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Des Fondemens d'un Bâtiment.

Lorfqu'on rencontre heureufement des Fondemens naturels, c'eft-à-dire lorfqu'on bâtit fur le Roc, fur le Tuf ou fur une Terre extrêmement folide, il ne faut point chercher d'autres moyens pour affermir les Fondemens: mais s'il eft fabloneux, ou que ce foit une Terre remuée ou un Marais, alors il faut recourir à l'Art.

La meilleure Terre pour affeoir les Fondemens, eft celle qui eft pefante, maffive & qui fait un corps; la noire paffe pour la plus folide. On en trouve en quelques endroits qui eft comme une argile couleur, de plomb: la Terre blanche ne vaut guere pour y fonder, parce qu'ordinairement elle eft humide, & ne fait par confequent qu'un corps très-peu compacte. Il fe trouve des Terres qui font comme de gros graviers liez enfemble; elles font très-bonnes pour fonder: fi on y trouve encore quelquefois de gros fablon rouge, il faut s'y arrêter, le fol en eft ferme & trèsaffûré. Quelques-uns pour éprouver fi une Terre eft propre pour des Fondemens, en prennent, foit qu'elle foit feche ou humide, la mettent fur an linge blanc, drap ou foie qu'ils fecouent après, & fi çette Terre ne laiffe aucune tache fur ces étoffes, c'eft une marque qu'elle eft bonne pour y fonder; au lieu que fi elle y fait quelque impreffion, on ne doit point s'y

fier.

Si le Terrain paroiffoit un peu douteux, on peut s'affurer du fol en rempliffant le fond de la tranchée, de groffes planches; ou en faifant des pilotis & plattes-formes qu'on pofe deffus fi également par tout, qu'il n'y en ait pas plus en un endroit qu'en d'autres, principalement fi l'Edifice s'éleve dans un lieu marécageux.

ture,

Lorfqu'on maffonne dans l'eau, l'on employe du ciment fait de briques ou tuilots caffez, avec de la chaux fortant du fourneau & fraîchement éteinte. L'on met d'abord des Pilotis qui font des pieux de bon bois de Chêne ronds dont l'on ôte l'écorce, ou d'Aulne ou d'Orme; on les enfonce le plus avant que l'on pent, autant plein que vuide, afin qu'ils ayent de la nourric'eft-à-dire que s'enflans par l'humidité, ils ayent affez d'efpace: on remplit tout le vuide avec du charbon; par-deffus les pieux, d'espace en efpace, on met des racineaux qui font des poutres de huit à neuf poûces, que l'on clouë fur la tête des pieux coupez d'égale hauteur; & fur les poutres on attache de groffes planches ou ais de cinq poûces d'épaiffeur dont l'on fait la Platte-forme qui eft comme un plancher. Il y a des Païs où, entre les pieux & par-deffus les planches, on met des facs pleins de laine en forme de matelats, parce que la laine bien preffée & graffe comme elle eft ne pourrit pas dans l'eau, & entretient le Fondement en bon état. Quelques-uns y mettent auffi du charbon. C'eft fur cette platte-forme que l'on maffonne avec de la pierre proportionnée à la qualité de l'Ouvrage.

Ces Plattes-formes étant pofées, on met deffus de bon libage, qui font des grandes pierres plattes dont on fait une bonne liaifon avec du mortier; puis on éleve les Fondemens jufqu'à rez-de-chauffée.

Pour en faire de bons, il faut, outre la qualité du fol, obferver les lar. geurs & les épaiffeurs des murs qui font conftruits en terre ; fi ceux qui

Tome I.

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font hors de terre font déterminez à deux pieds, les Fondemens en doivent avoir trois : ainfi les tranchées feront creufées de pareille largeur. Si les murs n'ont que vingt poûces hors de terre, les Fondemens en auront trente ; & ce mur ne peut être de moins que d'un quart de retraite tant dedans que dehors. Il est encore bon d'obferver que le mur de Fondement foit plus large par le bas que par le haut, ce qui fe fait en le conduifant toûjours par une petite retraite, fur tout par le dehors du Bâtiment : enfin, fi le mur hors de terre a plus d'épaiffeur que celle qu'on a marqué, on reglera celle des Fondemens fur la proportion qu'on a dit; fouvent même on fait les Fondemens plus épais de moitié que les murs exterieurs, quand ils doivent porter un grand poids.

Si l'on bâtit dans un Terrain ferme, celui qui bâtit doit juger par la grandeur & la hauteur qu'il veut donner à fon Bâtiment, quelle profondeur eft neceffaire aux Fondemens pour plus grande fûreté. On leur donne d'ordinaire la fixième partie de la hauteur de l'Edifice, pourvû qu'il n'y ait point de cave ou d'autres lieux fouterrains : & quant à l'épaiffeur, on leur donne le double de celle du mur qui doit être élevé deffus.

Il faut auffi élever les Fondemens par retraites, & on fait les diminu tions égales de chaque côté, afin que le milieu du mur tombe à plomb fur le milieu du Fondement.

Pofition des Pierres de Taille, Préceptes & autres Diversitez.

On appelle Joints de Pierre, les intervalles qui font entre les Pierres : les Joints des Lits, font ceux qui font entre les Pierres pofées les unes fur les autres; & les Joints Montans, font entre celles qui font mifes à côté les

unes des autres.

Le Parement d'une Pierre eft le côté qui doit paroître en dehors du mur. On ne fe contente pas de garnir de natte les groffes civieres, comme je l'ai déja dit; on a encore des Torchons ou Torches de paille qu'on met fous les Pierres, de crainte qu'elles ne s'écornent, lorfqu'on les taille, qu'on les porte en befogne, ou qu'on les pofe fur le lit: les Anciens, pour empêcher que le parement des Pierres ne le gâtât, les tailloient groffiérement en rond; & lorfqu'elles étoient fur le tas, ils avaloient & abattoient cette rondeur.

Differentes Maßonneries.

I. Il y a diverfes fortes de Maffonnerie. 1°. Celle à Echiquier, & qu'on appelle Maillée, eft faite de Pierres carrées dans leur parement, & pofées en forte que les joints vont obliquement, & que les diagonales font l'une à plomb, & l'autre à niveau. 2°. Dans celle qui eft en Liaison, les Pierres font pofées les unes fur les autres, & les joints y font de niveau; mais en forte que le joint du fecond lit pofe fur le milieu de la Pierre du premier lit. 3°. On malfonne auffi de Pierres non taillées & pofées en liaison, mais d'épaiffeurs inégales; & l'égalité ne fe trouve que dans chaque affife. 1o. Il une a encore y autre forte de Maffonnerie, où les Pierres font arrangées qu'au parement fans être taillées, & le corps du mur eft garni de menuës Pierres jettées dans le mortier & au hazard. Je paffe plufieurs au

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ne

tres fortes de Maffonnerie qui font plus curieufes qu'utiles.

Differentes Affiettes.

II. Pierres Parpaignes & Boutiffes, Harpes, Chaînes & Queues, font toutes differentes manieres d'affeoir les Pierres de Taille.

On dit une Pierre Boutiffe & Parpaing, quand la longueur de la Pierre traverse la muraille & fait face des deux côtez: car faire Parpaing, c'est faire face des deux côtez; & Boutiffe, c'eft quand la plus grande longueur de la Pierre eft dans le corps du mur, & que le bout ou tête de la Pierre fait face,

On nomme Harpes ou Pierres d'attente, celles qu'on laiffe passer au-delà du mur qu'on bâtit, pour les enlier avec une autre muraille. On les appelle Naißance, lorfqu'elles font laiffées pour former une voute.

La Chaîne eft une pile de Pierres mifes les unes fur les autres en liaison, pour porter des poutres ou fortifier une muraille. On les nomme auffi Fambes foupoutres, ou Pieds droits, quand elles foutiennent des poutres. Mais les Chaînes ne font pas toûjours de Pierres de Taille; elles ne font fouvent que de Moüellon, de Briques ou de Caillou maffonné à chaux & à Sable, lorfque les murs font de moindre matiere.

On appelle Queues, les groffes Pierres qui fervent à faire des liaisons en dedans des murs, foit Bontißes ou autres. On nomme auffi quelquefois Queues ou culs-de-lampe, les rofes qui font aux clefs des voutes de Pierre,

Préceptes.

III. Pour bien bâtir, il faut mettre des Pierres en parement, & d'autres en boutiffe alternativement. 2°. On ne les doit jamais déliter; au contraire il faut toûjours les mettre fur leur lit, & les pofer fur celui de deffus quand elles font exposées à découvert. 3°. On ne doit jamais travailler par Epaulées, à moins qu'on n'y foit neceffité. 4°. On doit donner du fruit à une muraille autant qu'elle en demande, fuivant fa portée & fon usage.

Je viens d'expliquer les Termes de Parement & de Boutiße: ainfi pour qu'on entende ces Regles, il refte à dire ce que c'eft que Lit, Délit, Epaulées, & donner du fruit.

Lits des Pierres.

IV. La plupart des Pierres naiffent dans les Carrieres par lits, & de forte qu'elles foient comme les feüillets d'un livre mis les uns fur les autres: c'eft pourquoi fi les Pierres ne font mifes de plat, tous ces feüillets qui fe trouvent de champ & à contre-fens, & pour mieux dire hors de leur fituation naturelle, s'écartent; ainfi on dit qu'une Pierre fe délite, lorfqu'elle fe fend par feüillets: on dit auffi déliter une Pierre, ou la pofer en délit, lorfqu'on ne la pofe pas fur fon lit, c'eft-à-dire de plat, comme elle croît dans la Carriere: elle eft très- aifée à fe fendre quand elle eft délitée, & elle ne peut pas porter de grand fardeau; c'eft pourquoi le Marbre eft excellent, parce qu'il n'a point de lit & fe peut mettre en tous fens : il y a auffi des Pierres dures qui ont la même proprieté; mais il ne s'en trouve pas pour faire de grandes pieces..

Il faut auffi remarquer que comme les Pierres font prefque toutes par lits dans les Carrieres, elles ont chacune deux lits, celui de deffus & celui de deffous les lits de deffous font plus durs que ceux de deffus ; c'eft pourquoi il faut renverser les Pierres & mettre le lit le plus dur deffus, lorfqu'on les employe à découvert, comme pour couvrir des Terraffes ou pour faire des Dales.

Epaulées.

V. On dit travailler par Epaulées, faire des Fondemens ou des Murailles par Epaulées, lorfque les Maffons achevent de les élever par un bout, de la hauteur qu'ils doivent avoir, & que le refte demeure plus bas, faifant leur ouvrage par morceaux & à diverfes reprises; ce qui n'eft pas un bon travail: car il faut mettre toutes les affifes de Pierre à niveau, afin que la Maffonnerie foit bien liée, qu'elle s'affaiffe également, & ne foit que comme une feule maffe. Il y a pourtant des Ouvrages qu'il faut faire par Epaulées, pied à pied & par reprises, comme pour reprendre peu à peu une murail. le qui eit en peril, ou pour foûtenir des terres mouvantes.

Etayemens.

VI. Pour étayer un Bâtiment, on fe fert de plufieurs pieces de bois: premierement on en couche deux contre terre, qui fe nomment Racineaux ou Couches : fur ces deux on en met une autre qui s'appelle Patin, qui est difpofé en forte qu'il ne pofe que par les bouts fur les Racineaux: fur le Patin on pofe l'Etaye, qui eft une piece de bois toute droite ou un peu panchée, laquelle porte quelquefois une autre piece de bois couchée de long qui eft mife comme une femelle que l'on nomme Chapeau, pour foûtenir avec plus d'étendue la charge qui pofe deffus.

VII. Pour revenir à la fuite de la conftruction de nos murs qui n'a été interrompuë que par l'avis donné fur les Epaulées, à l'occafion defquelles j'ai parlé des Etayes.

On doit donner du fruit à une muraille, c'est-à-dire ne la pas élever à plomb; mais lui donner un peu de talus à mesure qu'on l'éleve. Il y a des Mallons qui leur donnent un poûce & demi de fruit fur la hauteur de douze pieds: mais il vaut mieux fe regler fur l'épaiffeur & la hauteur du mur, fur le poids qu'il fupporte ou qu'il foûtient: par exemple, fi c'eft un mur de Terraffe, il y en a qui donnent le fruit par de petites retraites qu'ils font fur le mur en le diminuant d'épaiffeur d'efpace en efpace feulement; d'autres donnent le fruit en bâtiffant tout le mur en talus.

Il faut auffi efcarper les Fondemens, c'eft-à-dire les relever par recoupemens, & faire en forte que la diminution foit égale de chaque côté, afin que le milieu du mur tombe à plomb fur le milieu du Fondement. Quand c'eft un mur qui ne fert qu'à foûtenir des terres, on l'éleve tout en talus en dehors; & pour écouler les eaux de la Terraffe, on fait d'efpace en espace dans le mur, des ouvertures longues, étroites & perpendiculaires, qui s'appellent des Barbacanes, Canonieres ou Vantoufes.

VIII. Arrafer un mur, c'eft en mettre toutes les Pierres à niveau & le faire de hauteur égale par tout. Il eft bon d'arrafer autant que l'on peut

Tous les Ouvrages, ils en font plus forts & mieux liez.

On appelle Confoles dans les Bâtimens, les pieces faillantes qui fervent à foûtenir des Corniches ou à porter des Figures, des Buftes, des Vases ou d'autres choses: on tient que c'eft une Regle generale que tous les membres faillans, c'est-à-dire tout ce qui avance en dehors, doivent avoir leur faillie égale à leur hauteur.

Lorfqu'en bâtiffant on met en façade des Pierres non taillées, pour y faire enfuite quelque Ouvrage comme Chapiteau ou Armes, on nomme cela des Boffages: le Luxembourg à Paris a quantité de Boffages joints artistement ; & il y a un Art pour joindre les Pierres en Boffages, & les faire avancer au-delà des endroits où font les joints.

Un Ouvrage rustiqué, ou ordre rustique, c'est quand les Pierres au lieu d'être travaillées poliment & uniment, font taillées ruftiquement ou piquées groffierement & fans ordre.

En fait de grais ou de moüellon, on dit Smiller, Efmiller, & par corruption Echeviller; c'eft piquer le grais ou le moüellon avec la Smille qui eft un Marteau à deux pointes propre à cela.

Maffonneries groffieres & enduits.

Hourder, c'eft maffonner groffierement; & Hourdage, eft une Maffonnerie groffiere. Tels font le Saumurage, la Bauge & le Torchis, dont je parlerai au Chapitre suivant; on y met un Crépi pour couvrir la groffiereté de l'Ouvrage.

La Limofinerie eft auffi une espece de hourdage, puifqu'on appelle ainfi des conftructions de murs & de fondemens qui fe font feulement avec du moüellon & du mortier fans paremens de Pierres; les Limofins ont donné le nom à cette forte d'Ouvrage, parce qu'on n'y employe ordinairement que les Maneuvres qui viennent de cette Province.

Les murailles fimples fe font aux Champs & à la Ville, de Charpente & d'Enduits. On contre latte le pan de bois, c'est-à-dire qu'on l'arme de clous & de lattes, & enfuite on l'enduit. Les Enduits dont on couvre les murailles fe font avec de la chaux & du ciment, ou du fable; ou bien avec du plâtre ou du ftuc dont on blanchit ces murailles; il fe fait avec du Marbre blanc bien broyé & faffé, & de la chaux. Pour faire de bons & beaux Enduits, il ne faut pas employer le fable auffi-tôt qu'il eft tiré de la terre ; car il fait fécher le mortier trop promtement, ce qui fait gerfer les Enduits : mais pour les gros murs de Maffonnerie, c'eft tout le contraire; il ne faut pas que le fable ait été trop long-temps à l'air, parce que le Soleil & la Lune l'alterent, en forte que la pluye le diffout & le change enfin presque

en terre.

les

Il faut crépir les murailles, principalement celles de hourdage, pour rendre unies ou luifantes ; d'autant que le bas d'un mur fe gâte fi on le laiffe quelque temps fans le crépir. On fait des Crépis de chaux & de fable, de plâtre, de ftuc, &c. On en fait même de fimple terre corroyée qu'on cou che fur les murailles de bauge, qu'on blanchit fouvent à la Campagne avec du lait de chaux, fur tout quand on n'a point de plâtre. On fait aux Indes un Crépis avec de la chaux vive mêlée avec du lait & du fucre, dont on enduit

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