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moindre voyage il aura les jambes gorgées; car quoique l'eau froide & le travaille diffipent un peu l'enflure, il restera toûjours de l'humeur dans la jointure baffe.

Pour fçavoir fi le Cheval n'a point quelque épreinte ou foulûre dans l'épaule, dans la hanche ou dans quelques autres membres fuperieurs, prenez le Cheval par la bride, & appuyant le dos contre fon épaule, faites-le tourner le plus court que vous pourrez, tantôt d'un côté tantôt de l'autre : fi en tournant il ne porte pas la jambe de dehors au deffus de celle de dedans, & que celle de dedans lui manque de maniere qu'il n'ofe s'appuyer deffus, & qu'il ne la remuë que hors de temps & de mauvaise grace, comptez qu'il eft foulé en quelque endroit fuperieur de la jambe fur laquelle il n'ofe s'appuyer dans un petit tour, parce que de tels tours tordent toûjours & fatiguent les jointures hautes.. Pour difcerner fi le Cheval n'a point la morve, la courte haleine ou quelque autre mal interne, empoignez-le ferme au gofier proche la racine de la langue, affez long-temps, & tant qu'il ait touffe deux ou trois fois, s'il remue auffi-tôt les mâchoires comme fi il mâchoit quelque chofe (ce qui ne vient que de quelques vilenies qu'il a tiré en touffant) c'eft une preuve qu'il a eu la morve ou quelque morfondure s'il touffe comme s'il étoit enroué c'est un figne de pourriture dans les poulmons ; & s'il touffe net & creux c'es une marque qu'il eft incommodé de la refpiration, fur-tout quand après quelque exercice on le voit battre des flancs, ou remuer fouvent la queue; car s'il avoit la refpiration libre, fes flancs iroient lentement, & il ne remueroit guere la queue.

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Quant au Cheval lunatique, c'eft un défaut qui échape facilement à la vúë mais les connoiffeurs découvrent aifément; car quoique l'œil ne foit quere changé du naturel, il eft toûjours un peu plus 1ouge & beaucoup plus obfcur qu'un bon œil : de plus on y peut remarquer comme une ligne blanche tout autour du dernier cercle de l'œil, ce qui eft la marque la plus fûre de ce vice.

A l'égard des poils, queues & marques artifielles, vôtre main ou vos yeux les découvriront aifément; le blanc contrefait n'a jamais tant d'éclat que le naturel, il s'accordera fort mal avec les autres traits, & fera comme une vieille piece fur un habit neuf. On voit fouvent des Chevaux à qui on a fan du les nafeaux, parce qu'ils n'avoient pas les conduits de la refpiration hbres ce n'eft point un défaut, les Chevaux d'Efpagne les ont ainsi, cela ne fait qu'empêcher les Chevaux de hannir & leur facilite la refpiration, c'est pourquoi ils en font meilleurs pour les longues courfes & pour les partis; ainfi l'incifion des nafeaux n'eft pas toûjours une preuve de pouffe, & il faut recourir à d'autres fignes pour découvrir cette maladie.

Quant à l'âge du Cheval, fi le vendeur lui a brûlé les dents, vous trouverez que les trous qu'il y aura fait par ce moïen, feront de beaucoup plus ronds & plus noirs que les naturels ; & ordinairement ils feront tous d'une même forme, au lieu que les naturels, font prefque toûjours inégaux, plus petits & plus ufez les uns que les autres. Si le Cheval ne veut point fouffrir que vous le regardiez à la bouche, fourrez-y adroitement vôtre doigt, & en lui tâtant le dedans de la machoire fupérieure par le trou qui eft au dedans vous découvrirez aisément fon âge : vous pouvez encore ne vous y point tromper en vous fervant, pour le connoître, des moïens qui Jent indépendans des dents.

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Le Tic eft un des grands défauts d'un Cheval, & il ne faut point l'acheter quand il en eft attaqué à moins que le bon marché ne le faffe prendre quand il ne tique que très-peu, parce qu'il s'en trouve qui rendent encore en cet état de bons fervices. Les fignes du Tic font quand le Cheval retord la tête, dreffe les oreilles, tourne les yeux, tient la bouche ferrée & la queue étenduë, qu'il a les flancs abbatus, qu'il appuye les dents fur la mangeoire & la ronge en étendant le cou; il a fouvent les dents de deffus ou de deffous ufées à force de mordre fa mangeoire en rotant du gofier.

On ne fçauroit trop prendre garde ni aux allures ni a toutes les parties d'un Cheval quand on l'achete; parce que les fineffes des Maquignons, pour cacher les défauts manifeftes, auffi-bien que les plus fecrets, font en trèsgrand nombre. Pour faire paroître la queue forte aux Chevaux qui l'ont foible & débile, ils la lient comme on faifoit anciennement aux Courfiers; ou bien ils leur coupent le nerf qui vient de la croupe; on dit même que quelques-uns y attachent au-dedans un fer très- délié.

Si le Cheval a les oreilles longues, ils les coupent pour les rendre aiguës: & fi elles font abaiffées, ils les relèvent par le mouvement de la teltiere, ou même les coupent un peu & les recoufent. Si le Cheval eft long, ils lui approprient une felle haute de fiege. Quand il a la corne mauvaife, ils y appliquent du furpoint ou divers onguents, & le ferrent à l'avantage; déguifans fi bien le défaut, qu'ils font paroître le Cheval tout autre : & lorfqu'il a du poil dont la couleur ou le mélange pourroît être de mauvais augure, ils le colorent d'une autre façon, ce qu'il eft pourtant aifé de reconnoître par la difference de la couleur naturelle.

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Si le Cheval eft ombrageux, ils le harcelent fans ceffe de la main de la voix & du genouil, lorsqu'il eft prêt d'aborder quelque chofe qui lui peut faire peur, en forte qu'ils le divertiffent. S'il eft fort en bouche, avant que de le mettre à la carriere, ils ont au bout un homme affidé, qui de la voix & de la main lui fait figne de parer; ainfi il s'arrête & en a bien tôt pris l'habitude en ce lieu. S'il a la bouche dure & féche, ils lui donnent un mord rude, & même ils y mettent du miel & du fel, afin qu'il jette de l'écume : & pour qu'il n'appuye pas fur fon mord, & paroiffe léger a la main, ils lui mettent dans les lèvres une petite chaînette qui eft liée à la bride & à la gourmette, & accommodée fi proprement qu'il n'est pas facile de l'appercevoir. Si le Cheval a difficulté de refpirer, ils lui fendent les nafeaux ou y ; remédient differents médicamens dont l'effet eft de peu de durée. S'il eft dur à l'éperon, ils le tourmentent par coups & par menaces, & le plus fouvent lui frottent les flancs avec du fel & de la leffive ou du vinaigre.

par

Les Maquignons ont coûtume de faire prendre de belles allures à leurs Chevaux, tant qu'ils font dans les lieux de montre où ils les ont façonné: mais il faut qu'un ami les monte & les faffe aller toutes fortes de trains & par divers chemins, pour les ramener à leur naturel en les dépaïfant : & pour découvrir les tromperies il faut prendre garde premierement aux fers & au mords du Cheval, fouvent on en reconnoît par là les défauts, fur-tout ceux de la bouche, qui ne doit pas être déchirée, ni la langue découpée : Enfuite il faut prendre garde que les genoux ne foient pas gros, enflez ni écorchez; que les flancs ne foient pas frottez nicicatrifez: puis confiderer la tête, los

Tome I.

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oreilles, la felle & la queue: pour fçavoir fi le Cheval eft fort d'échine & des hanches, obferver après qu'il eft monté s'il eft ferme & s'il ne fe relâche point en cheminant ou galopant: Et pour s'affûrer s'il eft fort des jambes & de poitrine agile, & s'il a le genouil délié, il y faut prendre garde en defcendant, & le faire aller le pas en lui laiffant la bride fur le coû, fans le provoquer ni du talon, ni de la voix, ni de la main.

Enfin, outre toutes ces précautions, quand vous achetez un Cheval, prenez du temps autant que vous, pourrez pour avoir tout le loifir de l'examiner, de le voir aller & arrêter, afin que ce que vous n'aurez pas remarqué un jour, s'apperçoive un autre jour avant le marché conclu.

Des cas rédhibitoires.

Il y a plufieurs cas redhibitoires, c'eft-à-dire plufieurs vices pour lefquels on peut obliger le Marchand à reprendre dans dix jours les Chevaux qu'il a vendu, quand ils ont ces vices ou maladies.

La Pouffe, la Morve, la Courbature, & felon quelques uns le Tic, font les quatre cas les plus communs de l'aclion redhibitoire ; c'eft ainfi qu'on appelle l'action qu'on a pour faire caffer le marché, parce qu'on fuppole que l'acheteur ne l'auroit pas conclu s'il eut connu le défaut du Cheval que le Marchand lui a caché par artifice en arrêtant les fignes exterieurs de la maladie : & on donne dix jours pour s'en appercevoir & obliger le Marchand à reprendre fon Cheval, parce que ces défauts peuvent bien être cachez pendant quelques jours, mais jamais plus de dix jours. Bien des gens mettent le Cheval boiteux au nombre de ceux qui peuvent être rendus dans les dix jours quand on découvre qu'il boite, parce que c'eft un défaut qui peut s'arrêter pendant quelque temps mais dans ce cas il faut que les experts jugent que la maladie vient de loin & que le Cheval boitoit avant l'achat : un Cheval qui boite de vieux, comme difent les Maquignons, c'est-à-dire qui eft refté boiteux fans qu'on l'ait pû guerir, ne boite plus quand il est bien échauffé à marcher; au lieu que quand il boite pour quelque bleffûre ou autre inconvenient nouveau & actuel, plus il va & plus il boite; c'eft pourquoi pour bien juger fi un Cheval eft boiteux il faut le voir tantôt repolé & tantôt échauffé en marche.

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Quand vous lés aurez choifis fuivant les regles de l'article précedent, Valet-Chartier ou d'Ecurie à qui vous en confirez la conduite, doit être robufte, affectionné pour fes Chevaux, qu'il accoûtumera à obéir plûtôt à fa voix qu'au fouet & aux coups qui ne font qu'endurcir, rebuter & fouvent forcer, éborgner ou eftropier les bêtes; il fera matineux, ne les furchargera & ne les poulfera point trop; fera affidu à les bien étriller tous les matins & quelquefois à midi en Eté, exact à les abreuver, à ne leur donner que du foin bien examiné & de l'avoine bien épouffée, à ne les point laiffer manquer de littiere, à visiter leurs fers & à nettoyer l'Ecurie quand il en eft temps, & il fera actif & vigilant à ne rien laiffer traîner ni pourrir contre terre, ou les

rats mangeroient les cuirs, à raccommoder tout ce qui eft de fon reffort, & à prévenir le plus qu'il poura les inconveniens, fur tout le feu & les maladies des Chevaux : c'eft pourquoi il eft bon qu'il entende un peu à les connoître & à les panfer, & tout n'en ira que mieux; s'il fçait un peu des métiers de Charon & de Sellier, cela épargneroit bien des petits achats & bien des vuides & des dépenfes de voyages qu'il faut fouvent faire pour recourir aux Artifans.

Si le domaine & le labourage font confiderables, on a plufieurs Valets & même un Maître. valet, qui a foin de voir fi les Chevaux & tous les beftiaux font bien pourvûs & bien panfez; il diftribue le travail aux autres Valets, fait faire les moiffons, les foins, l'entretien des prairies, le fumage, marnage, façons & femailles des terres, veille fur la recolte & la confervation des fruits & grains & fur le travail des autres Valets; il eft pourtant bon que le Maître veille encore à tout cela après lui.

Quand on a une bonne Jument que l'on veut conferver pour le labour, pour la felle ou autrement, afin qu'elle ne conçoive point on la boucle, c'eft-à-dire qu'on lui ferme la nature avec une boucle.

Soins qu'il faut fe donner tous les jours auprès des Chevaux.

Les fers & les harnois des Chevaux étans bien entretenus, & les charettes & autres meubles de l'Agriculture bien préparez, fur-tout vers la fin de Fevrier que commence la femaille des avoines & le temps que les Chevaux qui travail lent veulent être traittez méthodiquement, ( car il s'agit ici des Chevaux de labour) vos Valets qui coucheront dans les Ecuries pour être plus à portec de leurs Chevaux, empêcher qu'ils ne fe battent la nuit, & généralement pour fubvenir à tous leurs befoins; fe leveront une heure avant le jour, commenceront par ôter le vieux foin du ratelier, y en mettront de nouveau, & nettoiront la mangeoire de toutes pailles, terre, fiente de poule & autres ordures. Quelques-uns donnent alors aux Chevaux une poignée d'avoine pour leur ou vrir l'appetit; d'autres fe contentent de leur laiffer manger un peu de nouveau foin; auffi-tôt qu'ils ont mangé ce peu d'avoine ou de nouveau foin, on les fait fortir de l'Ecurie pour les étriller, afin que la pouffiere n'incommode pas les autres, & afin qu'on étrille plus commodément que dans l'Ecurie.

Ce n'eft pas le tout que de bien nourrir les Chevaux, il faut auffi les bien panfer, c'est-à-dire les étriller tous les jours; fans quoi les faletez dont leur peau fe couvre, engendrent la gale & quantité d'autres inconveniens qui les font dépérir à vue d'œil; d'ailleurs le mouvement de l'étrille aide à la transpiration : & c'est une chofe affurée, qu'un Cheval avec moins de nourriture, diftribuée méthodiquement, bien pansé & bien étrillé, s'entretient plus gras & plus beau, qu'avec beaucoup plus de nourriture, quand on néglige de le panfer un Pere de famille doit donc bien veiller, & apprendre même à fes Valets, la maniere de le faire, s'il s'apperçoit qu'ils ne le fçavent pas.

Un Valet Charretier doit être difpos, adroit, fouple, nerveux, & hardi: & pour bien étriller un Cheval, il faut qu'il prenne l'étrille de la main droite, & la queue de la main gauche près de la croupe; qu'il paffe legérement l'étrille le long du corps, devant & derriere, & continuer jufqu'à ce que l'étrille n'amene plus de craffe. Une étrille doit être forte & légere, les meilleures viennent d'Angleterre.

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Cela fait, on prend une épouffette qui eft de toille, avec laquelle on fait voler toute la pouffiere qui refte fur le Cheval; il faut la paffer fur toutes fes parties généralement, fur tout fur celles où l'étrille n'a pas pû paffer, comme les oreilles & la ganache ; après cela, tenant le Cheval fous le menton, broffez-lui la tête bien fort avec une broffe de poil de Sanglier; le licoû ôté, nettoyez-lui bien les yeux & les fourcils, car il s'y attache beaucoup de craffe; enfuite paffez-lui la broffe par tout le corps pour unir le poil, en le nettoyant alternativement avec l'étrille quand il eft bien broffé.

Pour bien faire, on devroit tous les jours, après que les Chevaux font époulfetez, prendre un bouchon de paille tortillée, de la grofleur du bras, la tremper dans l'eau, la paffer & repafler fur tout le corps du Cheval, principalement fur les jambes, où il faut demeurer long-temps; ce frotement ouvre les pores, diffipe les humeurs, égaye & fortifie le Cheval : l'exercice en eft pourtant un peu trop long, pour obliger les Valets à le faire tous les jours: c'est assez qu'ils le faffent avec foin les jours de fêtes ou pendant le mauvais temps.

Quand les Chevaux ont été panfez de cette maniere, on prend le peigne, foit de buis ou de corne, pour démêler doucement les crins, tant du coû que de la queue, en commençant par le bas & remontant petit-à petit, & doucement jufqu'à la racine du crin, pour n'en point arracher; car il n'y a rien de plus laid qu'une queue ou une criniere dégarnie : les Chevaux ainfi panfez on les mene boire, en les égayant toûjours le plus qu'il eft. poffible.

Je ne parle point des Chevaux qui font fi chatouilleux & fi fenfibles, qu'ils ne peuvent fouffrir ni l'étrille ni même la broffe, en forte qu'il faut les panfer en main, c'eft à-dire, les frotter & refrotter à poil & à contre-poil avec la main trempée dans l'eau, jufqu'à ce qu'on ne tire plus de craffe les Chevaux de tirage dont il s'agit principalement ici, ne font pas fi fenfibles, & on n'y fuffiroit pas à la Campagne, s'il faloit ainfi les panfer en main.

Les boues caufent aux pieds des Chevaux, quand elles ne font pas bien nettoyées, des petits ulceres fur la peau, qui dégenerent en poireaux, qui deviennent incurables & ruïnent les jambes fans retour: de même que la pouffiere & la fûeur qui fe mêlent & s'attachent aux jambes des Chevaux qui travaillent dans des lieux fecs, y font une craffe vilaine & dangereufe, fur tout quand les Chevaux ont les jarrets gras & charnus; c'est pourquoi il est important de les bien étriller.

La plus grande partie des maladies des Chevaux, vient de boire de mauvaifes eaux: telles font les eaux trop vives, trop crues, froides, ou fangeufes. Pour prévenir ces inconvéniens, il faut observer que fi on eft proche d'une riviere, on ne fçauroit mieux faire que d'y mener boire les Chevaux en Eté, & le moins qu'on pourra en Hyver, fi l'on a un puits chez foi : car l'eau de puits fraîchement tirée pendant ce temps eft chaude, & par conféquent trèsbonne pour les Chevaux.

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Si l'on est éloigné des rivieres, & que pendant l'Eté on n'ait que de l'eau de puits pour les abreuver il faudra tirer cette eau long-temps avant que de la leur donner à boire, & l'expofer au Soleil dans des tonneaux, ou dans des auges de pierre bien nettes, pour corriger par la chaleur la grande crudité de l'eau, qui leur eft fort nuifible.

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