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niffent de bons; le Roquefort, les Angelots du païs de Bray en Normandie; les Maroles, les Dauphins du bord de la Flandre; les fromages d'Auvergne qui imitent ceux d' Hollande, de même que les Vachelins (qui nous viennent de la Franche-Comté) contrefont les Gruyers de Suiffe; le Semonée fromage perfillé, blanc & gras; le Saffenage du Dauphiné, les Parmefans & les Breffans d'Italie font tous fromages bons & de grand débit. Il fuffit ici de dire la maniere generale pour en faire; chacun rafinera fuivant fon goût ou fuivant l'usage du païs.

Comment fe fait le Fromage.

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Il n'y a qu'à faire cailler le lait, le faler, le faire fécher & affiner plus ou moins, fuivant qu'on le veut manger moû, fec ou affiné; fur-tout, que la perfonne qui fera les fromages, foit bien propre, & n'ait ni gale ni mains fuantes, ni aucune incommodité naturelle où accidentelle; cela empêcheroit le fromage de prendre & le rendroit willeté crevaffé & mal-propre. Les Auvergnats qui font grand cas de leurs fromages, ne les font faire que par de jeunes garçons bien fains & bien propres.

Pour faire cailler le Lait.

On fe fert prefque toûjours de la Prefure pour faire cailler le lait : j'entends de la prefure de Veau; car les caillettes d'Agneau, de Chévreau & de Levreau, ont auffi leur prefure, mais elle n'eft point fi bonne ni fi en ufage à beaucoup près. On caille auffi le lait avec de la graine de chardon-beni, ou de la fleur de chardon - fauvage, avec le jus de figuier qu'on fait couler en faisant une incifion à l'écorce de l'arbre, ou bien encore avec le gingembre ou des œufs de Brochet. Les barbes violettes des fleurs de chardons-d'Efpagne que l'on fait sécher comme des rofes, le poivre battu, le jus de bled verd pilé, ou autres herbes fort vertes, donnent la couleur, le goût & l'odeur au lait. A Florence on fe fert de fleurs d'artichaux pour le faire cailler.

De la Prefure.

La Presure est un lait Caillé qui fe trouve dans une espece de petit fachet qui tient à la panfe du Veau ou autre animal, & c'eft ce qui lui a fait donner le nom de Caillette.

Plus on garde la prefure, meilleure elle eft, parce qu'elle a plus d'acide: quoiqu'elle ait la vertu de faire cailler le lait, fi on la met après qu'il eft caillé elle fe diffout; de même que fi on met du fel dans le lait auparavant la prefure, il en empêche l'effet, & le lait ne fe prend point; au contraire le fel endur cit le caillé quand on l'y met après la prefure. La muscade rapée ou une seule goute de vinaigre empêchent auffi que le lait ne fe caille.

Pour avoir de bonne prefure, prenez les caillettes d'un Veau qui n'a encore été nourri que du lait qu'il a teté, tirez-en les petits grumeaux de lait caillé que vous y trouverez, épluchez-les bien & après avoir ôté les poils que le Veau peut avoir avalé en tetant, lavez ces grumeaux dans de l'eau fraîche à mefure que vous les manierez, & mettez-les dans un linge bien blanc pour les effuïer un peu: Enfuite lavez de même & raclez bien les caillettes, puis remettez-y les grumeaux, falez-les à falez-les à propos, pendez le tout en l'air, & mettez

un petit pot au- deffous pour recevoir l'eau falée qui en coulera; elle eft excellente pour faire cailler le lait : ne prenez de cette prefure qu'au bout de quelques jours, pour qu'elle ait le temps de fe faire.

Quand on veut faire du fromage, on prend un peu de cette prefure, on la délaye dans une cuillier avec un peu de lait, & on la jette dans celui dont on veut faire du fromage: il ne faut qu'une demie dragme de prefure pour une bonne potée de lait.

Il fe prend au bout d'une heure ou deux : le lait tout nouvellement trait ne fe caille pourtant pas fi vite que celui qui eft froid; de même celui qui a toute la créme eft plus long-temps à fe prendre que celui qui est écrémé.

Quand le froid empêche que le lait ne fe caille, on met le pot & le lait dans une chaudiere plaine d'eau tiede, ou fur de la cendre chaude.

Quand le lait eft pris, on tire le caillé avec la cuillier à écrémer, & on le dreffe dans les écliffes, pour lui donner la forme qu'on veut qu'il ait, & pour en laiffer égoûter le petit lait qu'on appelle Mégue en quelque Provinces; on le reçoit dans des écuelles de bois ou de terre, pour le donner aux cochons, à la volaille, &c. Quand les fromages ont pris corps dans les écliffes, on les en ôte pour les fervir felon qu'on les aime, mous ou égoûtez, ou bien on les met dans les Chafieres; c'eft-à-dire dans les Cages d'ofier faites exprès pour cela, ou fur des ais, pour qu'ils s'affermiffent.

De la maniere de faler, faire fécher, conferver & raffiner les Fromages. Auffi-tôt que le Fromage a pris corps, on le fale pour qu'il ait meilleur goût, & qu'il fe garde mieux; le premier jour on jette du fel bien égrugé par deffus, le lendemain on le retourne & on le fale de l'autre côté, & ainfi alternativement de jour en jour vers le cinquième jour les fromages jetteront une efpece de fleur farineufe; vous mettrez du fel menu par deffus, & continuerez à les retourner tous les jours jufques à ce qu'ils s'affermiffent : il y en a qui pendant ce temps les pélent tous les jours. Quand ils font fermes, on les met fécher dans la cage ou chafiere, fur de la paille fraîche ou des joncs, ou fur des ais bien propres, ou bien dans des efpeces de Garde-mangers quarrez, garnis exprès de toiles claires tenduës bien roide fur des chaffis de bois. Il faut feulement avoir foin de tenir tous ces endrois bien propres, hors de la portée du Soleil, & ratiffer les ais avec un coûteau tous les huit jours, pour qu'il ne s'y engendre point de vers ou autre vermine: Pour s'en garentir les uns frottent les fromages avec de l'huile de lin ou du marc de cette huile; d'autres mettent les fromages dans de la graine de millet ou de lin qui les tient frais & les empêche de durcir, en forte qu'ils font toûjours bons à fervir au Maître ou aux Domestiques, ou à être vendus. Sur-tout il ne faut point les faire fécher précipitamment en les mettant, comme font quelques gens, dans une chambre bien fermée, dans laquelle ils allument du feu ce n'eft pas là les fécher; c'eft feulement les rider & leur donner un goût, une odeur, un œil & un acide très-defagréables.

Vos fromages étant ainfi féchez lentement, gardez-les dans un lieu temperé, où ils foient à couvert du grand chaud & du grand froid, & hors de la portée des Chats, Infectes & de tout ce qui peut y faire tort. S'ils fe fendent, ou fi les vers s'y mettent, il faut les manger ou les vendre, ou bien en ôter les

vers & froter les crevaffes d'huile ou marc de lin ou d'huile d'olive.

Les fromages fe confervent ainfi pendant un an & plus; mais il faut les faire affiner quand on les veut manger; l'affinage les rend jaunes, gras, plus, forts & plus piquants.

On les affine ou en les mettant à la cave ou autre lieu frais, dans des ar-. moires pratiquées dans les murs ou fur des planches bien propres, qu'on peut, frotter d'huile, foit d'olive, foit de lin, ou de vinaigre, avant que d'y ranger: les fromages; ou bien les mettre dans du fon après les avoir frotté de lie-devin; ou bien encore les tremper dans de l'eau falée, les enveloper enfuite defeuilles d'orme ou d'ortie, & le tenir fraîchement dans quelque vaiffeau, qu'à ce qu'ils foient affez affinez fans l'être trop, parce qu'alors a force de fermenter, ils deviennent mauvais pour le goût & pour les effets.

jus-.

Quand à force d'avoir été gardez, ils font devenus durs & amers, il n'y a qu'à les mettre dans le fable de la cave, ou dans de la farine, ou parmi des. pois chiches, ou bien encore les couvrir de feuilles de ferpentaire; tout cela. empêche qu'ils ne fe pourriffent & que les Mîtes ne s'y mettent.

Choix & marques d'un bon Fromage..

Il doit être gras & un peu péfant, avoir la tranche nette & unie, la couleur jaunâtre, la pâte égale, bien liée, favoureufe & douce, fans Mîtes, Vers ni pourriture : Le meilleur eft celui qui n'eft ni trop vieux ni trop nouveau, qui eft affez gras & affez falé, d'une confiftance médiocre, d'un goût & d'une odeur agréable, & enfin qui a été fait avec de bon lait de Vache: quand on y mêle du lait de Brebis, il eft plus blanchâtre & moins favoureux. Les Poitevins y mettent un peu de fafran pour le rendre jaune.

Promptes façons de Fromages.

S'il vous furvient du monde que vous vouliez régaler à vôtre Campagne, d'un fromage délicat, prenez à midi la créme du lait qui a été tiré le matin,. mêlez-la avec autant de lait tout chaud trait, mettez- y de la prefure délayée dans de l'eau falée ; quand le tout eft bien mêlé, qu'il a repofé une bonne heure, & que la prefure aura fait fon effet, dreffez ce caillé avec une cuilliere dans une écliffe haute & garnie dans le fond, d'un linge bien blanc, laissez égoûter ce fromage pendant deux ou trois heures; enfuite renverfez-le fur une affiette, ôtez en le linge & fervez le : au-lieu d'eau falée, l'eau de fleurs d'orange ou le jus d'amandes pilées font à merveilles.

Bien des gens ne font que prendre le lait tout chaud trait, le coulent & le mettent en prefure en le remuant quelque temps avec la cuilliere : Ce fromage. eft fort bon à manger promptement, & il eft meilleur au Printemps qu'en toute autre faifon,

Fromage de Breße.

Dans la Breffe, le fromage fe fait d'une maniere qu'on peut fuivre par tout, fur-tout quand on a un peu de fromages à faire.

Pour cela, prenez dix ou douze pintes de bon lait, coulez-le & le mettez dans une chaudiere fur le feu, laiffez-l'y chauffer tant que vous pourez y fouffrir le bras nud, enfuite mettez y une once de bon fromage détrempé dans de

l'eau,

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Feau, il faut qu'il y en ait plein un moïen plat; pour donner couleur au fromage vous y délayerez un peu de faffran.

Quand le lait qui eft dans la chaudiere fera caillé, prenez un bâton rond & bien net, avec lequel vous romprez & remuerez le fromage, afin que ce qu'il y a de plus onctueux aille au fond de la chaudiere & fe mêle enfuite; cela fait ayez les bras bien lavez & retrouffez, paîtriffez vôtre pâte de fromage, tournez-la & la Letournez jufqu'à ce qu'elle foit cuite également par tout & un peu ferme.

Alors tirez le fromage hors de la chaudiere, mettez-le fur un linge blanc & quelque chofe de pefant par deffus pour qu'il s'égoutte. Ces fromages font ordinairement ronds & on les laiffe repofer & fécher pendant cinq ou fix heures au bout de quelles on les met à la cave fur des tablettes bien propres.

Au bout de cinq jours que ces fromages font encavez, il s'y forme une efpece de farine au-deffus; alors on en faupoudre le pardeffus de fel bien menu, le lendemain on les retourne & on les fale de même de l'autre côté. Trois jours après qu'ils ont été falez on ôte le linge dans lequel on les avoit laiffé envelopez, on les nettoïe & on les laiffe ainfi s'affermir jufqu'au lendemain qu'on va les faler de nouveau, mais bien plus fort que les trois premiers jours, & enfuite on les envelope de nouveau dans le même linge : on continue tous les jours à les retourner & faler, & à ôter de trois jours en trois jours le linge & la croute farineufe; & tout cela pendant un mois, car les fromages font alors achevez: Il y faut plus ou moins de fel, fuivant qu'ils font plus ou moins cuits; & quand ils en ont affez, ils n'en prennent plus; pour lors on les tourne & retourne tous les jours pendant cinq ou fix jours, jusqu'à ce qu'ils foient bien fecs, puis on les ratille de tous côtez avec le dos d'un coûteau, & on les met dans une chambre ou dans un garde-manger; on les changera de place de quinze jours en quinze jours, & chaque fois qu'on les changera, on ràtiffera les fromages & les planches : il faut fe donner ces foins-là pendant fept ou huit mois; ces fortes de fromages ne font que fe perfectionner pendant tout ce temps-là.

Autres manieres faciles de faire le Fromage.

Dansbien des païs, fans faire tant de façons, on ne fait que mettre des Pommes-de-pin vertes, dans le vaiffeau dans lequel on doit traire le lait, on le trait par-deffus & on laiffe le tout jufqu'à ce qu'il foit caillé.

D'autres prennent des Pignons, qui font des noïaux de pommes-de-pin, les broyent & les mettent dans le lait.

D'autres encore ne font que piler du thin, le mêlent dans le lait, le paffent enfuite par le tamis & le laiffent fe cailler.

Fonchées.

A Paris on appelle Fonchées, les fimples fromages de lait fraîchement caillé fans prefure, & égoutez dans des paniers d'ozier ou de jonc, d'où leur vient ce nom,

O

CHAPITRE III.

Des Bêtes à Laine.

Nappelle Bêtes à laine, Bêtes blanches ou fimplement troupeaux, les Brebis, les Béliers, les Agneaux & les Moutons, qui font tous animaux de la même efpece, mais d'âge, fexe ou état differents; fouvent même on ne fe fert que du mot de Brebis ou Moutons, pour les fignifier tous. Au refte peu de gens igno,

Tome I.

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rent que le Bélier & la Brebis font le mâle & la femelle; de même que l'Agneau foit mâle ou femelle eft le petit d'une Brebis, lequel n'a pas encore pallé un an les Laboureurs appellent Antenet celui qui n'en a que deux; &.le Mouton, à proprement parler, est un Agneau qui est chatré & qui a trois ans.

Profits que font les Bêtes à-laine.

Ce font les beftiaux qui en font le plus leur fécondité, leur toison, leur chair, leur lait, leur graiffe, leurs peaux, leur fumier même, tout en fait tant de profit, qu'une Ferme fans troupeau eft un corps fans ame.

1. Les Brebis agnelent tous les ans ; ainfi tous les ans les troupeaux doublent. 2o. On les tond auffi tous les ans une, deux & dans quelques endroits jus qu'à trois fois, foit Brebis, Moutons ou Agneaux; & leur laine eft un revenu annuel, foit qu'on la vende aux Entrepreneurs des Manufactures de draps, aux Bonnetiers, &c. ou qu'on l'employe chez foi, ou qu'on la faffe employer en couvertures, bas, draps ou étoffes groffieres, comme Poulangis & Tirtaine, dont les Domestiques & Païfans s'habillent, matelas, &c. Les laines blanches font les plus eftimées; celles d'Agneaux fe vendent tout comme les autres.

3°. La chair des Bêtes à laine eft eftimée par tout, & par tout d'un grand débit, fur-tout celle de l'Agneau & du Mouton. L'Agneau eft excellent & cher après Noël & après Pâques. La chair des Brebis même, quoique fade & vifqueufe, ne laiffe pas que de fe vendre affez bien: celle du Bellier fe mange rarement à cause qu'elle a l'odeur forte & la faveur defagréable, de même que le Bouc Cependant on châtre ou du moins on tourne les Béliers pour les engraiffer enfuite, & leur chair paffe pour les gens du commun.

4°. La caillette d'Agneau fert à faire de la prefure. La tête, les pieds, la frefure, le poulmon, les rognons & la plupart des inteftins du Mouton le fervent à la cuifine; on les emploïe auffi, même le fiel, dans la Médecine, à beaucoup de chofes, comme nous le dirons ailleurs.

5°. Le lait de Brebis fournit beaucoup, il eft d'un grand usage dans une Maifon de Campagne : comme il a moins de petit lait que les autres & qu'il eft beaucoup plus gras & butireux, on en fait du fromage qui eft très-bon & de garde quelqu'uns l'eftiment même plus que celui de Vaches, parce qu'il fe digere plus aisément, mais auffi il eft moins nourriffant. Le lait de Brebis s'emploie comme celui de Vaches; l'abondance en eft plus ou moins grande, felon que les Brebis trouvent de quoi manger: on les traite deux fois le jour, & on commence à le faire fi-tôt que les Agneaux font sevrez, jusqu'à ce que les froidures de l'Automne faffent tarir le lait.

6°. La graiffe de Mouton produit auffi beaucoup d'argent, parce que c'eft le meilleur fuif; il eft plus blanc & plus ferme que celui du Bouf: c'est pourquoi il ne faut pas avoir moins de foin de le conferver jufqu'à ce qu'on le vende ou qu'on l'employe à en faire de la chandelle pour la maison, pour cela on le mêle prefque toûjours avec celui de Bœuf, comme nous l'avons dit au Chapitre du Bœuf.

7°. On fe fert des peaux de Moutons à bien des ufages, de même que de celles de Brebis & d'Agneaux: pour en avoir de l'argent quand on veut, il n'y a qu'à les porter aux Tanneurs, aux Corroyeurs, aux Megiffiers, aux Parcheminiers, aux Foureurs, aux Relieurs; car on en fait du parchemin, de

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