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qu'il n'y a plus la moindre goute de lait; ce mal leur vient des grandes cha leurs. On le guérit en les menant tous les jours paître à la rofée, & en leur frotant les mamelles avec du lait bien gras, ou pour mieux faise avec de la crême. Au lieu de les mener paître, bien des gens les tiennent enfermées à l'Etable, & les y nourriffent de feuilles de vignes ou d'herbes les plus tendres.

Des Chevres Indiennes, qui font d'un grand rapport, & faciles à avoir.

Comme on a fait venir en Europe, des Vaches & des Brebis Indiennes, dont la race eft établie en France; on en a auffi amené des Chevres qui font beaucoup de profit par tout où on les veut établir.

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Les Anglois & les Hollandois ont été les premiers à en avoir chez eux: ils en ont apporté la race des Indes & de Barbarie. En Afrique elles donnent deux & trois fois plus de lait que les nôtres; il eft meilleur, & le fromage auffi; elles donnent prefque toûjours deux Chevreaux ; elles ont le poil fin & en abondance on en fait entre autres de beaux camelots, & on peut les tondre deux fois l'an, ainsi qu'on fait les Barbets dont la race eft auffi venuë de Barbarie. Les Anglois ont difperfé ces Chévres Indiennes, dans les païs maigres & Montagneux, où les pâturages n'étoient pas affez bons pour les Vaches & les Brebis qu'ils avoient amené des mêmes païs ; & par la ils ont fçû mettre a profit les côtes les moins fertiles, & établir chez eux de belles races de beftiaux de grand rapport. C'est par la quantité des établissemens & des foins de cette efpéce que les Anglois & les Hollandois ont attiré à eux tant de profits, foit en manufactures, commerce de cuirs, ou autres qui les ont rendus riches & puiffans. La France leur a envié, ou plûtôt elle leur a enlevé la gloire & l'utilité de ces avantages, mais c'eft aux particuliers à la foûtenir par leurs foins.

La race de ces Chévres de Barbarie ou des Indes a paffé en France, & on appelle en Provence Befons, les Chevreaux qui en viennent; mais nous en avons peu, & il faut la multiplier davantage, & l'établir dans tous les endroits du Royaume où on nourrit des Chévres. La chofe eft fort aifée, puifque fans même aller en Afrique ni aux Indes, nous en pouvons tirer de Provence, par la voïe de Marseille, ou d'Angleterre & de Hollande : Il n'y a qu'à leur donner la même nourriture & les mêmes foins qu'à nos Chévres communes ; à peu près comme je l'ai dit des Brebis Flandrines & Efpagnoles, qui viennent des mêmes païs. Par-là on aura de belles & fortes Chévres, dont chacune portera deux Chevreaux par an; on les aura de bonne heure; on les engraiflera & les vendra cher, ou ce feront des Boucs bons & vigoureux, qui ferviront deux & trois fois plus de Chévres que les nôtres ; elles donneront beaucoup de lait & de fromage, & elles peupleront les lieux qui ne font point propres aux Vaches ni aux Brebis, enforte qu'il n'y aura point de terrain perdu. Quoique les Chévres aiment les brouffailles & trouvent à brouter par tout, elles s'accommoderont bien des bons foins fi on veut les y mener. Voyez & pratiquez pour ces Chévres étrangeres ce que nous avons dit (au chapitre des Vaches & des Brebis) de celles qui viennnent des mêmes païs & qui font tant de profits.

Du Chamois du Bouquetin.

Le Chamois n'eft autre chofe qu'une Chévre très fauvage, qui habite le plus haut des Rochers & des Montagnes, qui eft plus grande, a les jambes plus

longues & le poil plus court que la Chévre domeftique. La peau du Chamois elt eftimée; on la vend aux Peauciers, aux Pelletiers, aux Gantiers & autres, pour en faire des gans, des bas, culotes, veftes, &c.

Il y a auffi un Bouc fauvage, qu'on appelle Bouquetin; il fe trouve dans les païs de Montagnes, & c'eft une espece de Chamois; mais il a de plus longues

cornes.

CHAPITRE V.

Des Cochons

L E Cochon eft un animal fort fale, fort gourmand, & qui fait du dégât par tout où il paffe, cependant c'eft un de ceux qui font le plus de profit, parce qu'une Truie porte deux fois l'année, & donne à chaque fois depuis dix jufqu'à quinze Cochons, on a même vû des Truies en France qui en ont eu julqu'a trente fept d'une feule portée; au lieu qu'une Vache & une Brebis ne porte qu'une fois l'année & ne donne qu'un petit à la fois, ainfi une Truie qui donne a trente Cochons par an, rapportera trente ou quarante écus, en vendant chacun de ces Cochons à l'âge de trois femaines un écu ou quatre livres, comme ils ont coûtume de valoir. Le Cochon vient à merveille dans tous les païs, & il eft d'un très-grand ufage parmi les alimens chez toutes les nations, hormis les Juifs, les Arabes, les Mahometans, les Maures & les

Tartares

La chair de Porc eft fort agréable & fort nourriffante; & bien des gens fe font un régal d'un Cochon de lait, On mange le Porc frais & falé. La chair des Truies n'eft pas d'un goût fi agréable que celle du Cochon, La chair, la graiffe ou le lard, les langues de Cochon foit fumées ou fourées, fes pieds qu'on appelle des bas de foye, fes inteftins, fes vifceres & fes autres parties font toutes en ufage parini les alimens: la panne, le vieux lard, lå finte & le fiel de Cochon ont tous des proprietez particulieres dont nous parle rons ailleurs. On dit en Proverbe de campagne, A chaque Porc vient la Saint-Martin, parce que c'eft principalement dans ce temps qu'on vend les Porcs ou qu'on les tue pour la provifion de la maifon, on en fait du petic falé, du lard, des jumbons, du boudin, des fauciffes, des andouilles, &c. On en fait encore du fain-doux & du vieux oing, comme nous l'avons die au Chapitre des Provifions de la Maifon, Les foyes de Cochon ont auffi leur ufage: on en fait des gros pinceaux, des vergittes & des broffes; elles fer

vent aui aux Cordoniers & aux Savetiers.

Malgré la fecondité des Truies & les differens ufages qu'on fait du Porc, cependant on n'éleve point tant de ces animaux que de Brebis, il y a pour tant quelque Pais où on en fait un grand commerce, & il y a des gens qui les vont acheter de Ferme en Ferme, & qui en font des troupeaux qu'ils mettent à la Glandée, & les vendent enfuite dans les Foires & dans les Mir chez. Les gros Fermiers ont auffi toûjours foin d'en bien girnir leur BalfeCour.; c'eft de l'argent prêt quand on les veut vendre, & c'est une provi

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fion toûjours prête à prendre pour la maison.

Le Cochon eft d'un naturel fi fale & fi gourmand, qu'il n'eft jamais plus content que quand il eft dans la fange, dans les marécages & dans l'ordure, il mange de tout, n'eft prefque jamais raffafié, & vole toûjours la mangeaille des autres ; cependant il lui faut de la paille fraiche & beaucoup de propreté à l'étable.

Il hait le loup, les belettes, les fcorpions, l'élephant, la falamandre; & i eft fort fujet à la ladrerie, aux fcrophules, à l'angine.

On ne doit point fe mettre en peine de l'air & de la fituation du lieu pour nourrir des Cochons, parce qu'ils fe plaifent & multiplient par-tout. Les Bois font pourtant les endroits où ils trouvent mieux leur compte, à cause des feuilles & des fruits, & fur-tout à caufe de la glandée.

Choix des Truies & Verrats.

On appelle Verrat un Cochon qui n'eft point châtré, c'eft le mâle de la Truie. Le mot de Cochon fignifie proprement un Porc châtré, quoique par ce mot de Cochon on entende affez communément les Truies, les Verrats, le Cochon de lait & le Cochon châtré; de même que par le mot de Porc, on entend ordinairement la chair de tous ces animaux.

Quand c'eft pour manger, le Cochon doit être choifi ni trop jeune ni trop vieux, gros, tendre & nourri de bons alimens, comme de glands, ou de faines, de féves, de raves, de naveaux, de choux, &c. La femelle n'eft pas fi eftimée que le mâle; mais il faut qu'il ait été châtré & engraiffé: plus le Porc eft châtré jeune, meilleur il eft. Le Cochon de lait bien rôti vaut fans doute encore mieux, du moins pour le goût; car on prétend qu'un Cochon qui n'eft ni trop jeune ni trop vieux, eft plus convenable pour la fanté il y a auffi plus de profit à élever les Cochons de lait pour garnir la Basse-Cour; mais quant à la table, le Cochon de lait doit être choisi trèsjeune, dodu & gras, éveillé, court & ramallé, ayant la peau fraiche & luifante & le poil doux.

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A l'égard du ménage & de la multiplication du Troupeau, il faut choisir le Verrat plus quarré que long, court & ramaffé, ayant la tête groffe, le groüin. court & camus, les oreilles grandes & pendantes, les yeux petits & ardens, le coû grand & gros, le ventre avallé, les feffes grandes & larges, les jambes courtes & groffes & la foye épaiffe & noire, fi c'eft pour un Païs froid; au lieu que fi c'eft pour un Païs chaud, on prend le Verrat avec peu de foye. Un bon Verrat fuffit à dix Truies; & quoique cet animal foit amoureux dès l'âge de fix mois, il n'eft bon pour les Truies que depuis un an jufqu'à quatre ou cinq.

La Truie doit être choifie de long corfage, avoir le ventre ample & large, les tetins longs, & être d'une race feconde. Au furplus on obfervera la même chofe qu'au choix du verrat. La Truie produit depuis un an jufqu'à fix ou même fept, elle porte quatre mois, cochone dans le cinquième, & cochone deux fois l'année; elle rentre en amour trois semaines ou un mois après qu'elle a mis bas, quoiqu'elle continuë de nourrir fes petits, à moins que le grand nombre qu'elle en nourrit ne l'amaigriffe & ne diminne fon ardeur pour le mâle: elle recherche les approches du mâle, quoiqu'elle foit pleine, ce qui eft contre l'ordinaire de toutes les bêtes..

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Des Toits à Porcs, & du Porcher.

Nous avons dit ci-deffus au Chapitre de la Baffe- Cour, qu'il falloit avoir deux toits à Porcs au moins pour mettre le verrat à part, de peur qu'il ne fatigue trop les femelles, ou qu'il ne s'épuife lui même, ou ne faffe avorter celles qui font pleines, & ne mange les petits. Chaque toit doit aufli être bien pavé & les murs bien garnis de douves ou de planches, afin que les Cochons ne foüiffent point la terre de leurs étables, que l'ordure & le mauvais air n'y restent point, & qu'ils n'en percent point les murs ou parois.

Le Cochon, quoique fale, veut une litiere propre, c'eft pourquoi il faut lui donner fouvent de la paille fraîche, & nettoyer avec foin leurs étables : la propreté les engraiffe prefque autant que la nourriture & les fait bien dormir, ce qui leur fait bon corps; car le Cochon eft d'un naturel à toûjours manger ou dormir, ce n'eft que par là qu'il prend chair & graiffe: plus il est entretenu nettement, plus il devient beau, gras & fort.

Pour fermer leur toit, c'eft affez d'une porte faite avec des barreaux de bois éloignez l'un de l'autre de quatre poûces.

Le Porcher qui les conduira & les foignera, fera jeune, matineux, alerte & robufte pour les mener de bonne heure aux champs, empêcher qu'ils ne fallent de dégât à force de feuiller, fur-tout dans les jardins & près des hayes & murs: il veillera après les Truies qui doivent cochoner, tant pour les fecourir que pour empêcher que les verrats ne bleffent les meres ou les petits, & que les meres ne mangent leur arriere faix.

Le Porcher doit être actif, moderé & induftrieux pour bien gouvernet un bétail fi indocile & fi gourmand: un Porcher peut conduire cinquante à foixante Cochons de differens âges; il fera attentif à obferver tout ce qui eft dit dans ce Chapitre, tant pour bien nourrir que pour bien foigner fes beftiaux en quelque état qu'ils fe trouvent; il en fçaura le nombre, connoîtra les jeunes & les vieux, aura foin particulierement des Truies pleines pour les enfermer & les faire cochoner heureusement; il marquera le nombre des Cochons qu'elles auront faits, diftinguera les mâles & les femelles, empêchera qu'ils n'aillent teter d'autres que leur mere; car ils font fort fujets à fe mêler hors de leur toit & à aller teter la Truie la premiere venue qui fe laiffera faire; c'eft pourquoi il eft bon que le Porcher mette à part chaque Truie & fes petits, & qu'il les marque fur le nez ou ailleurs avec de la poix ou de la craie, d'une même marque, pour qu'il puiffe les reconnoître, & il rafraîchira cette marque de temps en temps.

De la nourriture & du pâcage des Cochons.

On éleve des Cochons dans toutes fortes de terrains, foit terre labourable, en friche, Montagnes ou Vallons, Marais & prez, Bois de haute futaye ou autre, ou lieux fangeux.

Les Bois font pourtant ce qu'il y a de meilleur, à caufe du gland, des faines, des châtaignes & autres fruits fauvages; c'eft la nourriture qui leur plaît le plus & qui leur fait prendre une bonne graiffe fans qu'il en coûte beaucoup on les mene paître ces fruits dans les Bois en Automne, & on leur en amaffe auffi pour l'Hyver, comme nous l'allons dire.

Les marécages & les terres fangeufes & limoneufes font encore très-bonnes

ils

pour les Cochons, parce qu'en s'y vautrant & foüillant aifement la terre, y trouvent des vers & des racines qui les nourriffent, fur-tout quand il y a beaucoup de glaieuls, joncs, rofeaux autres herbes aquatiques.

des

On les engraiffe auffi dans les champs labourez, quand ils font couverts.. d'herbes & de quelques arbres qui donnent des fruits fauvages. On leur donne les fruits que les vents ont abatus, & toutes fortes de fruits pourris, feuilles de vigne & d'arbres, comme de Figuier, Noyer, Mûrier, Orme, Chêne & Hêtre : on en fait même des amas qu'on fait fecher pour les garder; & pour les leur donner, on les fait bouillir & on y mêle un peu de fon. Les châtaignes, les figues & les olives bouillies leur font très-bonnes ; c'est pourquoi on leur en donne dans les lieux où ces fruits font fort abondans. Les jardins fourniffent les choux, les raves, les naveaux, les citrouilles, les concombres, les melons, les féves & quantité d'autres fruits, herbes legumes & racines dont on les nourrit dans l'arriere faifon : on leur donne auffi des joncs-marins pilez.

On les mene paître depuis le mois de Mars jufqu'au commencement d'Octo bre, deux fois par jour, le matin après que la rofée eft diffipée (car elle ne vaut rien aux Cochons ) jufqu'à dix heures ; & depuis deux heures après midi jufqu'au foir ; depuis le mois d'Octobre jufqu'à celui de Mars on les laiffe paître pendant tout le jour, pourvû qu'il n'y ait ni neige, ni pluie,

En quelque temps que ce foit, fur tout pendant la Canicule, il ne faut jamais leur laiffer fouffrir la foif; elle les amaigrit tout d'un coup & leur caufe la fiévre on connoît qu'ils ont bien foif à une petite toux féche; il n'y a qu'à avoir foin de les faire toûjours bien boire, & que l'eau ne leur manque jamais à la maifon non plus qu'aux champs; le petit lait leur eft: excellent pour appaifer la foif & les mauvaifes fuites qu'elle peut avoir.

Les Cochons font fi gourmands, qu'outre leur pâture, il faut encore leur donner quelque chofe au retour des champs, principalement l'Hyver: on leur fait chauffer les lavûres d'écuelles ou le petit lait des fromages, ou bien on, leur donne des fruits, des légumes ou des herbes, & du fon dans un peu d'eau tiéde; cela les attire tous enfemble au gîte & leur fait bon corps; il eft bon de leur en donner autant le matin.

Il eft encore à propos de leur donner de temps en temps du grain quand la pâture eft rare, ou quand l'herbe qu'ils vont paître le matin eft encore nouvelle, parce qu'elle leur lâche trop le ventre & les amaigrit: le grain corrige la crudité de la nourriture, il fupplée à fa rareté & fortifie les, Cochons.

Temps de faire fouer les Truies, & des foins néceffaires quand elles

cochon ent.

Nous avons parlé du choix de la Truie & du verrat, & de l'âge que l'un & l'autre doit avoir.

On connoît que la Truie eft en chaleur, quand on la voit fouvent fe eautrer dans la boue; mais ne faut pas la lâcher au mâle qu'elle n'ait

un an.

La bonne faifon de la faire fouer, c'est-à-dire de lui donner le mâle, est en Février, Mars & Avril, afin que comme la Truie cochone dans fon cin

quiéme

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