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Qu'on les conduife rarement dans des marais pour les y abreuver, cette eau n'a que de très-méchantes qualitez.

Après que les Chevaux ont bû, on leur donne l'avoine, dans la mangeoire qu'on aura bien nettoyée.

Cette avoine fera bien criblée, & bien épouffée; & avant que de la leur donner, on aura foin de la flairer, pour fçavoir fi elle ne fent point le goût de rats, ou le relant, ce qui dégoûte les Chevaux.

Sur-tout qu'il n'y ait aucune petite plume parmi, elle feroit capable d'incommoder beaucoup un Cheval: environ deux picotins de Cabaret suffisent pour chaque Cheval ; & tandis que les Chevaux mangent leur avoine, le Vava déjeûner avec les autres, pour revenir enfuite les harnacher, & aller à la charruë, ou au charroy.

Avant d'enharnacher les Chevaux, foit qu'on le faffe après qu'ils ont mangé l'avoine ou devant, il faut regarder s'il n'y a rien de défectueux, foit aux Chevaux ou harnois, comme s'il n'y a point quelque fer de manque ou qui loche; fi les colliers ont toutes leurs pieces, s'il n'y a rien de rompu aux harnois, fi les cuirs en font bons, les boucles bien arrêtées, & les chainons forts; fi le collier ne bleffe pas le Cheval au poitrail aux épaules ou au garrot; fi la felle ou la fellette qu'on met fur le dos du Cheval de labour porte partout également, & fi elle a les panneaux bien remplis de bourre, en forte qu'elle ne porte point trop fur le dos du Cheval, & que de même les arçons ne le preffent point trop & portent également.

Les Chevaux ainfi pansez & enharnachez, & les charuës & charettes étant en bon état, le Valet qui aura auffi déjeûné les conduira au travail. Il ne faut jamais qu'il les y pouffe dans le commencement; il ne doit le faire que petit-à-petit à mesure qu'ils s'y échauffent; autrement ils fe rebuttent; n'ont poit d'appetit à leur retour, fouvent les avives les prennent & ils deviennent forbus ou gras-fondus.

Dans bien des païs on couvre tous les Chevaux de houffes ou de rets pour les garentir des mouches.

Les Chevaux reviennent de la charrue ordinairement à onze heures du matin & fouvent ils font tout en fueur; il faut d'abord leur frotter tout le corps à l'exception des jambes, avec un bouchon de paille : c'eft le premier foin qu'on doit prendre, fi-tôt qu'ils font entrez dans l'Ecurie ; puis on leur prépare du fon, qu'on moüille beaucoup, & qu'on leur met dans la mangeoire, pour les faire barboter, & aider à manger leur foin avec plus d'appetit: Ce fon leur rafraîchit la bouche que le travail, la chaleur, & la poudre ont defléchée : quoiqu'ils ayent chaud, il ne leur en arrive point d'incommoditez, fur-tout lorfque l'eau dans laquelle on a détrempé le fon, eft prife plûtôt trop chaude que trop froide; au contraire fans ce foin bien fouvent les Chevaux devien nent dégoûtez, l'aridité de leur langue leur rendant toute autre chofe infipide; c'eft pourquoi tous les Laboureurs qui font amoureux de leurs Chevaux, obfervent foigneufement cette méthode & s'en trouvent très-bien.

Bien des gens qui fe difent entendus à gouverner des Chevaux, leur frottent les jambes avec un bouchon de paille; fi-tôt qu'ils font de retour d'un fort travail, prétendans par-là les délaffer, leur déroidir les jambes, & leur faire beaucoup de bien; mais ils fe trompent, parce qu'après le travail, toutes les

humeurs du Cheval étant encore en mouvement, ce frottement les attire fur fes jambes, ce qui eft très-dangereux, le moins eft de les rendre roides : il n'y a pourtant point de mal à frotter ainfi les jambes des Chevaux au retour du travail; mais il faut attendre qu'ils n'ayent plus chaud, & c'eft un foin salųtaire que de les leur frotter le foir; ou bien on les leur lave avec de l'eau froide pour détourner les humeurs & les rafraîchir; on peut même les promener un peu dans la mare ou dans la riviere, mais fans permettre qu'ils y boivent, parce qu'ayant chaud l'eau leur donneroit des tranchées & pouroit les rendre pouffifs.

Leur ratelier étant garni de bon foin, on les laiflera manger en repos jufqu'à deux heures ou environ, qu'on les menera boire dans une riviere pour les y égayer, s'il y en a une qui foit voifine, ou bien dans des auges ou dans des tonneaux dont l'eau aura été expofée au Soleil comme on l'a dit ; enfuite on leur donne leur avoine, pour retourner à la charuë un peu après qu'ils l'auront mangée.

Les Chevaux ne quittent la charruë qu'au Soleil couché. Si tôt qu'ils font attachez au ratelier, le preinier foin qu'on doit prendre eft de leur lever les quatre pieds, pour voir s'il n'y a point quelque clou, s'il ne manque rien aux fers, & en ôter en même temps avec un coûteau, la terre ou le gravier qui eft entre le fer & la folle, & y mettre de la fiente de vache; ce que les Valets négligent bien fouvent de faire, fi le Maître n'eft foigneux lui-même de leur faire faire devant lui, enfuite on frotte & traite les Chevaux comme à la dînée.

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En Brie, Beauffe & France, pendant une bonne partie de l'année on ne donne point de foin aux Chevaux; on les nourrit de coffats, de vefce, de menuës pailles de froment ou d'avoine, & un peu de luzerne ou de sain-foin & avant de boire on leur donne une jointée de bled-méteil, feigle, ou fro ment, & l'avoine après qu'ils ont bû Ces Chevaux ainfi nourris travaillent bien & ont beau corps & bon poil, fi ce n'eft qu'ils font fujets à la gale & au farcin, apparemment à caufe qu'on leur donne trop de nourritures acides; car la luzerne, le fain- foin, ni les coffats ne produifent pas ces mauvais effets, quand on en donne moins, ou moins fréquemment, comme dans les autres Provinces.

Quoiqu'il y ait bien des Chevaux qui font inquiets & jettent partie de leur avoine quand on les regarde manger, il faut pourtant que le Valet qui les gouverne y foit fouvent prefent, pour féparer ceux qui fe battent, pour voir ceux qui mangent avec appetit & ceux qui ne font que tâtonner leur avoine, qui eft une marque d'indifpofition qu'il faut prévenir.

Il aura auffi un grand foin de leur faire bonne litiere qu'il avancera toû jours affez en devant, parce que pendant la nuit les Chevaux la repouffent toûjours en arriere.

C'eft une chofe effencielle à la fanté des Chevaux que de nettoyer les Ecuries & de leur donner de la litiere fraîche le plus fouvent qu'on pourra : Car le fumier qu'on y laiffe pourrir, a tant de chaleur, & les ordures qui y restent ont tant d'acide, que les pieds des Chevaux s'y échauffent & le gâtent en peu de temps; & c'eft de là que viennent la plupart des maux de pieds qui les mettent fouvent hors de fervice, fans que le Maître ni les Valets en fçachent

la vraye cause d'ailleurs la litiere fraîche ne manque pas de faire piller le Cheval, fi-tôt qu'au retour du travail il entre dans l'Ecurie, où il la trouve, ce qu'il ne feroit pas s'il n'y avoit que de la vieille litiere; en forte qu'après l'ardeur du travail, l'urine qui lui refteroit dans le corps y cauferoit des inflammations, des obstructions dans le col de la veffie, ou dans le conduit de l'urine, & plufieurs autres maux dont les Chevaux meurent fort fouvent, s'ils ne . font promptement fecourus: Au refte le Valet aura encore foin, le foir après avoir bien frotté les Chevaux, de garnir leur ratelier pour la nuit.

Pour empêcher qu'ils ne fe battent fi aifément, on met entre chaque Cheval un bâton attaché par un bout fous l'auge & fufpendu par l'autre bout à une corde attachée au plancher de l'Ecurie.

De la quantité & de la qualité de la nourriture des Chevaux.

L'ordinaire de chaque Cheval de Caroffe ou de Tirage eft de deux bottes & demie de foin pour le jour & la nuit quand ils font forts, ou de deux bottes feulement pour ceux qui ont moins de corps, une botte & demie de paille, &. fix picotins d'avoine : on peut n'en donner que quatre ou cinq, s'ils ne travaillent point, ou s'ils font médiocres.

Chaque botte de foin doit pefer dix à onze livres. Il faut le choifir bon fans gros joncs ni glaïeuls, & qui ne foit point roüillé, parce qu'il engendre ordinairement la poule, de même que l'avoine qui n'eft pas bien épouffetée; il faut auffi la tenir bien nette de crottes de Souris, fientes & plumes de volailles; pour cela on fe fert de la vanette qui eft une efpece de grand panier rond, bas de bord; c'est un meuble d'Ecuries fort commede,

On donne à un Cheval de felle une botte & demie de foin avec une botte de paille & quatre picotins d'avoine s'il eft de bonne taille; on peut lui retrancher un picotin s'il eft de taille inferieure.

Tout le monde fçait que la ration de fourage qu'on diftribue à chaque Cavalier pour faire fubfifter fon Cheval chaque jour, eft de douze livres de foin, autant de paille, & trois picotins d'avoine.

Le fon n'eft point compté aux Chevaux, parce qu'il passe vîte, rafraîchit & ne nourrit pas.

On peut leur donner de la paille coupée menu parmi l'avoine; ce mêlange eft bon & les empêche de devenir poufiifs,

Il ne faut pas nourrir les Chevaux d'avoine feule, c'eft une nourriture trop fubftancielle & trop chaude; elle engendre la galle, la pouffe & le farcin.

C'est donner dans l'excès contraire, que de ne nourrir les Chevaux que de verd, parce que l'herbe a trop de flegme pour le Cheval; c'eft ce qui fait qu'ils maigriffent, font peu de travail & déperiffent en peu de temps; à la difference des boeufs & autres beftiaux à qui le pâturage convient.

Un Cheval peut pourtant fe maintenir en bon corps avec peu de nourri ture ou avec une nourriture auffi peu folide que l'herbe, pourvû qu'on le nourriffe aux heures ordinaires, qu'on le panfe bien & qu'on le ménage au travail.

Il faut feulement remarquer que les Chevaux maigres ont befoin d'une nourriture plus forte que les gras le est aussi necessaire pour remet; repos

tre les Chevaux en embonpoint, parce que le travail diffipe beaucoup de ce qui tourne en nourriture; c'eft auffi pourquoi les Chevaux travailleurs mangent bien plus que les autres ; ainfi les Chevaux de manége demandent peu de nourriture, parce que leur travail eft médiocre.

Il faut proportionner le foin au temperament du Cheval, & en donner moins à un Cheval gras qu'à un maigre; le trop de foin eft nuifible, sur tout aux Chevaux fins.

La gerbe fraîchement battue entretient mieux les Chevaux & leur fait prendre une meilleure graitle que le foin qui les rend lourds & pefants.

Le foin convient pourtant fort bien aux Chevaux étroits de boyaux; la paille ne leur eft pas fi bonne, à moins qu'ils n'ayent le flanc alteré : la paille engraille bien moins que le foin; c'eft pourquoi il faut plûtôt donner du foin que de la paille à un Cheval que l'on veut engraiffer, à moins qu'il ne foit pouffif; car le foin nourrit & provoque à boire plus que ne fait la paille; c'eft auffi pourquoi on donne aux Chevaux chargez d'encolure, plûtôt du foin que de la paille, parce que la paille augmente le volume de la chair.

Quant à l'eau, celle qui eft trop vive ou trop froide ne vaut rien aux Chevaux, fur tout quand ils travaillent, elle leur affoiblit l'eftomac, cause des cruditez, des obftructions de foie, des tranchées & des avives. L'eau la moins vive eft la meilleure; c'eft pourquoi on préfere celle de riviere à celle de fontaine, & celle de fontaine à celle de puits. Quand on eft obligé de fe fervir d'eau de fontaine ou de puits, il faut feulement avoir la précaution de la tirer avant que de la leur donner, & la faire chauffer au Soleil pour corriger la crudité de l'eau : quand on ne peut point prendre cette précaution, foit parce qu'on eft prelle en voyage ou autrement, il n'y a qu'à mettre dans l'eau de fontaine ou de puits un peu d'eau chauffée fur le feu, ou du fon, ou bien deux poignées de miettes de pain; d'autres ne font qu'y mêler une poignée de foin avec la main.

L'experience nous apprend que les eaux de marre font bonnes aux Chevaux, pourvû qu'elles ne foient point fangeufes.

Il faut entretenir le plus qu'on peut les Chevaux en bonne chair, & bien ronds un Cheval maigre ne fait ni honneur ni grand travail; il ne faut pas auffi qu'il foit trop gras, parce qu'alors il feroit pefant, pareifeux, fujet à fe dégoûter aux chaleurs, à devenir fourbu ou gras- fondu.

Le regime ordinaire eft de les faire boire le matin, & leur donner l'avoine & le foin un peu après; on en fait de même à midi & au foir, à la difference que le foir on leur donne un peu plus de foin que pendant le jour, fur tout en Hyver, parce que les nuits font plus longues.

Il n'y a point de mal à mouiller l'avoine avant de la donner aux Chevaux, cela ne fait que calmer la vivacité & la fermentation du fang.

Il y a des Chevaux qui mangent leur litiere après qu'ils ont mange l'avoine; il faut les en empêcher, parce que la litiere a toûjours un acide trèsnuifible, fur tout quand elle à un jour ou deux. & elle corrompt l'aleine, caufe des fueurs, & quelquefois la pouffe.

Le foin convient mieux que la paille ou l'herbe aux Chevaux maigres de fatigue, de voyage ou de maladie; la paille a trop peu de fubftance, &

l'herbe.

l'herbe paffe trop vîte; il ne faut point fe faire une regle de ce qu'on voit quelques Chevaux de Laboureur avoir bon corps, quoiqu'ils vivent d'herbe pendant l'Eté : l'avoine & les bons foins fuppléent à l'herbe, & les Chevaux qui y font accoûtumez s'accommodent d'une nourriture qui feroit déperir les autres.

De la mue du Cheval,

Le Cheval, comme tous les autres animaux, muë ordinairement au Printemps, & quitte fon poil d'Hyver pour prendre celui d'Eté. Il faut le ménager alors & renforcer fa nourriture: il mue auffi quelquefois de corne, ce qui arrive plus fouvent aux Chevaux qui viennent de Hollande : quelquefois auffi le Cheval ne muë qu'en Automne.

Des foins qu'il faut avoir des Chevaux lorfqu'ils font en voyage.

Ces foins-ci font affez importans, parce que les voyages font fouvent de rudes épreuves pour les Chevaux ; c'eft pourquoi on ne sçauroit trop les y ménager.

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Avant que de partir, vos houffes, felles, mords, brides & le refte du harnois étant en bon état & vos Chevaux bien ferrez, s'ils font fenfibles aux mouches, ayez de plus la précaution de leur faire faire un bec fous le milieu de la pince de chaque pied de derriere, afin que comme ils les por tent fouvent au ventre pour chaffer les mouches & qu'ils pofent rudement le pied à terre, ils ne fe déferrent point: on dit qu'en frottant le poil des Chevaux & Mulets de fuc de feuilles de courge, les mouches ne les approchent

pas.

Il faut ménager les Chevaux en route, fur tout dans les premieres journées. La bonne maxime eft de les mettre d'abord en haleine, & de jour en jour augmenter petit à petit leur courfe: s'ils font fatiguez & maigres, il eft inutile & même dangereux de les expofer en voyage avant qu'ils foient rétablis.

On laiffe boire le Cheval dans le premier ruiffeau ou riviere qu'on trouve fur la route; & cela fur les fix à fept heures en Eté, & fur les huit ou neuf heures en Hyver; il eft de la prudence de celui qui fait boire un Cheval, de lui rompre fouvent l'eau, afin qu'il ne boive pas tout d'un trait. Quoiqu'un Cheval ait chaud & qu'il fue, on peut le faire boire s'il a encore bien du chemin à faire jusqu'à l'Hôtellerie, pourvû qu'il ne foit pas hors d'haleine, il en aura plus de courage & fe portera mieux; fi le Cheval a chaud après qu'il a bû en chemin, il faut doubler le pas au fortir de l'eau, ou prendre le petit galop, afin que l'eau qu'il a buë ne lui caufe point de mal & qu'elle s'échauffe par le mouvement qu'il fe donnera.

La maxime de faire boire un Cheval dans la journée lorsqu'on eft en voyage eft très bonne : lorfqu'il eft arrivé à l'écurie, s'il a chaud, on tarde quelque temps à le faire boire; car s'il buvoit d'abord, il coureroit rifque d'avoir des tranchées qui feroient mortelles. Quant aux Chevaux de caroffe & de trait, cela eft different, & on ne s'avife pas de faire arrêter le caroffe ni le labour pour les faire boire tout enharnachez; c'eft pourquoi on les fait boite dés le grand matin & aux deux autres repas feulement.

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