & tantôt d'un au tre, afin que la diverfité des Pâturages réveille l'appetit des Dindons, & les fafle croître au plûtôt ; il les ramenera fur les dix heures du matin, & les renfermera jufqu'après midi qu'il faudra retourner au Pâturage; & avant que de les renfermer le foir dans leur Poulailler, il leur jettera un peu de grain pour leur faire prendre des forces; il n'y a que pendant la moiffon qu'il ne fera pas besoin de leur rien donner, parce qu'alors ils trouvent affez de quoi vivre dans les champs nouvellement moiffonnez: quand le mauvais temps empêche qu'ils n'aillent aux Champs, on leur donne dans la BaffeCour des herbes ou fruits hachez avec du fon.

On ne châtre pas les Cocqs-d'Inde, parce qu'ils ne font pas à beaucoup près fi chauds que les Cocqs ordinaires.

Les œufs des Poules-d'Inde, quand il en refte des pontes qu'on n'a pas voulu mettre couver, font affez bons à la cuisine pour le commun: on prétend pourtant qu'ils ne font pas fains, & qu'ils donnent la gravelle; mais ils ne font pas affez communs pour qu'on en faffe une nourriture ordinaire & dangereuse.

Pour la manière de les engraiffer, on ne fçait point d'autre fecret que de leur donner beaucoup de grain; ou bien on les met fous des muës, & on leur fait une pâte avec de l'ortie, du fon & des œufs durs, on la fépare par boles groffes comme des petites noix, & on leur en donne trois fois par jour.

CHAPITRE IV.

Des Oyes.

Ne Baffe-Cour n'eft jamais affez fournie s'il n'y a des Oyes. Il eft vray qu'elles font fort gourmandes & caufent beaucoup de dégât; mais on s'en garentit avec un peu de foin, & on s'en récompenfe par le grand profit qu'elles apportent. Car leurs plumes, leur chair, leur graiffe, leurs œufs dont elles font par an trois pontes très- abondantes; tout en fait du profit, d'autant qu'elles vivent jufqu'à vingt, vingt-cinq, & même jufqu'à foixante ans, felon quelques Auteurs. On prétend auffi (apparemment fur la foi de l'Hiftoire des Oyes du Capitole de Rome prife par les Gaulois) qu'elles font affez vigilantes pour fervir de fûre garde la nuit, parce qu'au moindre bruit elles fe réveillent, & font des grands cris qui avertiffent.

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De la plume, de la chair, de la graiße & des œufs d'Oye.

On les plume deux fois tous les ans. La premiere fois un peu après la Saint Jean-Baptifte (pour l'ordinaire celles de l'année ont alors deux mois) & la deuxième fois au commencement de Novembre; mais avec plus de moderation, à caufe du froid qui approche & qui les morfondroit.

Lorfqu'on ôte la plume aux jeunes Oyes, il en faut faire autant à leurs meres; c'est le ventre, le col & le deffous des aîles qu'on leur plume ordinairement, parce que ces parties font les plus couvertes de duvet, dont on fait les bons lits. On leur arrache auffi quelques grofles plumes des aîles pour écrire. La plume des Oyes mortes n'eft pas fi bonne que celle des Oyes vivantes, ou de celles que l'on plume auffi-tôt qu'on les a tuées.

On fait un meilleur ménage de la chair d'Oye que de celle de Poule; car celle-ci pour être bonne veut toûjours être mangée fraîche; au lieu que celle d'Oye n'eft jamais meilleure au pot que lorfqu'elle eft falée : ce qui fait que Jes bons ménagers en ont toûjours leur provifion pour plus de quatre mois après que la faifon de les tuer eft paffée. Les Oyes font graffes en Decembre & Janvier, c'eft pourquoi on prend cette faifon pour les faler; à cet effet auflitôt qu'on les a tuées, on les plumes & on les écorche pour en tirer la graiffe qu'on met par morceaux pour être fondue, ainfi que le fain- doux; après que cette graiffe à été tirée on prend la chair & on la fale comme le Cochon, la la chair d'Oye eft folide, nourrillante, bonne pour les bilieux, mais un peu difficile à digerer; le meilleur de l'Oye eft le foye. Une Oye graffe eft pourtant assez bonne à manger. La petite-Oye, c'est-à-dire ce qu'on retranche de l'Oye quand on l'habille pour la faire rotir, comme les pieds, les boutsd'aîles, le coû, le foye, le géfier, mife dans le pot, fait une bonne foupe.

Pour la graiffe lorfqu'on la fondue, comme on vient de dire, on la met dans des pots de terre bien bouchez, après l'avoir un peu faupoudrée de fel, elle fe conferve long-temps, elle eft propre pour beaucoup de ragoûts & pour bien des remedes, comme nous le dirons ailleurs. Elle differe de celle du Porc en ce qu'elle eft bien meilleure & plus délicate, & en ce qu'elle ne s'affermit jamais, & que liquide qu'elle eft toûjours elle a la qualité de demeurer tranfparente comme de l'huile, lorfqu'elle eft cuite à propos.

On employe fort bien les œufs d'Oye à la Cuifine, quand on en a trop pour mettre couver, ce qui eft rare, parce que toutes fortes de volailles les couvent Le fang, la peau des pieds & même les excrémens d'Oye ont auffi chacun leur mérite & leur ufage en Médecine, comme nous le dirons ailleurs.

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Du choix & de la quantité des Oyes qu'on doit nourrir.

Il y a deux efpeces d'Oyes, la domeftique & la fauvage; la domeftique vole difficilement & s'éleve peu de terre, la fauvage au contraire vole haut & avec beaucoup de legereté. L'une & l'autre nourrit beaucoup, on les mange principalement en Hyver; & il faut les choifir tendres ni trop jeunes ni trop vieilles, bien nourries & élevées dans un air pur & ferain. La fauvage eft d'un goût beaucoup meilleur que la domeftique: mais en général la chair d'Oye eft plus agréable au goût que falutaire; on prétend même qu'elle contribue à rendre les Juifs d'un tempéramment atrabilaire & d'une mauvaife couleur parce qu'ils en mangent fréquemment.

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Comme l'Oye eft un emphibie qui aime fort les lieux aquatiques que fa fiente gâte les Prez, brûle l'herbe, & qu'il eft fort gourmand; il faut avoir quelque Riviere, Ruiffeau ou Etang, où du moins une bonne Mare ou Vivier, pour les y faire barboter, & n'en point trop avoir. Le nombre des Oyes qu'on veut nourrir dépend de la fantaifie; mais pour le plus, fept femelles & deux mâles fuffiront pour en garnir une Baffe-cour quelque grande qu'elle puiffe être, quoique ce feroit affez d'un mâle ; & fi j'ai dit deux, ce n'eft que dans la crainte que le Jard unique venant à manquer par quelque accident, on ne fçût plus à quoi avoir recours, chacun ayant befoin de fes mâles. Quant au choix des Oyes on obfervera feulement de les prendre de la grande taille & d'un œil fort gai. Les uns tiennent pour les blanches, & difent, que la

chair en eft meilleure & que les femelles en pondent en plus grande abondance que les grifes; d'autres préferent les grifes; & ceux qui paroiffent prendre le plus fûr, ne s'arrêtent point à la couleur, & n'ont égard qu'à la groffeur; il y en a qui préferent les femelles qui ont le plis & l'entre- deux des jambes bien large. On en met environ trente dans chaque toit, & on y fait des féparations avecdes claies comme aux Moutons, pour empêcher que les vieilles ne battent les jeunes. Il faut tenir le lieu fec & leur donner fouvent de la paille fraîche, nette & déliée.

Tout le monde fçait que les Oyes vivent d'herbe & de grain: mais il faut bien prendre garde qu'elles n'aillent dans les Vignes, dans les Jardins, ni dans les Bleds, fur tout lorfqu'ils commencent à monter en tuyaux; c'eft pour les. en écarter,autant que pour les rendre plus graffes & plus délicates, qu'il faut avoir quelque ruiffeau ou mare pour les y mettre ; il eft bon même d'appaifer de temps en temps la groffe faim de ces animaux voraces, en leur donnant des. feuilles de chicorées, de laituës, ou du creffon haché, ils en font moins de dégât. Ils s'accommodent fort bien de toutes fortes de légumes détrempez avec du fon dans l'eau tiède. Les orties & les ronces ne leur valent rien; encore moins la hannebanne, le jufquiame qu'on appelle la mort aux Oyfons, & la Ciguë qui les endort fouvent tant qu'ils en meurent. Les Oyes vieilles & jeunes feront conduites au pâturage avec les Dindes, feront traitées de la même maniere, & barboteront dans l'eau tant qu'il leur plaira..

Il faut avoir grand foin de les tenir toûjours éloignées des vignes, des jeunes. arbres, des jardins & des bleds, fur tout tant qu'ils font en herbes ou en tuyaux foibles: car elles les déracinent & mangent une piece de bled en une demi journée, ce qu'on voit fouvent faire aux Oyes fauvages dans leurs lieux de paffages, comme en Artois, Hainaut & Hollande.

Leur fiente eft auffi contraire aux herbes, gâte les Prez & brûle fi bien la terre, qu'elle ne repouffe plus d'herbes, ou du moins n'en repoulle de longtemps dans les endroits où elles ont fienté.

Pour empêcher les Oyes de paffer des haies, d'aller dans les bleds & d'entrer dans les Jardins, foit dans ceux du Maître où elles feroient grand dégât, foit dans ceux d'autrui où il feroit permis de les tuer; on les bride, c'està-dire on leur paffe une plume à traver les ouvertures qu'elles ont à la partiefupérieure du bec, à peu près de la même maniere qu'on met des anneaux au nez des Cochons, pour les empêcher de fouiller la terre, & des bâtons au coû des Chiens, pour les empêcher de chaffer ou d'entrer dans les Vignes. De la Ponte & de la Couvée des Oyes.

Il n'y a point de volaille qui rende plus d'oeufs que les Oyes, lorfqu'elles font bien nourries & conduites comme il faut. On a vû des femelles qui ont pondu chacune jufqu'à cent œufs : c'eft pourquoi la veritable Economie veut qu'on les nourrifle bien pour les laiffer toûjours pondre & rarement couver. On ne leur permettra de pondre que dans leur toit; & il fuffira de les y avoir mis pondre une feule fois, pour qu'elles y pondent toûjours : quoiqu'on dife qu'elles ont l'infin particulier de continuer leur ponte, & même de couver fi on ne les empêche, dans le même endroit où elles ont pondu la premiere fois, il eft pourtant, bon de ne les point laiffer fortir dans la fuite hors du toir

qu'elles n'ayent achevé leur ponte, pour qu'elles n'aillent pas pondre ailleurs & perdre leurs œufs.

Elles font trois pontes par an, la premiere commence en Mars. Les Oyes ne couvent que leurs propres œufs & font trop revêches pour en couver d'autres, encore n'a-t-on guere coûtume de les faire couver, parce que l'on tire plus de profit de leurs œufs que de leurs couvées, d'autant que toutes fortes de Volailles, fur tout les Poules, couvent à fouhait les œufs d'Oyes; fi c'est une Oye qui couve, il faut lui mettre fa mangeaille (qui fera de l'orge dans de l'eau ) près de fon nid, pour qu'elle ne le quitte point ou peu ; car il n'y a pas d'oyfeau de Baffe-cour qui couve avec plus d'attache que l'Oye: il faut du moins leur donner toûjours à manger au même endroit & à la même heure, car la plupart des Oyes reviennent toûjours manger au même endroit & à la même heure où elles ont une fois mangé; & qui y manqueroit une feule fois, ris queroit de faire morfondre les œufs, ou bien de dégoûter la mere & l'alterer au point qu'elle ne pourroit plus conduire fa couvée au terme.

De la maniere d'élever les Oyfons, & d'en avoir beauconp.

Comme les Poules communes font plus propres à couver toutes fortes d'œufs que les autres, on s'en fervira pour avoir des Oyfons: on fera choix des plus groffes & des meilleures Couveufes; cinq ou fix œufs fuffiront à chacune, il y en a qui lui en donne jufqu'à huit; on fait auffi couver les œufs d'Oye par une Poule-d'Inde, qui embraffera jufqu'à onze aufs; les Oyfons comme les Dindes font un mois à éclore : le temps de mettre couver les œufs d'Oyes, eft toûjours immédiatement après qu'elles auront fait leur ponte. Quand les Oyfons font éclos, il faut pendant huit ou dix jours les tenir enfermez à l'étroit avec leur mere, & ne leur laiffer point manquer de nourriture: après ce temps on choifit un beau jour pour les lâcher, il faut fur tout éviter la pluie qui leur eft mortelle dans ces premiers jours de liberté : quoiqu'ils aiment dès-lors à nager fur l'eau, il faut auffi avoir foin qu'ils ne le mêlent pas avec les plus grands jufqu'à ce qu'ils foient affez forts pour se bien défendre des coups aufquels les nouveaux venus font expofez.

Avant de mener paître les jeunes Oyfons, il eft bon de leur donner du creffon alenois, des raves, des laitues ou des feuilles de chicorée hachées fort menu, tout cela leur eft fort falutaire, & ils ne font plus expofez à s'aller tordre le coû à force de paître gloutonnement, ce qui leur arrive affez fouvent quand on les abandonne à leur groffe faim.

Outre l'herbe qu'ils paiffent dans les commencemens, on leur donne encore de temps en temps un peu de millet, de l'orge boüilli, puis après des criblures de bled ou d'autre grain tel qu'on le juge à propos on les nourrit ainfi jufqu'à la mi-Octobre, qu'on en prend autant qu'on le fouhaite pour les engraiffer féparément des autres de là Baffe-cour.

Comment il faut engraiffer les Oyes.

Elles font très-infipides fi elles ne font graffes; on prend donc à la miOctobre celles qu'on veut engraiffer, fur tout des jeunes; on les plume entre les jambes & on les enferme dans un lieu fort étroit & ténebreux, afin que leur nourriture ne fe diffipe point & fe convertiffe en aliment & en graiffe:

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