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Du Bois de Charpente & de Menuiferie.

Le Bois de Charpente doit être coupé long-temps avant que d'être mis en œuvre, parce que lorsqu'on l'employe verd il eft fujet à le gerfer, à se fendre ou du moins à fe retirer, ce qui gâte l'Ouvrage : il ne le faut point prendre flacheux, ni plein d'aubier; Flachenx veut dire un Bois dont le carrelage n'eft qu'imparfait, ce qui le rend difficile à mettre en œuvre, à toiser & à réduire au cent: l'aubier eft une partie molle & blanche qui eft entre le vif & l'écor ce de l'Arbre; les Ouvriers l'appellent le lard du Bois ; c'est une chofe qui y eft trés- préjudiciable, qui le corrompt & le fait pourrir en peu de temps, à caufe des vers qui s'y mettent & qui fe communiquent au bois voisin. Il faut donc obferver que celui dont on veut fe fervir pour bâtir, foit bien équarri & fans Aubier, & ne pas faire comme la plupart des gens de Village, qui, dès leur Bois eft abattu, le font mettre en œuvre lorfqu'ils ont befoin de quelques pieces de Charpenterie, ce qui eft très-dangereux pour les

Bâtimens.

que

Le Bois roulé n'eft pas meilleur à mettre en œuvre ; il jette bien-vîte en dehors des rognes ou moufles qui font comme des Champignons ou moufferons; il ne faut pas non plus employer de Bois échauffé, venté, ou fur le retour, parce que les petites taches blanches, noires & rouffes qui s'y forment le font pourrir bien-vîte. Les bois doivent encore être non feulement vieux coupez, mais bien fecs quand on les employe, afin qu'ils ne se déjettent point.

que.

Il faut, autant que l'on peut, en mettant le Bois en œuvre, principalement en fait de Charpenterie, laiffer de la feparation entre les Bois, afin le vent y puiffe paffer; en forte que les plattes formes, poutres & folives ne touchent jamais le mortier ni le plâtre qui échauffent & pourriffent le Bois; c'eft pourquoi on maçonne autour avec de la terre ou de la brique, ou on y met des planches; quelques-uns même laiffent toûjours quel que petit trou au bout des poutres, pour que le vent puiffe les rafraîchir. Les pieces de Bois équarrées doivent être mises de champ, c'eft à dire, pofées fur la partie la moins large: & quand elles bombent, c'est-à-dire qu'elles font l'arc, il faut mettre le bombement deffus; c'eft ce qu'on appelle les mettre sur leur fort: elles ont en ce fens beaucoup plus de force & ne ployent gueres; de même que toute forte de Bois étant mis 'debout peut porter un grand fardeau, au lieu qu'il peut rompre & plier quand il eft couché : ce qui eft le contraire de la Maçonnerie, comme je l'expliquerai ci-après.

On vend à Paris le Bois de Charpenterie au cent de pieces; & la piece doit avoir douze pieds de long, & fix poûces en carré; de forte qu'elle contient trente-fix poûces fur douze pieds de long: le cent de Bois Marchand Le compte à cent quatre; mais en fait de Menuiferie on n'eftime point à la piece de Bois, mais à l'Ouvrage entier.

Quand on choifit les Bois dans les Forêts, il faut preferer pour bâtir, ceux qui croiffent au Midi, à ceux qui viennent du côté d'Occident; les premiers font pourtant fouvent fituez dans des endroits fi chauds, que l'humeur en eft trop defléchée: c'eft pourquoy on choifit plûtôt ceux qui font du côté de l'Orient ou du Septentrion; ils font les meilleurs, parce que le froid en

conferve la nourriture, & l'humeur y eft mieux diftribuée, mieux cuite & mieux digerée; on le connoît même aifément, parce qu'ils y croiffent plus haut, font plus gros & ont un fil plus droit & l'écorce quafi unie & avec peu d'aubier quand on les met en pieces auffi-tôt qu'ils font abattus, ils font fujets à fe gerfer & fe fendre, à caufe de leur grande humidité, ce qui vient fouvent de la force & de la bonté du Bois, comme le difent toûjours les Charpentiers. Le temps le plus propre pour abattre les Bois dans les Forêts, eft dans les trois derniers mois de l'année, parce qu'alors ils ont moins de féve; il y a bien des gens qui prennent pour cela un lendemain de pleine Lune & tout fon décours, parce qu'ils prétendent que tous les corps ont alors moins d'humidité. Il faut laiffer les Bois abattus trois mois dans la Forêt avant que d'y toucher, pour qu'ils s'affermiffent & fe confolident.

Le Chefne eft le Bois le plus fort & le meilleur à bâtir fur la terre ou : dans l'eau, parce qu'il ne fe pourrit pas...

Le Chaftaignier eft affez d'ufage & bon pour la charpente, pourvû qu'il foit à couvert de l'humidité & des injures de l'air.

Le Sapin n'eft bon qu'en folives & en poûtres; encore faut-il en enfermer les bouts dans les murs, de forte que la chaux ne les touche & ne les échauffe: point.

Le Noyer fert beaucoup aux Menuifiers, fur tout pour les Ouvrages délicats & variez à la vûe. Pour en cacher les noeuds ou les fentes, ces Artifans les rempliffent de Futée, c'eft-à-dire de poudre ou fcieure de bois mêlée avec de la colle forte: ou bien d'un maftic compofé de cire de raifine & dè brique pilée; ce maftic vaut mieux que la futée, n'étant pas fujet à fe gerfer. Au refte voyez ce que nous dirons ci-après tant du détail des pieces d'un Bâriment, que des friponneries qui fe pratiquent en tout cela, & dans le Commerce du Bois.

Il eft bon de fçavoir que quand on attache des Lambris contre les poûtres ou folives, il faut laiffer de petits trous, afin que le vent y paffe & qu'il empêche que le Bois ne s'échauffe l'un contre l'autre : car il peut arriver des accidens par les lambris attachez aux planchers contre les folives ou poutres que la pefanteur du Bois fait affaiffer & arrener, & même fe corrompre & gâter fans que l'on s'en apperçoive.

Les Menuifiers qui travaillent en groffe befogne font appellez Menuifiers d'affemblage; à la difference de ceux qui travaillent à des cabinets & à des pieces de rapport & de marqueterie, lefquels on nomme Menuifiers de Marqueterie ou de Placage.

De la Tuile, de la Brique & du Carreau.

La Tuile eft une compofition de terre glaife paitrie, féchée à l'air & cuite au fourneau : la bonté de la Tuile fe connoît lorfqu'elle fonne bien & que la couleur en eft d'un rouge foncé ; au lieu que lorfque ce rouge eft jaunâtre, c'est une marque que la cuiffon en eft imparfaite, & cette Tuile n'eft pas de durée, c'est à quoi on doit prendre garde.

Il y a des Pays où l'on fait des Tuiles plombées & verniffées ; elles durent plufieurs fiecles; il y en a de plattes & de carrées avec un crochet; il y en a de gironées plus étroites par enhaut que par enbas, mais elles font moins d'ufage

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d'ufage que les autres. On fait des Tuiles de differentes grandeurs; les unes font appellées Tuiles du grand moule, & ont treize poûces de long, huit de large, & quatre poûces trois lignes de Pureau (terme de Couvreur qui fignifie la partie de la Tuile qui refte découverte quand la Tuile eft mise en uvre.) Le millier de Tuiles du grand moule fait fept toifes de couverture. La grandeur des Tuiles du petit moule n'eft pas réglée; elle eft ordinairement de neuf à dix poûces de long & fix de large, & de trois poûces & demi de pureau.

Plus la matiere dont on couvre le toit eft pefante, plus le toit doit être abaiffé, & plus la charpente en doit être forte. On donne de hauteur à la couverture de Tuiles les deux tiers ou les trois quarts tout au plus de fa largeur, & on en met les chevrons à deux pieds ou à feize poûcès au plus l'un de l'autre...

La Brique eft aufff une terre glaife cuite au fourneau, ou du moins au Soleil, & façonnée à peu près comme la Tuile. On bâtit de Briques dans les endroits où il n'y a point de carriere de pierre: on taille les Briques par carreaux longs d'environ huit poûces, larges de quatre & épais d'environ douze à quatorze lignes. Il y a deux fortes de Briques; la Brique entiere & la demie Brique, qu'on appelle autrement Brique de Chantignolle ou d'Echatillon; elles ont toutes deux la même longueur & la même largeur, mais la Brique entiere eft deux fois plus épaiffe que l'autre. On employe la Brique entiere pour faire des paremens aux murs de cloifons. La demie Brique fert à paver, & à élever des tuyaux de cheminée.

Il faut choisir la Brique comme la Tuile, c'est-à-dire bien cuite, afin qu'elle dure long-temps.

Il y a des endroits où on ne fe fert pour les Ouvrages legers, que dé Briques crues, c'eft-à-dire féchées feulement à l'air & au Soleil fans avoir paflé par le feu; mais elles ne refiftent pas à l'eau ni au poids.

A l'égard du Carreau, comme ce n'eft que de la terre cuite dont on fe fert pour paver, on doit y faire pour le choix la même attention que pour les Briques. Il y a de grands & de petits Carreaux ; il y en a de carrez & d'octogones; c'eft au goût de celui qui fait bâtir qu'on doit s'en rapporter pour la figure. Le grand qui eft tout carré & à fept poûces, fert à paver les cuifines, les âtres &c. Le moyen a fix poûces de diametre, & le petit quatre; les deux derniers font auffi ordinairement carrez & à fix pans; les mêle qui veut de parquets verds avec des bandes; les grands fe mettent fur des voûtes, les moyens aux étages d'en-bas, & les petits aux 'étages fuperieurs; parce qu'ils chargent moins le Bâtiment, & que les petits Carreaux font les plus beaux. On fe fert auffi quelquefois de Briques pour paver les lieux bas? On connoît la bonté de la Tuile, de la Brique & du Carreau, quand étans frappez en l'air ils rendent un fon clair; on juge par là s'ils font bien cuits, bien conditionnez & s'ils ne font point caffez..

Du Pavé..

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Le Pavé de pierre de grais, duquel feul on fe fert à Paris, eft de deux for tes le gros eft celui qu'on connoît fous le nom de Pavé de rue, il a sept poûces en carré, & s'employe avec fable seulement, dans les paffages publics:

Tome I.X

C

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le menu Pavé de grais fert pour les cours, & il y en a de deux fortes; l'un eft un Pavé commun de tout échantillon, & s'employe à chaux & à fable; on s'en fert pour paver fur des caves à bain de mortier, c'est-à-dire avec force mortier (on ne pave point autrement fur les caves ) & l'autre qui a quatre ou cinq poûces en quarré & qui eft taillé d'échantillon, s'affeoit à chaux & à ciment; on ne s'en fert qu'aux belles cours, fur tout fur les caves, & on y mêle du Pavé noir pour ornement; plus il eft menu, plus il est beau, mais il n'eft pas fi ferme, & coûte environ cinq fols plus que

l'autre.

Le Pavé nommé Rabot, qui eft toûjours moins cher de la moitié que celui de grais, fe fait de pierre de Liais & autres pierres dures; on l'employe à chaux & à fable aux endroits où on ne veut point faire de dépenfe, fur tout quand il n'y paffe pas de caroffes ou charois.

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Ainfi pour paver les endroits où paffent de groffes voitures, on fe fervira du gros pavé, de celui de grais pour les cours, & du menu pour les cuifines: on les pave auffi fort fou-vent de briques.

De l'Ardoife.

L'Ardoise est une pierre bleuë, brune ou rouffe-noire, tendre & foffile au fortir de la carriere, & qu'on coupe en feuilles déliées pour en faire des couvertures. Celle qui eft d'un roux-noir feft la plus eftimée; il y en a de onze poûces de longueur fur fix ou fept poûces de largeur & deux lignes d'épaiffeur, on l'appelle la Quarrée forte: on en fabrique d'un autre échantillon qu'on nomme la Quarrée fine; elle a douze à treize poûces de largeur & une ligne d'épaiffeur. Le millier fait quatre toifes de couverture en lui donnant trois pouces & demi de pureau: quand on fçait bien la menager, elle peut faire toifes & demi.

quatre

L'Ardoise de Mezieres s'écaille plûtôt, & n'eft pas fi bonne ni fi belle que celle d'Angers, fur tout celle qu'on appelle Rouffe-noire du grand échantillon ; & il y en a de trois fortes, la fine, la forte & la quarrée forte.

L'Ardoife étant plus legere que la tuile, on fait ordinairement le toit d'Ardoife auffi haut que large.

Du Verre du Plomb.

Le Verre de France eft plus beau, plus fin & meilleur que celui de Lorraine, fur tout quand il eft choifi bien droit & éloigné du boffage du plat. Il vaut fix, fept &huit fols le pied; & le pannier qui contient vingt-quatre plats, vaur seize à dix-huit livres. Les Vitriers appellent le Verre Casilleux, lorsqu'il fe caffe en plufieurs morceaux en y appliquant le Diamant pour le couper.

Quant au Plomb, il n'y a point de choix; il faut feulement avoir foin, lorfqu'on le met en œuvre, de le faire reployer l'un dans l'autre & couder ou qu'il foit coufu en ourlet, afin qu'il travaille moins & qu'il ne fe caffe point -par où il eft foudé, comme il a coûtume de faire.

Le Plomb qui s'employe aux Bâtimens a ordinairement dix-huit poûces de large & il doit pefer foixante livres la toife pour être bon; quand on a du vieux Plomb on en donne ordinairement trois livres pour deux de neuf &quelquefois deux pour une.

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Du Bardean.

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Le Bardeau n'eft que des petits ais qu'on employe au lieu de tuile pour couvrir les maifons : on les fait fouvent de douves ou d'autres ais qui foient auffi minces; on les appelle autrement Aiffis. Cette couverture ne charge point une charpente, c'eft pourquoy on en couvre volontiers les hangards & quelquefois auffi les maifons, principalement dans les lieux où la tuile eft rare, & le Merrin (bois dont on fait les futailles & le Bardeau) commun. Il faut prendre garde que le Bardeau foit fans aubier, autrement il pourrit en peu de temps. Au refte étant plus leger que la tuile, on fait la charpente de la couverture moins forte.

Du Chaume & du Gluis.

Pour couvrir les toits on fe fert encore du Chaume, ou du Gluis qui eft la paille de Seigle non battue au fleau, mais en faiffeaux, feulement pour en ôter le grain; car fi cette paille étoit broyée elle ne feroit d'aucun ufage en couverture ni autrement: on doit prendre garde qu'elle foit bonne & non rongée des rats.

Pour couvrir de Chaume ou de Gluis, après que les faîtes & foufaîtes font pofées, on y attache avec de gros oziers des grandes perches de chêne à trois pieds l'une de l'autre, qui fervent de chevrons.; le Couvreur les lie avec d'autres plus petites qu'il met en travers, & fur le tout il. applique le Chaume ou la grande paille avec de bons liens femblables aux premiers: plus ces liens font ferrez & le Chaume preffé & diftribué également par tout, plus la couverture est de durée.

De la Latte, Contre-Latte & du Clou..

La bonne Latte à tuiles doit être faite de bois de fente de chêne & fans aubier; elle se vend à la botte, qui en contient cinquante; chaque Latte a quatre pieds de longueur, un poûçe trois quarts ou deux poûces de large, & deux à trois lignes d'épaiffeur. Il faut vingt-huit ou trente Lattes à chaque toife de couverture pour la tuile du grand moule, ayant quatre poûces de pureau; pour la tuile du petit moule, à laquelle on ne donne que trois poûces d'échantillon ou pureau, il en faut trente-fix pour

toife.

Pour employer un millier de tuile du petit moule, il faut un cent & demi de Latte; quand c'eft du grand moule il y en entre moins, parce qu'il ne faut pas latter fi près qu'à l'autre tuile; chaque Latte demande cinq clous pour le moins..

Il faut bien cent quarante clous pour latter une toife quarrée fur des chevrons qui feront efpacez de trois à la Latte; & pour latter fur un comble dont les chevrons feront efpacez de quatre à la Latte, il faut environ cent quatre-vingt clous.

La Latte à ardoife s'appelle Latte Volice, & elle doit avoir la même lon-gueur, quatre à cinq pouces de large, & trois lignes d'épaiffeur: elle fe debite auffi à la botte, mais la botte n'en contient que vingt-cinq. Quand on l'employe, il faut que les Lattes fe touchent prefque l'une à l'autre, parce que la Latte à ardoise est bien plus large que celle à tuile: la botte peut

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