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Des membres du Bœuf.

La Tete doit être courte & ramaffée. Les Oreilles grandes, bien veluës, & bien unies. Les Cornes fortes, luifantes, vives, & de moyenne grandeur. Le Front large & crépu. Les Teux gros, noirs & luifans, afin qu'on puiffe y voir comme dans un miroir, fon ardeur, fon courage, fa fanté, ou fa maladie. Le Mufle gros & camus. Les Nazeaux ne feront point étroits, mais toûjours bien ouverts, afin que le Boeuf ait une grande facilité à refpirer lorfqu'il travaille. La Bouche & la Langue n'y font rien. Les Dents feront blanches, longues & égales; car lorfqu'elles font noires, ufées & inégales, c'est marque qu'il eft vieux, & qu'il faut s'en défaire. Les Lévres doivent être noires. Le Col gros & charnu. Les Epaules larges, groffes, chargées de chair, & peu mouvantes. La Poitrine de même. Le Fanon, c'est-à-dire la peau du devant, pendante jufques fur les genoux. Les Reins forts & larges. Les Côtez étendus & non ferrez, pour que le Bœuf refpire & travaille mieux. Le Ventre fpacieux, tombant en bas. Les Flancs fuffisamment grands pour le ventre, prendre garde qu'ils ne foient point alterez. Les Hanches les plus eftimées à l'égard du Bétail à corne, font les longues. La Croupe doit être large, fort épaiffe, & bien ronde. Les Jambes groffes, nerveufes & charnues. Les Cuißes de même. LeDos droit & plein. La Queue pendante jufqu'à terre & garnie de poils touffus & déliez. Les Pieds fermes. Le Cuir groffier & maniable. Les Muscles élevez L'Ongle court & large. Enfin il aura le corps bien membru, large & ramaffé; & il fera vif, jeune, de belle taille, ferme & roide, & cependant le plus docile qu'il fe poura; prompt à l'aiguillon, obéiflant à la voix & facile à

manier.

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Il faut auffi obferver que fa taille foit médiocre, & qu'il ne foit ni trop gras ni trop maigre; ceux qui mangent lentement, fourniffent mieux leur carriere à toute forte de travail, que ceux qui mangent bien vîte.

Des Poils des Bœufs.

Le bon Bœuf doit avoir les poils luifans, c'eft la veritable marque d'un bon tempérament; au lieu qu'un poil fombre & mal uni, eft un indice de quelque incommodité.

Un poil épais eft encore d'un bon préjugé ; car un Bœuf qui a le poil ras eft ordinairement trop échauffé, & en danger de tomber bien-tôt malade. Le poil doux fous la main marque une fanté parfaite.

A l'égard de la couleur, un Boeuf fous poil noir eft toûjours bon, pourvu qu'il ait quelque blancheur aux pieds, ou à la tête; autrement il est lourd, & nonchalant à travailler, à caufe de la mélancolie qui le domine.

Le Bœuf fous poil rouge ou roux eft le meilleur de tous; car étant fort bilieux, il a toûjours beaucoup de feu, ce qu'on ne fçauroit jamais trouver affez dans cet animal, qui eft extrêmement lent de fa nature. Il n'en vaudroit pourtant pas beaucoup moins, quand il auroit quelques extrêmitez Le Bœuf fous poil Bai n'eft à cause du flegme qui y tempere un peu la bile, & qui le rend plus lent à travailler, mais en récompenfe il eft de bien plus longue durée.

blanches.

pas

fi ardent

le

que rouge,

Le poil moucheté, eft celui que nous appellons pommelé dans les Chevaux; Il ne vaut rien dans les Bœufs d'attelage, à caufe qu'ils font d'un tempérament plus pituiteux & plus flegmatique, & par confequent plus mous, & toûjours plus pareffeux; mais pour l'engrais ce font ceux-là qu'il faut choifir préferablement à tous autres, parce qu'ils fe chargent de chair & devienment plus-tôt gras.

Jamais Bœuf blanc ne valut rien que pour engraiffer.

On n'eftime encore gueres les gris, ni pour la charuë ni pour l'engrais, parce que la pituite & la mélancolie les dominent.

Les Boufs bruns travaillent affez, mais ils fe rebutent de bonne heure, à caufe qu'ils font extrêmement mélancoliques.

De l'âge & des autres attentions qu'il faut avoir dans le choix des Bœufs.

Nous avons dit qu'outre leur couleur & la bonne conformation de leurs membres, il faloit les prendre jeunes pour le labourage; ils ne peuvent rendre de bons fervices qu'à trois ans, & paffe dix ils ne valent plus rien qu'à engraiffer pour être vendus aux Bouchers. Un Bœuf vît jufqu'à quatorze ans, mais c'eft un abus que de le laiffer tant vieillir.

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On connoît fon âge à fes dents & à fes cornes; à dix mois les Boufs jettent leurs premieres dents de devant, & il en vient d'autres qui ne font pas blanches & qui font plus larges; à feize mois les dents de lait des côtez tombent à leur tour, & font auffi remplacées par d'autres moins blanches & plus fortes à trois ans toutes leurs dents ont mué, & alors elles font égalles, blanchâtres & longues ; & à mesure que le Bœuf vieillit, elles s'ufent, fe raccourciffent & deviennent inégales & noires; il en eft de même des Vaches & Taureaux.

On connoît auffi l'âge de ces trois animaux par les anneaux ou nœuds de leurs cornes ; on compte pour trois ans les annelets qui regnent depuis le bout des cornes jufqu'au premier noeud en defcendant, parce qu'à trois ans le Bœuf perd ce qui lui eft venu de corne, & il y croît une nouvelle petite corne nette & unie, où il fe forme chaque année un nœud semblable à un anneau relevé en bosse; en forte qu'après trois ans on juge de fon âge par le nombre de ces nœuds.

Au furplus nous avons dit que ceux qui mangent lentement font plus eftimez, & que ceux qui font de moyenne taille, ni trop gras ni trop maigres, noirs ou rouges, doux au maniment, prompts à la voix feule & encore plus à l'aiguillon, font les meilleurs pour le labour.

Quant au lieu où ils font néz, bien des gens croïent que ceux qui ont été› élevez fur des montagnes ou autres lieux peu abondans en pâtures, font moins lourds, moins pareffeux, plus forts, plus aifez à nourrir & plus fains. Ce qu'il y a de certain eft qu'il vaut mieux les prendre dans le voifinage, parce que ceux qu'on tire des païs éloignez, font plus fujets aux maladies & ne fe font jamais bien au nouveau climat; car les Bœufs s'accoûtument bien moins à l'air étranger que les Chevaux. Du moins fi on s'en fert par curiofité ou autrement, il faut les faire travailler peu ou point du tout la premiere année, furtout pendant les grandes chaleurs, & les nourrir plûtôt de bon foin fec que d'herbe, pour les rendre plus forts & plus fains, & cela ménagera vos prez.

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Les Bœufs châtrez valent beaucoup mieux pour la chair, pour le labour & generalement pour toutes fortes de fervices, que les Taureaux & les Vaches. Il ne faut jamais prêter fes Bœufs à perfonne, ni leur faire faire de trop longues voitures; rien ne les gâte tant.

De la maniere de dompter les jeunes Boeufs deftinez au trait.

Si l'on achete des Bœufs accoûtumez au trait, tant labour que charrette, on n'aura point la peine de les y dreffer; mais s'ils n'ont point encore porté le joug, il faut les y accoûtumer petit-à-petit, & s'y prendre de bonne heure: d'abord pour les apprivoifer, on les careffe, on les flatte, on leur frotte le corps jufqu'à l'entre-deux des cuiffes, & on leur donne de temps en temps un peu de fel dans du vin; à mesure qu'ils fe familiarifent, on leur lie fouvent les cornes; quelques jours après on les met au joug, une autre fois on leur fait traîner des roues & enfin la charruë; mais on les y accouple d'abord avec un Bœuf tout dreffé qui leur fert de modéle, les raffure & les retient s'ils veulent s'emporter: il faut fur tout beaucoup de douceur dans les commencemens, point ou peu d'aiguillon, & les ménager fuivant leur naturel: s'ils font abfolument trop fougueux, on les met l'un après l'autre entre deux Bœufs faits & de bonne taille; ce travail de compagnie les dref fera en trois ou quatre jours.

D'autres s'y prennent de cette maniere : ils choififfent deux jeunes Bœufs de même taille & de même force, on les attache à la mangeoire l'un proche de l'autre, & on les mene aux pâturages ainfi accouplez, afin qu'ils fe connoiffent & s'accoûtument l'un avec l'autre; on les conduit aux champs on leur fait voir d'autres Bœufs qui travaillent, on les mene auffi dans des endroits où il y a beaucoup de monde & bien du bruit, pout les accoûtumer à tout & les rendre dociles.

Le temps. arrivé qu'ils doivent travailler, on leur impofe le joug & on leur donne un attelage convenable à leur âge; il ne faut point laiffer paffer trois ans fans commencer à les dompter, parce qu'alors ils ne font plus guéres fufceptibles d'inftructions.

Six jours après qu'ils ont commencé à porter le joug, on y joint le timon avec la chaîne qu'on laiffe traîner par terre, afin que le bruit qu'elle fait ne les épouvante point; trois ou quatre jours après, on attache à cette chaî ne quelque piece de bois pour qu'ils fe faffent à tirer; enfuite on les attele devant deux Bœufs faits de longue main à la charruë, obfervant de careffer les apprentifs, & de ne point leur faire fentir l'aiguillon ni les battre qu'ils ne foient entierement dreffez..

Il faut ménager les Bœufs dans les commencemens, & ne les point trop fatiguer; il ne faudroit que cela pour les rebuter: on doit bien nourrir les jeunes Boeufs qui commencent à travailler, afin qu'ils ne s'attenuënt point & qu'ils faffent pleine journée. La littiere ne doit point leur manquer, & même au retour du travail, il eft bon de les frotter & de les tenir couverts un peu de temps: fi on remarque qu'ils ont trop chaud, avant que de les envoyer en pâture en Eté, on leur donne à chacun deux jointées d'avoine ou de fon pour les fortifier.

Lorfqu'on accouple les Bœufs, on doit toûjours examiner s'ils font d'égale Tome I.

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force & de même taille; fans cela le plus fort porte tout le poids, & s'abbat en peu de temps, tandis que le plus foible ne travaille point.

Ce qu'on dit ici des Bœufs, doit auffi s'entendre des Vaches qu'on veut accoûtumer à la charruë; car il n'y a de difference que pour le plus ou moins de force; pour le refte c'eft la même forte de bétail qu'on a à gouverner, la même taille & les mêmes poils qu'on doit choisir.

Des défauts des Bœufs.

Quelque accoûtumez qu'ils foient à la charrue, il y en a qui ont des défauts qu'on peut à la verité corriger, mais non pas fans peine : l'un sera rétif, ombrageux; l'autre furieux, ou fujet à fe coucher en labourant.

Il n'eft guéres de ces défauts qu'on ne corrige avec le temps & la pa

tience.

Si-tôt qu'on a acheté un Bœuf, il faut s'appliquer à en connoître le temperament & les vices, & les corriger plûtôt à force de careffes & de jeûnes, qu'à force de coups de fouet & d'aiguillon, ils ne font que les rendre plus durs ou plus fougueux : le plus fûr eft de les former comme on fait les chiens de chaffe, c'eft-à-dire les mettre au joug avec un Boeuf fait au travail & de même force, ou entre deux qui foient inftruits & fages. C'eft depuis trois ans jufqu'à cinq qu'il faut corriger les Boufs de leurs défauts, autrement il feroit trop tôt ou trop tard.

Si le Bœuf eft rétif, il faut prendre un bâton tiré tout chaud du feu & brûlé au bout, en battre les feffès du Bœuf, & l'obliger de cette façon à marcher.

Un Bœuf ou une Vache prennent quelquefois peur de fort peu de chofe; ce défaut eft ordinaire aux Bœufs qui font trop bilieux, parce qu'ayant beaucoup de feu, tout les frappe & les agite: pour les corriger, il faut y avoir fouvent l'oeil, afin de les retenir lorique cette peur les prend; ils en guériffent à mesure que le travail & l'âge diminuent leur grande ardeur; on empêche auffi qu'un Boeuf ne foit peureux, en l'accoûtumant de bonne heure au grand bruit & à la multitude des objets.

Il y a auffi des Bœufs furieux par excès, ce qui ne lui vient que du trop de repos, fur tout lorfqu'il eft bilieux, ou bien de ce qu'il eft trop gras: c'est pourquoi fi-tôt qu'on s'apperçoit de ce vice, il faut prendre le Bouf, lui lier les quatre jambes pour le terraffer, & ne lui donner que fort peu à manger; cet exercice & le jeûne calmeront fa furie avant qu'il foit huit jours.

Ou bien prenez un grand joug, & l'attelez à une charrette bien chargée au milieu de deux autres Boufs de fa force & un peu lents; appliquez-lui l'aiguillon fouvent, & vous n'aurez pas fait cela cinq ou fix fois, que la pefanteur du fardeau & les coups d'aiguillon que vous lui aurez donné, le rendront docile. Les Anciens mettoient du foin aux cornes des Bœufs qui les avoient dangereufes, pour avertir qu'on eut à s'en garder. On en voit quelquefois qui font feulement prompts & fujets à s'emporter; mais c'est une bonne marque, & il n'y a qu'à les traiter avec douceur & ne le point brufquer au travail; s'ils ne fe corrigent pas ou que la promptitude aille jusqu'à l'impetuofité, il faut s'en garer; & quand la voix & quelques coups legers

de font point d'effet, les mener à l'étable, les y attacher bien ferme, & les y laiffer jeûner.

D'autres font extrêmement pareffeux & fujets à fe coucher par terre plû

tôt que

de travailler.

Ce défaut eft affez ordinaire aux Bœufs fous poil moucheté ou blanc, à cause de leur temperament flegmatique qui les rend nonchalans; on ne fçauroit les vaincre là-deffus, qu'en leur réveillant les efprits par la pointe de l'aiguillon; & s'il n'y fait rien, il faut les engraiffer pour les vendre.

De la nourriture des Bœufs.

Les Bœufs ont cela de particulier, qu'ils ne prennent jamais de nourriture plus qu'il ne leur en faut : ils fe couchent & ne font plus que ruminer quand ils en ont affez; à la difference des Chevaux & de plufieurs autres animaux qui continuënt de manger tant qu'ils le peuvent.

En Hyver que les Bœufs ne font rien, on les nourrit de paille & d'un peu de foin; mais dans les temps de travail on les nourrit de bon foin : leur repas dure ordinairement une heure ; & avant que de les atteler il faut leur donner à chacun un picotin de fon fec, ou bien deux bonnes jointées d'avoine.

Au défaut de foin en Eté, on les nourrit d'herbe fraîchement coupée, on leur jette des bourgeons de vigne, des feuilles d'Ormes, de Fresne, d'Erable, de Chêne, de Saule & de Peuplier qu'ils mangent avec grand appe tit; mais cette nourriture ne les foûtient pas fi bien que le foin. La vefce en verd ou même en fec leur eft très-bonne : le fain-foin, la luzerne & les autres fourages dont on parlera dans l'Article trois du Chapitre des Prez dans la feconde Partie de cet Ouvrage, font auffi d'excellentes nourritures. pour les Bœufs. Je marquerai encore à l'Article fuivant quelques moyens faciles pour leur trouver des nourritures: ils aiment beaucoup la paille d'orge, mais elle a peu de fubftance; celle d'épautre eft la pire de toutes les pailles pour la nourriture du Bœuf, elle n'eft bonne qu'en littiere & fait de

bon fumier.

Il y en a qui nourriffent chaque Bœuf d'un boiffeau de lupins trempez dans de l'eau, ou d'un demi-boiffeau de pois chiches auffi trempez, de raves & navets, de joncs marins, & d'écoffes de pois ou de féves, de marc de raifin fec ou trempé, le tout avec abondance de paille: l'orge boüillie, les pois & féves concaffées, les gerbes de froment & de feigle leur font encore très-bons; les raves les engraiffent, mais elles ne font pas un fi bon corps. ni la chair si ferme ; de même que le fon mêlé de criblures les enfle plus qu'il ne les fortifie, l'abondance du gland les rend rogneux, & les choux boüillis avec le fon leur font affez bon ventre.

On est heureux quand on eft dans un Païs abondant en pâturages, où l'on puis fe mettre les Bœufs fous la garde d'un valet pour y paffer les nuits: c'eft une grande épargne pour les provifions qui fe confommeroient pendant toute l'année; & on fait à peu de frais de grandes nourritures de Beftiaux & des gros profits. Nous dirons à l'Article fuivant comme il faut ménager ses pâ

turages.

Il ne faut mettre les Bœufs à l'herbe que vers la mi-May, les premieres herbes ne leur valent rien: on les remet aux fourages en Octobre; mais il

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